Carton rouge
Octobre 2020
Rouen : allons-nous regretter la disparition de la rotonde Asisi ou « Panorama » ?
Dominique Samson

Dominique Samson : Ses origines familiales maternelles se situent dans un triangle Vernon, Les Andelys, Gisors, dans l'Eure où il a vécu toute son enfance et son adolescence dans un petit village baigné par la rivière Epte, près de Vernon. Dès sa jeune adolescence, il s’est intéressé à l'histoire de son village et à celle des villages environnants, de chaque côté de cette frontière aqueuse, l'Epte, séparant le Vexin normand, dans l'Eure, du Vexin français, dans le Val d'Oise. Il est toujours amoureux de cette région des deux Vexins, correspondant d'ailleurs à une grande partie du diocèse de Rouen, au Moyen Age. Ce qui fait qu'habitant Rouen depuis l'âge de vingt ans, il ne se sent pas vraiment un horsain dans cette ville. La curiosité l'a amené à connaître le Centre de Recherches Archéologiques du Vexin Français, à Guiry-en-Vexin (Val d'Oise) et il a pu ainsi pendant quelques années participer au chantier de fouilles sur le site des Vaux-de-la-Celle, à Genainville, dans ce même département, vallon bucolique cachant les mystères du passé, en l’occurrence un temple gallo-romain et un théâtre en demi-cercle. Il s’est ensuite attaché à la ville de Rouen où il demeure depuis de longues années. L'intimité avec le patrimoine bâti est pour lui une deuxième respiration. C'est pour cela qu’il se sent bien avec les Amis des Monuments Rouennais.

Le premier est son emplacement. Bouchant la perspective sur la Seine depuis l'église de la Madeleine, il fait barrage à une compréhension visuelle des deux rives, la droite et la gauche, unie par le passage du fleuve. Il masque les deux grues Picasso et casse ainsi l'idée d'une union historique entre le monde hospitalier représenté par l'ancien Hôtel-Dieu, créé à l'origine pour lutter contre la peste amenée par le port et ce dernier, facteur de grands développements économiques et source de prospérité pour la ville de Rouen. Cela est pour l'axe nord-sud.
Concernant l'axe Est-Ouest, l'objet architectural est trop provoquant visuellement pour ne pas casser la perspective unifiée des bâtiments du port le long de la rive droite, réhabilités sur de nouvelles activités ayant redonné un souffle de vie dynamique à ces lieux, que l'on a connu tristes, désolés, il y a quelques décennies. En architecture, il faut de l'audace, mais elle ne doit pas effrayer les visiteurs ou usagers.

Les panoramas ont été créés à une époque où débutait seulement le cinéma et où il n'y avait pas la télévision dans chaque foyer. Maintenant, quand on voit une image sur un écran, on attend la suite (la foule qui bouge, les animaux marins qui nagent dans les profondeurs, le véhicule qui progresse et fait voir d'autres lieux, etc.).
Enfin, troisième défaut, ce sont les sommes d'argent public investies à une époque où on nous dit que l'argent se fait rare, pour faire fonctionner ce gros « machin ». Cela tourne presque à l'indécence. Lors de sa création en 2014, il était prévu huit millions d'euros annuels, non compensés par le nombre de visiteurs (150 000 escomptés, 120 000 environ en prenant une moyenne sur toutes ces années). Selon les dernières estimations, le panorama a coûté en tout seize millions d'euros aux collectivités. Alors que c'est un parcours de galériens pour trouver des fonds pour restaurer en urgence notre patrimoine Rouennais ! L'originalité, bienfaitrice de nouveautés, ne s'accompagne pas toujours d'une sagesse concernant la distribution des deniers publics. Voilà quelques pensées personnelles sur cette aventure de la rotonde Asisi. Je précise que je ne suis pas un ennemi de l'architecture contemporaine.

Regretterons-nous la destruction de la rotonde panoramique de Rouen, prévue bientôt ? L'avenir seul nous le dira.
Crédits photographiques :
Photos 1 : Dominique Samson
Photo 2 : Isabelle Cipan
Photo 3 : Hayet Amar