June 2023

NEVERS (58) : Le beffroi (XVe siècle) en attente de déclassement avant d’être vendu

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À l’annonce de cette nouvelle, nous avons été alertés par Christian Gasch, très soucieux de l’avenir du patrimoine de sa ville natale. Il est vrai que sur l’instant nous avons cru à une blague de mauvais goût, mais hélas pas du tout.

Nous pensons sincèrement que la ville ne doit pas se dessaisir de ce patrimoine emblématique et, bien évidemment, nous nous joindrons à tous les neversois qui seront contre ce projet. Et si vraiment la municipalité campe sur ses positions, alors nous veillerons à ce que le repreneur propose un projet digne de ce patrimoine qui règne sur la ville de Nevers depuis plus de 600 ans.

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Voici son alerte :

Fin 1398, Philippe de Bourgogne décide d’aménager les Halles de Nevers et, à la demande de ses habitants, accepte la construction à l’un des angles du bâtiment « d’un reloige pour savoir les heures du jour ».

27 juin 2023, le maire Denis Thuriot en son Conseil Municipal fait acter le déclassement et la désaffectation de cette tour de l’horloge, appelée le Beffroi, pour permettre sa mise en vente.

"C’est un bien atypique qui peut intéresser," argumente-t-il.

 
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Atypique ? Pas vraiment ! C’est plutôt une construction typique de la fin du moyen-âge et un monument patrimonial qui a observé, du haut de ses 42 mètres, la vie des neversois depuis près de 625 ans !
 
Le quartier du Beffroi était à l’époque de la construction de l’édifice un lieu d’entrepôt et d’abattage des animaux avant la mise en vente de leur viande par les bouchers, première corporation officiellement reconnue à Nevers le 28 avril 1400. D’ailleurs l’une des rues adjacentes porte toujours actuellement le nom de « rue des boucheries ». C’était aussi avant les travaux de rénovation du quartier une véritable cour des miracles où il n’y avait pas que le bétail qui était mis à mort...

Trois ans après le début des travaux effectués par le maître-maçon Jean des Amognes la tour surmontée de sa girouette était visible depuis l’autre rive de la Loire. Dans le bâtiment principal les Halles étaient occupées par les bouchers et la partie supérieure par le tribunal du baillage.
 
 
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Lors de la réception des travaux, la tour était déclarée mal construite et impropre à recevoir une horloge et sa cloche ! Il a fallu attendre le 6 mars 1439, l’autorisation par lettres patentes du placement de l’horloge, et la fin du même mois pour que la cloche, fondue en l’église Saint-Etienne, trouve sa place au somment de l’édifice. La commission nationale du patrimoine et de l’architecture vient d’ailleurs d’être sollicitée pour le classement de la cloche et de ses accessoires au titre des Monuments historiques. Un violent orage détruisit la tour et l’horloge en 1456, mais cette catastrophe entraina la reconstruction et l’embellissement du clocher en y ajoutant deux cloches sonnant les quarts et les demies. 
 
Au cours des siècles de nombreux travaux viendront consolider le beffroi voire modifier son aspect, avec parfois pose de symboles révolutionnaires à son sommet  (coq, bonnet phrygien, canon...)
 
Le XIXe siècle aura été celui de l’abandon du monument, l’escalier extérieur qui menait au tribunal détruit, maisons et boutiques « s’incrustant » dans le bâtiment, le beffroi devenant un grenier à rats...Il faudra attendre la fin du siècle pour que Massillon ROUVET envisage de restaurer le beffroi, de le dégager de toutes ses verrues afin d’embellir la Rue du Commerce.
 
 
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Depuis octobre 2016 la Municipalité et le Département ont effectué de nombreux et coûteux  travaux de rénovation (plus d’un million d’euros), alors comment ne pas s’étonner de cette décision d’abandon du monument historique à la loi du marché ! Le patrimoine architectural de Nevers est très vaste et comporte des merveilles. S’il est vrai que cette tour de l’horloge n’est pas l’un de ces plus spectaculaires édifices, il n’en demeure pas moins que nous avons envers elle un devoir de protection et de sauvegarde. Sa longue histoire est la nôtre et son clocher un repère spatial, et temporel ! du centre-ville. Même si sa disparition n’est pas programmée, sa vente à un propriétaire privé ne l’exclut pas. Alors nous devons tout faire pour éviter que « La malheureuse histoire d’un clocher » écrite par Jean Planchon en 1943 ait pour épilogue sa destruction.
 
