Quand l’art fait le mur…


C’est dans une petite commune d’Indre-et-Loire qui se nomme Les Hermites qu’une œuvre insolite orne désormais la façade de l’église Saint-Benoît, permettant notamment de mettre en valeur son cadran solaire.


Cette œuvre a été réalisée en utilisant la technique du sgraffito.

Le sgraffito trouve son origine dans le mot italien « graffiare » qui signifie griffer. Cette technique, qui nous vient de la Renaissance, consiste à gratter un motif sur deux couches d’enduit de chaux naturelle. La première couche foncée et rugueuse est alors recouverte d’une couche d’enduit plus lisse et plus claire que l’on gratte ensuite à l’aide d’une pointe.

On trouve ce genre d’ornements très fréquemment en Italie et notamment à Florence sur les façades de nombreux palais et demeures qui les mettent ainsi en valeur.

Certes Les Hermites ce n’est pas Florence, mais l’église Saint-Benoît méritait amplement d’être ainsi parée et, d’ailleurs, l’œuvre s’intègre tellement sur la façade que l’on pourrait croire que Saint Benoît et son corbeau ont toujours été là.

C’est Corinne Tual, co-gérante du Conservatoire Muro dell’Arte, qui détient ce précieux savoir-faire depuis vingt-cinq ans. Il a fallu deux mois d’études préparatoires pour la conception de cette œuvre, et c’est en compagnie d’Alejandro Cadena, artisan maçon du patrimoine et d’Anne Gervais étudiante au conservatoire, que Corinne Tual l’a réalisée.


Il aura fallu une semaine d’un travail sans relâche pour voir enfin apparaître Saint Benoît, car la technique du sgraffito ne supporte pas les fortes chaleurs et l’enduit doit être frais pour être travaillé. « Nous sommes au service du matériau », précise Corinne Tual, donc aucun temps de repos avant que l’œuvre ne soit achevée.

Cette réalisation est une première en France sur la façade d’une église.

Elle a été rendue possible grâce à la générosité d’un mécène qui est à l’origine de ce projet original.

Donc, que les traqueurs de dépenses d’argent public se rassurent, cela n’a rien couté à la commune. Bien évidemment le conseil municipal, les prêtres de la paroisse et la commission d’art sacré ont donné leur accord et ont accueilli très favorablement ce projet.

Cette œuvre unique qui pare désormais la façade de l’église rend ainsi hommage à Saint Benoît et à son histoire, mais également au savoir-faire de nos artisans et à la transmission d’un geste vieux de plus de cinq cents ans.


Notes :

Au sujet de ce « geste », Corinne Tual a appris il y a bien longtemps la technique de la fresque Renaissance dans un monastère de Haute-Provence auprès d'une moniale bénédictine qui avait appris elle-même auprès d'un maître italien ... La boucle est bouclée. Et, de plus, elle rêvait de pouvoir faire cela un jour sur une façade d'église.  


Saint Benoît de Nursie a fondé l'ordre bénédictin au VIe siècle et a répandu sa règle : les moines doivent partager leur temps entre la prière, le travail manuel, la lecture d'ouvrages spirituels et la copie de ceux-ci. Tous ses monastères se voient alors doté d'un scriptorium. Benoît a écrit dans sa retraite (une grotte) ses règles car la vie des monastères qu’il avait visités ne lui plaisait pas. Il a été décrié et on a voulu l'empoisonner avec du pain corrompu. Il a chargé le corbeau qu'il nourrissait tous les jours d'aller emporter ce pain très loin pour que personne ne puisse le manger. Et c'est dans sa grotte qu’il a écrit les règles du futur ordre bénédictin. Ce sgraffito évoque les quatre premiers chapitres de ses règles.


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Crédits photographiques : Conservatoire Muro del’Arte