Il faut sauver Sainte-Germaine : le cri du cœur d’un ancien paroissien.

Depuis le 22 juillet Urgences Patrimoine œuvre à la sauvegarde de l’église Sainte-Germaine à Calais.


Notre pétition, créée en collaboration avec Magali Domain membre de l’association Environnement et Patrimoines du Calaisis et également correspondante d’Urgences Patrimoine, rencontre un certain succès.

Nous poursuivons nos démarches de demande d’inscription de l’édifice afin qu’il ne soit pas démoli, et nous ne ménageons pas nos efforts pour orienter les représentants du Diocèse afin qu’ils s’orientent vers la vente de l’église plutôt que de la démolir.

Aujourd’hui, nous avons tenu à publier un article rédigé par un ancien paroissien, dont la mère fut l’une des principales actrices de la levée de fonds organisée afin de faire ériger l’édifice. C’est donc en toute légitimité que Robert Jourdain nous parle de cette église et des sacrifices que certains ont fait pour que l’église Sainte-Germaine voit le jour.

Car bien évidemment, une église n’est pas qu’un « tas de pierre ». Elle est aussi l’âme de ceux qui l’ont construite et un témoin de l’histoire locale qui ne mérite en aucune façon de finir en poussière sous les pelleteuses.

Je suis du Pont du Leu et Sainte Germaine , c’est notre Patrimoine !!! Le projet tel que dessiné par les architectes.

A l’heure où singulièrement « on » dit que la destruction de l’Eglise Sainte Germaine serait pour bientôt, il est toujours intéressant de noter à quel point une église est liée à l’histoire du site sur laquelle elle est construite.

Alors je vous propose non pas l’histoire architecturale, ni la démarche de construction mais bien celle des habitants d’un quartier atypique dans l’histoire Calaisienne, tant sur le plan de la cité que sur le plan paroissial.

Etes -vous prêt ? Alors allons regardons la géographie du quartier.

Le pont du leu ( pont du loup) est situé à l’entrée de la ville de Saint-Pierre qui ne fera plus qu’un avec Calais à la fin du XIXe siècle. On peut imaginer qu’aux origines c’étaient des terres marécageuses avec très peu d’habitations.

En 1912 il fut décidé la création d’une paroisse confiée à l’abbé Holuigue qui décida la construction d’une Eglise en bois montée par les charpentiers de l’orphelinat du Quai de l’Yser sous l’autorité de l’abbé Damelencourt .

En 1919 L’abbé Constant Hanse, vicaire de St Pierre, est nommé officiellement curé de Sainte Germaine à Calais. Ce jeune prêtre aussitôt démobilisé va se charger de l’implantation de la paroisse aux contours particuliers, puisqu’elle prendra sur le marais de coulogne , le marais de coquelles et le pont à trois planches qui séparait coquelles et Coulogne de Frethun.


Sur ce territoire l’abbé Hanse voit les filés de calais s’installer sous la houlette de deux frères, Messieurs Désiré et Raymond Devos qui seront à l’origine de Courtaulds France et de Courtaulds Angleterre qui deviendra Courtauls limited . Cette usine va permettre la création de nombreux logements sur le pont du leu, tout un chacun voulant vivre auprès des lieux de son travail.

La pratique religieuse étant telle à cette époque que l’église envisagée par Mr l’abbé Hanse allait devenir réalité. Alors quelle stratégie adopter ? L’abbé Hanse réunit à ses côtés toutes les bonnes volontés. La paroisse crée un bulletin de liaison : La Voix de Sainte Germaine. Ce bulletin permettait de voir l’évolution des dons au mois le mois !