 
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Christian Gasch
 
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Crédits photographiques : photo 1 : Ville de Nevers ; photos 2-3-4 : Christian Gasch ; photo 5 : article paru dans Le Journal du Centre

Évreux : une classe du lycée Senghor rend un dernier hommage aux « indigents » du cimetière de Navarre

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Alors que le sort du cimetière de Navarre, communément appelé « cimetière des fous » doit être scellé dans les prochains jours, les élèves de 2nde 5 du lycée L.S Senghor d’Évreux, à l’initiative de Frédéric Gillmann, leur professeur de lettres, sont devenus « la voix des morts » à travers les poèmes qu’ils ont rédigés.

Une démarche à la fois courageuse, mais surtout très émouvante et qui sonne comme un requiem, puisqu’il y a toujours une forte probabilité que le cimetière soit enseveli sous le bitume d’une déviation. Nous gardons néanmoins l’espoir que les défunts soient exhumés, pour enfin retrouver la paix dans le cimetière municipal d’Évreux.
 
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Poèmes écrits par les élèves de 2nde5 du lycée L.S. Senghor, à Evreux
 
Préface
 
Mes lèvres flottent autour des mots
des morts oubliés 

Perrine le Querrec, Samuel Buckman, « Les Indigents » (2016, non publié)

 
S’intéresser à un cimetière avec une classe de seconde peut paraître pour le moins surprenant. Surtout lorsqu’il s’agit du cimetière de l’ancien asile d’Evreux : cimetière fantôme, fermé depuis 1974, déclassé en 1994. L’alignement des croix le dispute timidement aux hauts fûts de résineux. La végétation foisonnante que nul n’entretient plus menace d’engloutir jusqu’aux noms inscrits sur les quelques croix encore debout. Les remblais de la future déviation achèveront le travail. Qui gît là ? Des indigents, des « fous », que l’asile permettait d’isoler -d’exclure- de la société, inhumés non pas à côté de pestiférés, mais de cholériques, pionniers des enterrés.
 
Tout concourt à en faire un espace de l’insensé et de l’oubli, voire un espace interdit : une battue administrative organisée le jour de la sortie au cimetière en barrera l’accès aux élèves. Pourtant, c’est d’abord un écrin de mémoire, et le calvaire au centre des carrés géométriquement organisés dit assez son caractère consacré. 

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Les élèves ont été immédiatement sensibles au paradoxe d’un tel lieu : porteur d’une singulière mémoire, notre présent semble pourtant passer un peu trop vite à côté. Seule une élève en connaissait l’existence. Il s’agissait dès lors de questionner cette mémoire. L’enquête, si elle a été historique, a été surtout poétique : d’après le mythe, que les élèves avaient étudié, Orphée ne chante jamais mieux que lorsqu’il a perdu Eurydice, la poésie est essentiellement mémoire vive, main tendue vers l’aliéné sans appel, le mort, voix donnée aux sans voix. Comment initier les élèves à une telle dimension de la poésie ? La classe a rencontré le poète Patrick Beurard-Valdoye, dont l’écriture est la tentative même de redonner un lieu aux déracinés, aux exilés, en faisant lien grâce à une langue qui accepte de traverser l’autre et de se traverser.  
 
Seule trace tangible du passé, le nom propre, gravé sur une modeste plaque de plomb clouée sur les croix de bois, a été le point de départ. Chaque élève a choisi un nom à partir du fichier de l’indexation réalisé par Anaïs Poitou. Le poème de William, titré « Inconnu », rappelle que certaines tombes ne sont plus identifiées. Sans connaître la biographie du défunt, les élèves sont alors partis de la mémoire sonore du nom et du prénom, faite d’échos qu’il importe de déployer. A partir du prénom  Anathaise , Elodie tire les rimes taise et braise : la première renvoie au mutisme involontaire à laquelle est condamnée  l’agitée (on l’enferme derrière les murs de l’asile pour ne plus l’entendre), la seconde à sa folie supposée : passionnée par la braise, elle est pyromane. Une déambulation imaginaire au cours de laquelle l’élève entrait en contact avec le défunt a créé un rapprochement, un dialogue avec l’autre. Le poème de Nana le traduit de manière littérale par la forme de la correspondance.

