Il l'ont fait
Janvier 2020

« They didn't know it was impossible, so they did it »
Mark Twain


Rencontre avec les Amis de l’Église Sainte-Barbe
Beaumont (89)


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Elles sont nombreuses, nos petites églises de France, à attendre patiemment une volonté de les remettre debout. Souvent fermées depuis des années au prétexte qu’il n’y a pas de moyens pour les restaurations, elles se dégradent chaque jour un peu plus en attendant parfois d’être démolies quand elles ne s’écroulent pas d’elles-mêmes. Pourtant, grâce à la volonté et au courage de quelques personnes de bonne volonté, elles peuvent espérer un avenir plus heureux et ouvrir à nouveau leurs portes pour la plus grande joie de tous. Nous vous emmenons aujourd’hui à Beaumont, une charmante petite commune de l’Yonne, non loin d’Auxerre, à la rencontre de l’Association des Amis de l’Église Sainte-Barbe qui ont relevé le défi de restaurer leur église. C’est Philippe Brisedou, secrétaire de l’association qui répond à nos questions.


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La Gazette du Patrimoine : Comment vous est venue l’idée de vous engager pour restaurer votre église ?

Philippe Brisedou : En 2014, une habitante de la commune, paroissienne de surcroit, très soucieuse de l’avenir de l’église pour laquelle rien n’avait été fait depuis une vingtaine d’années, avait exposé son désarroi à celui qui allait devenir le Président de notre association.

La Gazette du Patrimoine : Quand avez-vous créé l’association et combien étiez-vous au départ ?

Philippe Brisedou : Création en septembre 2014 pour un nombre d’adhérents d’environ une trentaine de personnes, dont quatre affectées au bureau (Gérard Gondor, président et moi secrétaire, donnons beaucoup de notre temps pour les travaux ou restaurations diverses …)

La Gazette du Patrimoine : Combien êtes-vous aujourd’hui ?

Philippe Brisedou : Les chiffres varient selon les années, mais aujourd’hui le nombre de bénévoles est stable avec un pic aux alentours d’une soixantaine de personnes.

La Gazette du Patrimoine : Quel âge ont les bénévoles qui participent aux restaurations ?

Philippe Brisedou : Ce sont essentiellement des retraités qui participent aux travaux de restaurations, ce qui peut se comprendre puisqu’ils ont plus de temps libre que les actifs.

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La Gazette du Patrimoine : Depuis quand était-elle fermée ?

Philippe Brisedou : Elle n’était pas fermée, mais les chutes de pierres de voûtes posaient des problèmes de sécurité évidents — ce qui ne permettait plus d’y célébrer des messes et des cérémonies.

La Gazette du Patrimoine : Par quoi avez-vous commencé ?

Philippe Brisedou : Nous avons commencé par la toiture en remplacement des tuiles disparues, cassées ou gelées, et nous avons entrepris la vérification des gouttières.

La Gazette du Patrimoine 
: Et ensuite, quels sont les travaux que vous avez effectués ?

Philippe Brisedou :

Pour résumer :

• remplacement et consolidation des pierres de voûtes ;
• remise aux normes et encastrement du réseau électrique ;
• installation du chauffage par radiateurs électriques ;
• piquetage des soubassements ciment remplacés par un enduit à la chaux (les enduits ciment génèrent des remontées d’humidité…) ;
• drainage extérieur de la façade nord (toujours pour éviter l’humidité et assainir le bâtiment).

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La Gazette du Patrimoine : Pouvez-vous estimer le coût total de ces travaux supportés par l’association ?

Philippe Brisedou : Environ 12 000 € depuis septembre 2014, générant à peu près 50 000 € d’économies pour la municipalité

La Gazette du Patrimoine : Comment les avez-vous financés ?

Philippe Brisedou: Grâce aux cotisations des adhérents, à quelques généreux donateurs, aux maigres subventions de la municipalité, à la vente de gâteaux, aux brocantes et enfin grâce aux 3 ou 4 repas organisés chaque année et aux milliers d’heures de bénévolat.

La Gazette du Patrimoine : La commune vous a-t-elle accompagné dans votre projet ?

Philippe Brisedou : La municipalité, propriétaire du bâtiment et des objets d’art qui s’y trouvent, a toujours approuvé nos objectifs et a fait de son mieux pour nous soutenir. Pourvu que la suivante soit dans cette même dynamique.

La Gazette du Patrimoine : Et en ce qui concerne le Diocèse ?

Philippe Brisedou : Il n’y a jamais eu de réprobation. Une chose est certaine, c’est que le Père Thierry Debacker est « heureux comme un Pape » ! À tel point que lorsque le chauffage a été installé, il nous a offert une messe de Noël. Chose que bien des beaumontois avaient oubliée ou n’avaient jamais vue ! D’ailleurs, il est probable que les 3 messes départementales (2017, 2018, 2019), dédiées aux pompiers à l’occasion de la Sainte Barbe, sont dues au fait que notre église soit accueillante et chaleureuse. Notons que les deux premières éditions ont été célébrées par notre Evêque.


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La Gazette du Patrimoine : Des professionnels vous ont-ils aidés et si oui, sous quelle forme ?

Philippe Briisedou : Nous avons dans le village des professionnels du bâtiment qui nous ont donné des conseils ou qui nous ont procuré des matériaux, tels que graviers, gravillons, tuyaux de drainage….

La Gazette du Patrimoine : Quels sont les travaux qu’il vous reste à effectuer ?

