Place des grands hommes


John Dal Piaz, un infatigable bâtisseur à la barre
de la Compagnie Générale Transatlantique


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Dorian Dallongeville

Ancien élève de l’École du Louvre et de l’université Paris-Sorbonne, Dorian Dallongeville a été responsable des collections puis directeur du patrimoine de
French Lines, au Havre, de 2010 à 2018. Spécialiste de l’histoire de la marine marchande française, il est depuis 2010 commissaire ou conseiller scientifique de nombreuses expositions, en France et à l’étranger.


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Le 19 juin 1928, le vice-président du conseil d’administration de la Compagnie générale transatlantique, André Homberg, ressent une vive émotion en s’asseyant à la place de celui qui était encore, la veille, à la barre de l’entreprise. Le registre des délibérations du conseil porte la trace de l’hommage rendu à celui qui « a consacré pendant quarante années à la Compagnie générale transatlantique toutes les ressources de son intelligence et qui a eu la satisfaction de la conduire, à travers des difficultés de tout ordre, à la situation prospère qu’elle occupe aujourd’hui » [Archives de French Lines & Compagnies, cote 1997 004 5189, séance du 19 juin 1928.].

John Dal Piaz (1865-1928) était un travailleur acharné, un visionnaire doté d’un extraordinaire esprit d’entreprise. Sa brutale disparition, à l’âge de 63 ans, laisse un vide immense dans le monde de la marine marchande. Né à Paris, issu d’un milieu bourgeois, rien ne semblait prédestiner John Dal Piaz à une carrière d’armateur. Attiré par les arts, il entre néanmoins à la Transat à 23 ans, en tant que secrétaire d’Eugène Pereire, alors président de la compagnie. Le jeune homme apprend vite et, au prix d’un dur labeur, il est nommé secrétaire général de la Compagnie générale transatlantique dès 1898. Moins de dix ans plus tard, en 1909, il en devient directeur. Depuis 1904, Jules Charles-Roux préside à la destinée de la compagnie maritime. Avec John Dal Piaz, ils relèvent le défi de la concurrence acharnée sur l’Atlantique nord et redressent la situation de la Transat.

Luxe et confort des installations deviennent des priorités, alors que se profile à l’horizon le déclin de l’émigration de masse vers les États-Unis. John Dal Piaz sait qu’il faut moderniser la flotte. Déjà, avec le paquebot Paris, dont le chantier débute en 1913, il tente d’introduire à bord des décors contemporains. À la mort de Charles-Roux, au sortir de la Grande Guerre, Dal Piaz devient administrateur-directeur avant de prendre les rênes du conseil d’administration en 1920. Sa carrière est éclatante. Son ascension dans l’ordre de la Légion d’honneur est fulgurante : chevalier en 1900, officier en 1908, commandeur en 1920, il est élevé aux dignités de grand officier en 1923, puis de grand-croix fin 1927 [Archives nationales, dossier de la Légion d’honneur de John Dal Piaz, cote LH/649/62.].

John Dal Piaz s’illustre dans d’innombrables domaines. Il fait œuvre sociale en annonçant, dès janvier 1914, la création au Havre de la « Layette transatlantique », œuvre d’assistance dédiée aux femmes en couches du personnel navigant et sédentaire de la Transat, présidée par son épouse Rose. C’est aussi lui qui crée, en 1919, une école d’application pour le personnel d’encadrement de la marine marchande, à bord du cargo mixte Jacques Cartier.

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En 1925, il préside la section des transports à l’Exposition internationale des arts décoratifs, en raison des préoccupations qu’il avait témoignées dans la décoration en style moderne des paquebots et, notamment, d’Île-de-France, qui voit triompher l’Art déco. C’est lui également qui suscite l’installation novatrice et spectaculaire d’un hydravion postal sur ce même navire. Dans l’œuvre entreprise par John Dal Piaz, il faut enfin donner une place toute particulière à la création du tourisme en Afrique du Nord. Le développement du réseau hôtelier au Maroc, en Algérie, en Tunisie et jusque dans le Sahara est entièrement dû à son initiative personnelle. C’est ainsi qu’il fonde, en 1925, la « Société des voyages et hôtels nord-africains » afin de proposer des circuits touristiques et de diversifier l’activité de la Compagnie.

Cet article est extrait du catalogue de l’exposition « L’Art déco, un art de vivre » (Co-édition Musée des Années 30, Boulogne-Billancourt / In Fine éditions d'art).

Information complémentaires

Retrouvez toutes les informations sur l’exposition « L’Art déco, un art de vivre : le paquebot
Île-de-France » actuellement présentée au Musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt ici :
https://www.boulognebillancourt.com/information-transversale/agenda/lart-deco-un-art-de-vivre-le-paquebot-ile-de-france-au-musee-des-annees-30-681

Et pour retrouver cet article et découvrir le destin extraordinaire du paquebot
Île-de-France, quelques informations complémentaires ici sur le catalogue d’exposition :
https://infine-editions.fr/publications/ile-de-france-un-paquebot-pour-lart-deco/


Crédits photographiques :BNF/Gallica