Dans cette tentative pour donner du sens aux lambeaux du passé, la langue a été un outil privilégié : les élèves ont travaillé avec le poète ce qui pouvait donner du jeu pour créer un sens insoupçonné, notamment en passant par la formation des mots. A ce titre, le préfixe dé-, de sens négatif, a donné lieu à des découpes ou des recompositions inattendues : alors que le cimetière est délabré, Cassy écrit qu’Anaïs Poitou l’a labré, créant un néologisme capable de rendre compte du travail de la chercheuse qui restaure les signes du passé pour le tirer de sa négativité. Le poème d’Itzele permet de « décacher » les enterrés, de les rendre visibles. Du jeu sur la langue on passe aux jeux des langues : Lucie place de l’anglais, Hal-Mei de l’allemand. Mais le jeu n’est jamais gratuit, et ce détour permet de mieux se retrouver : une élève instille du portugais car elle est lusophone, une autre, d’origine afghane et scolarisée depuis peu en France, n’a pu participer à toutes les étapes de l’écriture autour du cimetière, alors elle écrit sur ce qu’elle connaît, elle fait parler Hamid en arabe pour rendre le cri déchirant de celui qui a vécu une véritable descente aux enfers suite à l’arrivée des talibans au pouvoir en Afghanistan. Cette sérieuse mais non moins joyeuse folie de la langue a été un puissant levier pour faire du poème un lieu vibrant de mémoire.

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Cette rêverie poétique pourrait paraître néanmoins hors sol. Il n’en est rien. Les élèves se sont soigneusement documentés sur les récentes recherches autour du cimetière, sur l’histoire de l’asile, en visitant notamment le formidable espace muséal en compagnie d’anciens infirmiers qui ont été de précieux guides pour les élèves dans les dédales de la mémoire. Erwann rappelle dans sa fable le quotidien de l’asile dédié aux travaux de la ferme : Gaston Dufour, « fourmi de la fourmilière, s’activait au four et au moulin ». Dans son poème dédié à Emile / Raoul Leroy, Amandine se souvient de l’anecdote racontée par un des infirmiers, Alain Desgrez : un de leurs patients se prenait pour le roi de France. Daphné met en lumière une des nombreuses particularités de ce cimetière, celle de compter parmi ses hôtes des Morts pour la France. Ces recherches ont permis de nourrir l’écriture et de s’appuyer sur un rapport fructueux entre réalité et fiction.
 
Tous les élèves se sont intensément investis dans une aventure poétique pleinement engagée : le fait de questionner notre rapport au passé et à la différence, de se montrer solidaire des déshérités, ne concoure-t-il pas à construire une réflexion et une attitude citoyennes ? Faire de la langue une savante folie poétique, n’est-ce pas redonner du sens et de la raison à ceux que l’on a hâtivement perçus comme « fous » ? Et quand un des élèves découvre, au terme de cette expérience d’écriture, qu’une de ses lointaines aïeules est enterrée dans ce cimetière, que le verrou d’un lourd secret familial a sauté, l’on est convaincu, si jamais l’on en doutait, que la poésie a le pouvoir de révéler l’invisible.

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Les élèves eux-mêmes ont franchi le pas consistant à mettre en pleine lumière leurs poèmes : ils les ont dits, devant d’autres élèves du lycée, mais aussi des personnalités impliquées dans le travail sur la mémoire de ce cimetière, à titre professionnel ou associatif. Lorsque vous les lirez, puissiez-vous entendre ces voix qui ont vibré, du haut de leurs 15, 16 ou 17 ans, pour dire non à l’oubli, et incarner avec aplomb et détermination une parole riche de son dialogue avec l’autre, et fière de ses découvertes. Dans le cimetière, les fragiles croix de bois en frissonnent encore.

Frédéric Gillmann, professeur de Lettres

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Crédits photographiques : Anaïs Poitou
Tous les poèmes sont la propriété exclusive des élèves. Toute reproduction ou diffusion sans autorisation est interdite.

Lagny-Le-Sec : un château sacrifié pour rien

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Le post que nous avons publié sur les réseaux hier ayant suscité hier de très nombreuses réactions, notamment la volonté d’en savoir plus sur cette démolition infondée. Nous avons trouver judicieux de refaire un point sur cette triste affaire.