• réfection urgente de la sacristie ;
• enduit lisse sur les soubassements intérieurs (sur une hauteur d’environ 1,50 m) ;
• rebouchage des fissures et peinture des murs ;
• restauration des bases des piliers intérieurs ;
• réfection des joints des pierres de voûtes ;
• restauration des deux autels latéraux pour laquelle nous devons faire appel à un spécialiste…

Et concernant les objets d’art, il reste à restaurer cinq statues : Saint Symphorien (patron de la commune), en bois polychrome repeint, Sainte barbe, Saint Pierre, Sainte Martyre et Sainte Geneviève. Ces quatre dernières statues étant en pierre polychrome. D’autres statues sont également en pierre revêtue d’un badigeon gris masquant probablement des traces de polychromie.

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La Gazette du Patrimoine : Quel est le plus beau souvenir de votre aventure ?

Philippe Brisedou : Toutes ces réalisations génèrent une belle satisfaction et un sentiment de fierté, mais la réception du Couronnement de la Vierge (hors travaux) est un sacré beau souvenir car non seulement nous avions, ensemble, sauvé une œuvre majeure de l’église, mais c’était aussi le premier « Geste à l’Edifice* » d’Urgences Patrimoine !

* « Un Geste à l’Édifice » est une opération d’Urgences Patrimoine basée sur le mécénat de compétences. L’artisan se propose de restaurer gracieusement une œuvre pour laquelle il n’y avait pas de budget. L ‘Assomption de la Vierge fut le projet « pilote » de cette opération.

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La Gazette du Patrimoine : Et quel est le pire ?

Philippe Brisedou : Toujours sur ce même sujet, le rappel à la loi du Préfet et la visite d’un fonctionnaire de la DRAC. Nous ne savions pas comment il allait aborder le problème. Je rappelle que nous n’avions fait aucune demande de restauration auprès de la DRAC de Dijon et que nous avions transporté nous même le tableau jusqu’à « L'Atelier des Anges » à Arcueil. Pourtant ce « Geste à l’Édifice » nous avait permis de faire une économie de près de 10.000 euros. Sans cette opération, le tableau était perdu puisque nous n’avions pas le budget nécessaire à sa restauration. La DRAC a validé heureusement la restauration. Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous plier aux règlements de tous ces organismes. C’est aussi ce qui permet d’obtenir des subventions pour une restauration coûteuse…

La Gazette du Patrimoine : Si vous deviez encourager d’autres personnes à suivre votre exemple, que leurs diriez-vous ?

Philippe Brisedou : Qu’il faut dans tous les cas prendre son courage à deux mains, se retrousser les manches sans compter ses heures et faire preuve d’imagination pour trouver de l’argent, surtout dans une commune sans moyens !


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Quelques mots sur L’église l’église Sainte Barbe de Beaumont

L'église, plutôt chapelle, puisque sans clocher, doit dater du XIIème siècle et semble avoir été refaite au XVème dans un style flamboyant. On dit que l’ancienne chapelle se situait plus au couchant. L’aspect extérieur est sans style particulier Le portail plein cintre à pilastres ioniques est surmonté d’un fronton sculpté du XVIe siècle. Chaque pilastre, à la hauteur des chapiteaux, porte un buste représentant un personnage différent de l’autre. Hélas avec l’érosion, il est difficile d’en juger aujourd’hui. L’église est à nef unique de style ogival flamboyant, formant un parallélogramme avec annexe (sacristie) au nord du sanctuaire. Elle est à quatre travées avec voûtes à nervures saillantes et comporte des fenêtres ogivales à meneaux contournés. Le vitrail situé derrière l’autel, représente la Cène et a été exécuté en 1945 par un verrier d’Auxerre, après l’explosion du camp militaire de Chemilly. Les autres vitraux, plus modernes, ont été exécutés en 1970 par deux verriers, Janie Pichard et Victor Cot-Dezande. Par temps ensoleillé, Ils émettent dans la nef, une lumière et une atmosphère particulières, rares dans le département. Au XVIe siècle, on signalait des restes de vitraux parmi lesquels un débris du RADIX JESSE (arbre de JESSE, 1532). A l’intérieur de la nef, on peut découvrir entre autres, une Vierge à l’Enfant peinte sur toile au XIXe siècle, inspirée de l’œuvre de MURILLO, une autre toile attribuée au peintre napolitain Belisario Corenzio (fin du XVIème début du XVIIème siècle) représentant le Couronnement de la Vierge ainsi que des statues de Sainte Barbe, Saint Symphorien, Saint Pierre, Saint Louis. Les trois autels tels que nous les connaissons aujourd’hui datent de 1817. La peinture sur le mur du chevet ainsi que le décor ont été exécutés le 14 avril 1826 par le peintre décorateur de Seignelay, Annet Passebon. Leur restauration par René Maléco, décorateur à Cheny, date du 20 octobre 1920. Un projet de clocher établi par un dénommé Préplu, architecte à Auxerre apparait en 1876. Trop coûteux, un deuxième projet a été établi par le même Préplu l’année suivante, mais qui n’a pas non plus été concrétisé malgré les réductions de coûts successives. Finalement, c’est une lucarne, située à l’ouest de la façade nord, qui abrite la cloche. Comme il était d’usage, les inhumations se faisaient dans le cimetière jouxtant l’église. Elles ont cessé le 16 février 1889. A partir de cette date, le Conseil Municipal décida le démantèlement du cimetière pour le transformer en espace public, probablement tel qu’on peut le voir aujourd’hui.


Crédits photographiques : Association des Amis de l’Église Sainte-Barbe