En 1923 les briques arrivent et en 1928 pose de la première pierre. Brillante cérémonie autour de l’Evêque d’Arras où toute la population est présente. Et là on va intensifier la recherche de dons : un grand nombre de gens de paroissiens va utiliser les liens familiaux et amicaux ! on va pédaler. eh oui, ils en feront des kilomètres à vélo tout le temps de la construction, afin de faire en sorte que celle-ci ne s’arrête pas, même si la crise de 1929 et les grèves de 1936 ont créé des difficultés notables, la générosité populaire ne s’est jamais démentie. Qu’ils soient ingénieurs, cadres ou ouvriers, tout le monde a mis la main à la pâte . Pour toute la population c’était une nécessité ! Dans le quartier vont apparaître les cités sncf qui vont venir agrandir la démographie. Une figure du pont du leu parcourra le département, voire la France, car elle descendra jusqu’à Pibrac en stop jusqu’au village de sa sainte Patronne. C’est Melle Germaine Dubois, qui sera jusqu’à sa mort un des pivots de la paroisse.


1938 Bénédiction de l’Eglise par Monseigneur Dutoit

Puis viendront les grandes kermesses qui aux plus belles époques duraient 2 week-end : 1er dimanche et deuxième dimanche de mai avec restaurations, stands multiples, buvette, alimentation, lingerie , fleurs, jouets, manèges , loteries, jeux extérieurs etc.

C’est là que l’on pouvait voir le dévouement d’un nombre important de bénévoles heureux de se retrouver pour financer leur église et son entretien…… Ils seront attentifs à la vie de leur concitoyens les patronages qui ont regroupé jusqu’à 150 garçons et une centaine de filles aux meilleures périodes, deux mois d’été et tous les jeudis scolaires. Des ateliers de trousseau pour les futurs mariés, une chorale brillante sous la houlette de Mr l’abbé Boucher organiste…

Enfin, une école viendra se greffer en 1942 après la destruction de Calais Nord où elle était installée.

L’Abbé Ducatel, qui succédera au chanoine Hanse entretiendra le patrimoine, mettra en place des obligations qui lui permettront de continuer les travaux et de terminer le clocher qui fut Béni par Mgr Derouet. L’abbé sillonnera le quartier avec son solex, son béret et sa vareuse noire. De temps en temps on le retrouvait sur les toits pour entretenir l’édifice … Tous les habitants le connaissaient et l’attendaient. Il a su mettre en place des équipes et leur faire partager son attachement à la paroisse. Paroisse où ils faisaient bon vivre, l’abbé avait su unir la population. Il aimait les gens et ils lui rendaient bien.

Une petite idée au niveau patrimoine construit ou mis en œuvre par l’abbé : une Salle paroissiale, une école , une salle de cinéma, le clocher de l’église et bien entendu son entretien et une fresque de la Résurrection dans l’église par une artiste locale.

Aujourd’hui on envisagerait de détruire l’élément majeur qui est l’église. Bien sûr l’Eglise n’est pas un bâtiment, mais bien le rassemblement de chrétiens voulu par le Christ. Mais les bâtiments sont aussi autre chose que des briques les unes sur les autres, ils sont les témoins de l’histoire et de la volonté créatrice des hommes. Mais si au lieu de détruire on envisageait un autre usage ? Si pouvoirs publics, église, habitants du quartier et bonne volonté, pouvions nous retrouver autour d’une table pour envisager sereinement l’avenir ? serait-ce possible ? Je pense à ces prêtres et ces bénévoles qui de là-haut nous regardent et qui pourraient nous dire un jour : « Tout cela pour ça ».

Le seul tort de Ste Germaine c’est d’être née après 1905. Mais c’est un des plus beaux monuments de cette époque par sa construction, son architecture et sa décoration. Le marbre d’hydrequen utilisé est d’une rare beauté, simple mais vrai. Les vitraux, le monument aux morts … etc Alors qu’attendons-nous pour sauver Sainte-Germaine ?


Sur cette photo prise en 1963 vous avez quelques uns de ceux qui ont sillonné la région pour la construction autour de L’abbé Ducatel. Melle Germaine Dubois est au 1er rang à gauche de la photo. Cette photo a été prise lors d’un pèlerinage à Lourdes .

Robert Paul Jourdain


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Crédits photographiques :
Photo 1 : Magali Domain
Autres photos  : Robert Jourdain