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Nous sommes donc en mai 2014 et nous sommes alertés par un jeune garçon, Thomas Nerrière, de la démolition prochaine du Château de Lagny-Le-Sec. Propriété de la mairie depuis une vingtaine d’année, ce dernier a été totalement laissé à l’abandon.
 
Immédiatement, nous lançons une pétition qui recueillera plus de 6500 signatures.

 Nous pensons alors avoir le temps, car aucun affichage règlementaire annonçant la démolition n’est visible sur les grilles du château.
 
Parallèlement à ça, nous demandons au Ministère de la Culture une mise en instance de classement d’urgence, afin de bloquer tout projet de démolition pendant un an. À l’époque, c’est Françoise Nyssen qui est Ministre de la Culture. Pour appuyer notre demande, l’ancien Ministre de la Culture, Jack Lang, va plaider la cause du château auprès de celle qui peut sauver l’édifice.

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Voici la réponse de la Ministre à Jack Lang presque 3 mois plus tard. Sans commentaire…

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Mais au fait, pourquoi la municipalité a décidé de démolir ?
 
Tout simplement pour construire en lieu et place de l’édifice un « ravissant » complexe multifonctions intergénérationnel. Bref, une salle des fêtes.  Nous ignorons quel cabinet d’architectes avait été retenu pour le projet, mais on est quand même loin de l’esthétique du château.

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La question que nous posons c’est pourquoi ne pas avoir construit ce « complexe » dans le parc, tout en réhabilitant le château ? Car avec une surface de 8000 mètres carrés, il était aisé de faire cohabiter les deux.
 
Mais non, le maire estimait la restauration de l’édifice trop coûteuse, estimée d’après lui à 1 million d’euros — donc, la cohabitation ne sera pas l’option retenue.
 
Autre option qui aurait pu permettre de sauver le château : la vente à un opérateur privé. Le maire avait d’ailleurs reçu plusieurs offres en ce sens, mais là encore, ce fut un non catégorique et sans appel. Il voulait la peau de son château et il l’a eue.
 
Cependant, nous espérions tout de même un miracle, car nous n’avions aucune nouvelle du ministère et nous gardions l’espoir. Nous avions même prévu d’organiser le 18 juin, une manifestation devant le château.
 
Mais le 13 juin au soir, tous nos espoirs ont été anéantis par un appel téléphonique du jeune Thomas, qui était sur place. Il faisait nuit noire, mais une armée de pelleteuses se dirigeait tout droit vers le château. Nous savions alors que c’était terminé et que tous nos efforts et tout notre travail n’avaient servi à rien.

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Bizarrement, au petit matin, comme par magie le panneau d’affichage annonçant la démolition était en place. Tout comme plusieurs arrêtés signés en hâte le 12 juin, interdisant l’accès au parc, au plus grand étonnement des habitants, car en théorie, la démolition devait avoir lieu beaucoup plus tard, en dehors de la période scolaire. Mais à cause de notre mobilisation et la demande de mise en instance de classement, le maire a précipité les choses de peur de voir son projet tomber à l’eau.

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Voilà, fin de l’histoire. Le 14 juin, c’était clap de fin pour celui qui s’appelait jadis le château de Longperier.

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Nous n’avons pu qu’assister impuissant à la démolition. Certains diront que nous n’avions qu’à nous enchaîner aux grilles du château pour empêcher les pelleteuses de faire leur sale boulot, mais ce ne sont pas nos méthodes. Non pas par lâcheté, mais uniquement parce que pour agir sur le long terme, il faut rester dans le fil du droit et qu’un « coup d’éclat » nous aurait conduit directement devant les tribunaux et que nous n’avons pas les moyens de payer de fortes amendes. Nous avons été condamnés pour avoir lutter contre la démolition de la chapelle Saint-Joseph à Lille, alors que nous avions « seulement » intenter des actions en justice, alors nous imaginons aisément ce qu’il nous serait arrivé pour Lagny-Le-Sec…
 
 Toujours est-il que, le château a été rayé de la carte, mais le complexe intergénérationnel n’a jamais été construit. Le projet a été abandonné par la municipalité, car jugé trop coûteux.
 
Enfin, réjouissons-nous, dans sa grande bonté, Grégory Doucet, le maire, a épargné la chapelle du château.
 
