Calais : sombre avenir pour l’église Sainte-Germaine ?

L’annonce a fait grand bruit hier et vous êtes des dizaines à nous avoir contacté pour nous alerter au sujet du projet de démolition de l’église Sainte-Germaine à Calais et nous vous remercions.

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En premier lieu, nous avons souhaité interroger les contacts que nous avons au Diocèse d’Arras afin de connaître l’état réel de la situation et nous attendons leurs réponses.

Quoi qu’il en soit, même s’il faut être très vigilants quant à l’avenir de l’édifice, sa démolition n’interviendra pas demain.

En effet, il faut tout d’abord engager la procédure de désacralisation, mais également, obtenir l’accord des Bâtiments de France, puisque les vitraux de l’église sont protégés au titre des Monuments Historiques (inscription faite le 03/02/1997) pour ceux du chœur, de la nef, des fenêtres hautes et bas-côtés, ainsi que ceux de la chapelle des fonts baptismaux.

Dans l’Avenir de l’Artois le représentant du Diocèse donne les raisons de cette décision :

« L’économe diocésain en charge des deniers du diocèse d’Arras évoque « une église digne d’un mastodonte et de fait, très coûteuse en termes d’entretien. C’est un vrai gouffre pour le diocèse ». Au minimum, l’économe diocésain parle d’une enveloppe de réfection de plusieurs millions d’euros. L’électricité est à refaire, et les sous-sols font régulièrement l’objet d’inondations « en raison du terrain marécageux sur lequel l’église a été construite. Il y a une instabilité constante du terrain ». Autre argument du diocèse qui ne pourrait régler la facture des travaux, la faible affluence lors des messes, toutes les deux semaines. « Ce n’est pas non plus une église qui accueille 1000 personnes. Elle est trop grande. » S’il n’y a pas de contre-ordre du nouvel évêque, l’église sera rasée, mais le culte ne devrait pas totalement disparaître du quartier. Si le diocèse est en relation avec des bailleurs pour vendre les 4500m2 de terrain afin d’y construire des logements, un lieu de culte plus petit devrait être érigé. Petite chapelle, lieu de culte modulable, rien n’est écarté et Lionel Delcroix assure que « les paroissiens et le curé seront associés ». L’objectif est d’entériner le dossier « pour la fin d’année ».  

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Nous sommes très étonnés des sommes annoncées pour une éventuelle restauration, d’autant que de nombreux travaux avaient déjà été entrepris dans les années 90. Certes le temps a dû depuis faire son ouvrage, mais il n’y a aucun péril imminent.

Dans l’article il est aussi question de la vente du terrain pour y construire des logements, mais si le terrain est marécageux, cela signifierait qu’il n’est pas constructible. Tout ceci pose questions.

Un autre problème se pose : celui de la démolition d’un édifice religieux dans un contexte sociétal difficile. Nous sommes nombreux à nous insurger contre les actes de vandalisme perpétré contre de nombreux édifices, mais si l’institution catholique elle-même détruit son patrimoine, c’est la porte ouverte à toutes les exactions.

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Quoi qu’il en soit, une fois encore Urgences Patrimoine va se mobiliser pour essayer de trouver une alternative à cette démolition en collaboration avec l’EPAC (Environnement et Patrimoines du Calaisis), association fraichement créée suite à la démolition de la maison de Roger Poyé et à la mobilisation initiée par Magali Domain.

Nous avons conjointement décidé de lancer une pétition, qui nous le savons tous, n’est pas une solution miraculeuse, mais un moyen de faire entendre la voix des amoureux du patrimoine qui ne veulent pas voir disparaître les témoins de leur mémoire collective.

Pour signer la pétition cliquez sur le lien ICI.

Historique de l’édifice

Placée sous le patronage de sainte Germaine Cousin, une bergère qui vivait près de Toulouse au XVIème siècle et qui a été canonisée en 1867, l’église du Pont-du-Leu située rue de Montréal est née en grande partie grâce à la volonté de l’abbé Constant Hanse qui voulait édifier un beau lieu de culte dans une paroisse appelée à se développer, notamment suite à l’implantation de la grande usine « Les Filés de Calais » produisant de la soie artificielle.

Une souscription fut lancée après la Grande Guerre pour remplacer le baraquement qui faisait jusqu’alors office de lieu de culte rue de Lima. Les paroissiens du Pont-du-Leu eurent beaucoup de difficultés à rassembler tout l’argent nécessaire au financement du chantier, la crise économique des années 1930 frappant durement le Calaisis. Le diocèse d’Arras apporta sa contribution et des dons des « Germaines » de toute la France ont permis à l’église de voir le jour.

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Mgr Julien, évêque d’Arras, posa la première pierre en 1928 mais les travaux furent difficiles en raison du caractère sableux et très mouvant du terrain choisi. Il fallut y enfoncer plus de 160 colonnes en béton et les relier au niveau du sol par du ciment armé afin de pouvoir élever les murs. Ces différentes opérations engloutirent des sommes énormes, si bien qu’il fallut une ultime récolte de fonds pour pouvoir élever le clocher.

Mgr Dutoit inaugura l’édifice le 1er avril 1934. Œuvre de l’architecte Julien Barbier, la grande église, au plan en croix latine, se distingue par son revêtement en briques rouges et son clocher-porche. À l’origine, son autel était celui de l’ancienne église de Pétresse (ou Saint-Pierre, commune avec laquelle Calais a fusionné en 1885), qui avait été récupéré par les Petites Sœurs des Pauvres. Le lieu de culte recèle aujourd’hui quelques merveilles Art Déco : un chemin de croix en mosaïque et vingt-huit magnifiques verrières réalisées par les célèbres maîtres-verriers Louis Barillet, Le Chevalier et Théo Hanssen. Ces verrières ornent le chœur, la nef, les fenêtres hautes et les bas-côtés ainsi que la chapelle des fonts baptismaux et figurent à l’inventaire des objets mobiliers inscrits au titre des monuments historiques (référence PM62008410 dans la base Palissy).

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM62008410

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Crédits photographiques : Magali Domain

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