Il semblerait que les travaux de restauration soient imminents, car nous avons retrouvé un appel d’offres en 2022, pour la réhabilitation de ce « trophée ». Réhabilitation pour un montant d’un peu plus de 400.000 euros. À ce prix-là, on pourrait même en reconstruire deux, car c’est une toute petite chapelle, mais, soit, l’essentiel est qu’elle soit restaurée.

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Cette triste affaire a fait à l’époque la une de tous les journaux. Elle fut même dans le top 50 des articles les plus lus de la presse nationale.
 
Depuis, on continue partout en France à raser de plus en plus de châteaux, petits ou grands, sans leur laisser la moindre chance de survie au prétexte que leur intérêt n’est pas suffisant.

À quand un jugement objectif de la valeur d’un édifice dans un contexte local et pas national ? Car si effectivement, comme beaucoup de témoins de l’architecture du XIXe, le Château de Lagny-Le-Sec n’avait pas un intérêt national, il était un marqueur fort de l’identité du territoire de la commune et ne méritait certainement pas de finir en tas de gravats.

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Un peu d'Histoire
 
Voici un des illustres personnages de la famille de Longperier, propriétaire depuis des siecles de l'ancien château et peut être celui qui a fait construire le château menacé de démolition aujourd'hui !

Adrien de Longperier :

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Il était le fils d'Henri Simon Prévost de Longpérier un commandant de la garde nationale qui fut par la suite maire de Meaux de 1840 à 1848. En 1836, il entra au cabinet des médailles de la Bibliothèque royale (future Bibliothèque nationale). Protégé par Raoul-Rochette, il obtient la place de premier employé en 18424. Il publia en 1840 une étude fondamentale sur la numismatique des souverains sassanides, et se consacra quelques années plus tard à la numismatique des Arsacides. Il fonde avec le baron Jean de Witte le Bulletin archéologique de l’Athenaeum français. En 1856, après le départ de Louis de la Saussaye, Adrien de Longpérier reprend avec Jean de Witte la direction de La Revue numismatique.
 
De 1847 à 1870 il fut conservateur des antiques au musée du Louvre. En 1848 il est le seul conservateur du Louvre à n’être pas renvoyé lors du changement de régime.

En tant que conservateur des antiques il était responsable de collections provenant d'aires culturelles et d'époques très variées. À ce titre, il accueillit au Louvre les premières sculptures assyriennes arrivées en France depuis Khorsabad, et s'intéressa de près au déchiffrement du cunéiforme. Il fut aussi chargé de recevoir la collection Campana.

Parmi des intérêts scientifiques nombreux on peut aussi citer les civilisations de l'Amérique et les antiquités nationales : Longpérier fut à l'origine d'un musée mexicain (1850) et l'un des membres de la commission de création du musée de Saint-Germain-en-Laye. À partir de 1854 il fut membre de l'Académie des inscriptions et belles lettres. Il fut directeur de la Revue numismatique de 1856 à 18726. À partir de 1858 il fut membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.
 
Le pauvre a dû se retourner dans sa tombe le 14 juin 2017…

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Et au cas où vous l’auriez ratée, voici notre publication Facebook d’hier sur le sujet  :
 
Le 14 juin 2017, les pelleteuses allaient avoir raison du Château de Lagny-Le-Sec. Nous avions été alertés le 24 mai 2017, hélas trop tard pour éviter ce bel exemple de patrimonicide. Nous avions pourtant tenté de demander une mise en instance de classement d'urgence, mais elle nous a été refusée...deux mois après la démolition (no comment).

C'était notre premier vrai combat et notre premier grand échec. Un échec qui nous a permis de comprendre que notre lutte contre les démolisseurs allait nous conduire à l'échec, bien plus souvent qu'à la victoire.

Peu importe. Comme l'a écrit Bertolt Brecht, "celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu." Alors plus que jamais, nous poursuivons ce combat contre les patrimonicides, qui sont hélas de plus en plus nombreux sur l'ensemble du territoire. N'oubliez pas que nous comptons sur vous tous pour nous soutenir, car pour combattre, il faut à la fois des soldats et des munitions. Pour adhérer. Pour Soutenir nos actions. "Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble, nous pouvons."

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Crédits photographiques : Urgences Patrimoine

Rang-du-Fliers : le « Manoir » sacrifié pour permettre l’extension de la zone commerciale

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Construit au XIXe siècle, l’édifice s’appelait le Petit Castel et, avant la création d’une première zone commerciale dans les années 80, il n’était entouré que de champs. Bien que désormais cerné par de multiples grandes surfaces, il a résisté jusqu’alors, et plutôt bien, puisqu’il a été restauré il y a peu de temps. Propriété de la même famille depuis plus de 80 ans, il n’est plus utilisé comme maison d’habitation, mais abrite les bureaux des « Serres du Manoir ».

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C’est donc bien un témoin de l’histoire locale qui va disparaître. Tous les voyants sont aux verts pour l’agrandissement de la zone commerciale, puisque la CDCA (Commission départementale d’aménagement commercial) a donné son accord le 12 mai dernier.

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Un membre de la Commission a tout de même objecté qu’il était dommage de sacrifier l’édifice présent depuis le XIXe siècle, mais les dirigeants d’Intermarché et des Serres du Manoir, qui portent conjointement le projet, ont fait savoir que « la situation du bâtiment n’entrait pas en adéquation avec la future zone commerciale ».
 
Pourtant, il est question de créer un restaurant dans cette zone, alors pourquoi pas l’installer dans l’édifice ?
 
Interrogés par les médias locaux, clients et habitants ne comprennent pas cette décision, et espèrent encore que les porteurs de projet revoient leur copie. Comme nous pouvons le constater sur cette maquette du projet publiée dans « Les Échos du Touquet », plus de manoir en vue.
 
L’enseigne « Les Serres du Manoir » sans manoir, cela n’a aucun sens.

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Si nous évoquons aujourd’hui l’avenir incertain de cet édifice, c’est parce que plusieurs personnes nous ont sollicités afin de sursoir à cette démolition programmée. S’agissant d’un patrimoine privé, nous avons peu de chance de sauver ce témoin du passé de Rang-du-Fliers.

Il faudra surtout une forte mobilisation locale pour inverser la tendance, mais nous essaierons de faire de notre mieux afin d’assurer l’avenir de ce patrimoine injustement condamné.
 
Nous comprenons que le maire de la commune soit favorable au projet, car tout ce qui peut être bénéfique en termes d’attractivité économique pour un territoire est bon à prendre, mais ne perdons jamais de vue que le patrimoine est également un puissant vecteur d’attractivité d’un territoire. Les cases commerciales qui vont être construites disparaîtrons dans quelques années et seront remplacées par d’autres, mais la démolition du manoir rayera définitivement du paysage un patrimoine emblématique de la commune.
 
N'oublions jamais que le patrimoine est un marqueur de l’identité du territoire et, tant qu’il ne sera pas protégé au titre de sa valeur locale, alors nous continuerons à perdre chaque jour des dizaines d’édifices, certes « modestes », mais qui contribuent pourtant à faire de notre pays autre chose qu’un centre commercial géant.
 
Nous ne manquerons pas de vous informer de la suite de cette affaire.
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Crédits photographiques : photo 1 : Max Delsaux/Urgences Patrimoine ; photo 2 : CDCA ; photo 3 : Les Échos du Touquet

Lille :  ultime audience pour la chapelle Saint-Joseph

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jeudi 15 juin 2023 à 10h40, nous serons au Tribunal Administratif de Lille pour tenter de sauver l’honneur de la chapelle Saint-Joseph. Certains penseront que cela ne sert à rien, puisque la chapelle a été démolie. Mais je m’étais engagée à aller jusqu’au bout. J’irai donc jusqu’au bout.

En novembre 2020, nous avions déposé un recours au fond, et les délais d’instruction étant ce qu’ils sont, il aura fallu presque 3 ans pour que notre affaire soit jugée.

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PSi j’ai choisi ce jour pour publier cet article, c’est que le 5 juin 2020, après 15 jours d’une mobilisation sans précédent, je pensais que la chapelle était sauvée, et que les pelleteuses ne s’approcheraient jamais d’elle.

J’avais lancé l’alerte le 20 mai à 11 heures du matin très exactement, et à partir de ce moment-là, nuit et jour, j’ai travaillé sans relâche en espérant un miracle. Oui, un miracle, puisque les délais de recours étaient dépassés depuis un an et que, localement, de manière très étonnante, personne n’avait rien tenté au moment où il en était encore temps. Alors pendant 15 jours, nous avons fait du bruit, toujours plus de bruit. Pétition, articles dans la Gazette, repris en suite par la presse locale et même nationale.

Tellement de bruit, que le 5 juin au soir, je recevais un message d’Adrien Goetz, célèbre historien de l’art et écrivain, membre de l’Académie des Beaux-Arts, m’indiquant que Franck Riester, alors Ministre de la Culture, venait de publier un communiqué de presse pour exprimer sa volonté de trouver une alternative à la démolition de notre pauvre chapelle.

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Un peu plus tard dans la soirée, Stéphane Bern me laissait un message sur ma boite vocale, m’indiquant que nous avions gagné ! À cette époque-là, nous étions en contact pour un autre dossier et dès que j’avais lancé l’appel à mobilisation, il fut le premier à rejoindre « la fronde » à nos côtés.

L’Université Catholique de Lille, et plus particulièrement Junia, l’école d’ingénieurs porteuse du projet de démolition, s’était dite ouverte à la discussion avec le Ministre. Effectivement, à ce moment-là, nous pouvions réellement savourer la victoire et, moi, j’allais enfin pouvoir dormir un peu, ce qui n’avait pas été le cas pendant ces 15 jours intenses.

Hélas, c’était sans compter sur le remaniement ministériel et l’arrivée de Roselyne Bachelot rue de Valois.

La passation de pouvoir entre cette dernière et Franck Riester a eu lieu le 10 juillet, le jour même du rendez-vous qui devait réunir tous les protagonistes de « l’affaire Saint-Joseph » au ministère. Le rendez-vous n’a jamais été reporté et la suite, on la connaît.

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Roselyne Bachelot a refusé la demande de mise en instance de classement, seule mesure qui pouvait sauver la chapelle. Malgré nos deux recours en référé et notre pourvoi en cassation, il n’y a rien eu à faire, et Saint-Jo est tombée.
 
Maître Théodore Catry, qui est notre avocat dans ce dossier depuis le début, nous explique la teneur de ce nouveau recours :
 
"Bien que la chapelle soit aujourd'hui détruite, la question de la légalité du refus de classement qui a privé le monument de protection restait en suspens. Le tribunal administratif de Lille vient de fixer cette affaire à l'ordre de l'audience du 15 juin prochain. Ce sera l'occasion de déterminer si la mise en instance de classement se décide sur la base de critères objectifs relatifs à la rareté et la fragilité du bien, comme nous le défendons, ou si elle se prend au bon vouloir des politiques en place. Ce qui a été, et sera toujours si c'est le cas, une menace permanente sur notre patrimoine en péril."
 
Nous savons que nous avons 99,9% de chance de perdre encore une fois devant la justice, et d’être à nouveau condamnés à une lourde amende, comme ce fut le cas lors de notre second recours. Mais, peu importe, la chapelle Saint-Joseph mérite tous les sacrifices et si le miracle se produisait, alors ce serait un petit pas pour nous et un grand pas pour le patrimoine.
 
Car il est très inquiétant de voir se reproduire ce genre d’affaire sur l’ensemble du territoire, nous privant chaque jour un peu plus de nombreux témoins de notre mémoire collective, au profit de constructions sans âme et sans caractère, comme nous pouvons le voir sur cette triste photo.

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Aujourd’hui, je fais un rêve. Celui de pouvoir vous annoncer dans quelques semaines que la justice s’est montrée juste envers le patrimoine. Alors certes, la chapelle est à jamais perdue, mais ce serait tellement bien qu’on reconnaisse, même à titre « posthume », que son avenir ne devait pas être celui qu’elle a connu. Gardons dans nos mémoires ce beau souvenir d’elle, grande, et magnifique…

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Si parmi vous quelques personnes acceptent de nous aider pour financer cet ultime combat, les dons, même les plus modestes, seront les bienvenus.

Pour nous aider, cliquez ICI
 
D’avance un grand merci à vous.
 
« Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble, nous pouvons. »
 
Alexandra Sobczak-Romanski
Présidente d’Urgences Patrimoine
 
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Crédits photographiques : photos 1-4-5 : Josette Hemsen/Urgences Patrimoine ; photo 3 : Théodore Catry