Devoir de mémoire
Avril 2020


L'INTÉRÊT DES VUES STÉRÉOSCOPIQUES DE 1914-1918 POUR L'HISTORIEN

Marie-Claude Bakkal-Lagarde


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Marie-Claude Bakkal-Lagarde, licenciée en Histoire de l’art, docteur en Archéologie, ingénieure de recherches en exercice, est également présidente fondatrice d’une association locale sur le patrimoine. C’est dans ce cadre qu’elle se passionne pour les documents et les techniques, n’hésitant pas au besoin à expérimenter ou pratiquer afin de mieux comprendre. Pour appréhender le passé, il faut s’immerger dans les mêmes conditions. Selon elle « ce n’est pas l’homme qui commande la matière, mais la matière qui commande l’Homme ».

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La Gazette du Patrimoine : Marie-Claude Bakkal-Lagarde, pouvez-vous nous expliquer ce que contiennent ces petites boites ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Ce sont des photographies faites par les soldats pendant la Première Guerre mondiale. Elles contiennent des plaques de verre stéréoscopiques de 45 x 107 mm. C'est-à-dire que chaque plaque présente deux clichés carrées de 40 mm, pris simultanément avec un léger décalage par des appareils photographies à deux objectifs.

L’exemple, ci-dessous, avec cette photographie de la cathédrale de Reims, avec sa maison détruite à droite et une autre conservée, et sur le cliché suivant, une maison qui apparait à gauche, illustre bien ce décalage qui permet d’avoir une notion de relief.

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Faye-l’Abbesse (79), exposition 2018, tranchée sur bâche de 4 x 2 m avec sacs en toile
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La Gazette du Patrimoine : Comment avez-vous obtenu ces plaques photographiques ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Je cherchais des illustrations pour réaliser un décor d’exposition sur la Guerre 14-18. Il fallait un décor de tranchées et tous les documents en ligne étaient, soit de mauvaise définition, soit soumis à des droits de reproduction. C’est en discutant avec un passionné de stéréoscopes que nous avons cherché à en acquérir.

La Gazette du Patrimoine : Avez-vous tout de suite trouvé celle qui convenait ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Non, j’ai cherché un certain temps. Mais l’une d’elles a retenu mon attention pour l’exposition. On y voyait une tranchée, deux soldats qui attendaient et guettaient. Aucune violence, juste un sentiment d’attente infinie. Parfaite pour notre muséographie. Nous avons pu mettre de vrais sacs au premier plan pour faire la limite avec les visiteurs et ainsi, leur donner l’impression d’être dans la tranchée.

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La Gazette du Patrimoine : Et ensuite ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Nous avons continué notre enquête sur les clichés reçus. On y voyait des soldats, des blessés évacués, ce qui concordait avec le thème de notre exposition consacré à un hôpital auxiliaire secondaire loin du front. Puis nous avons eu la chance de recevoir une série réalisée par un brancardier. Et là, la guerre prit une autre apparence. Nous avions toute la vie d’un homme au service des soldats. Nous ne connaissons pas son nom, mais nous pouvons suivre son parcours. Il légende ses photographies en écrivant à l’encre de chine sur les plaques de verre. Certains noms de lieux sont inventés, Brancarville, Marocville, Cagnarville et d’autres. « Secret défense » sans doute.

La Gazette du Patrimoine
 : D’après vous, quand faisait-il ses photographies ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Apparemment, il les prenait à l’occasion et il devait les développer ou les faire développer dans un petit labo de campagne, quand il disposait d’un peu de temps. Il a même fait une photographie de ce labo de campagne. En outre, il avait de réels talents de photographes, ne négligeant pas le fait qu’il travaillait en vues stéréoscopiques. Il cadrait souvent avec un objet ou une personne au premier plan pour augmenter le relief, l’effet de profondeur. Il faisait même des essais de prise de vue et sous-titrait certaines photographies avec humour.

La Gazette du Patrimoine : savez-vous pourquoi il a fait ces photographies ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Sans doute était-il passionné de photographie avant le conflit. Puis la guerre s’étant déclarée il a continué. Il a voulu témoigner. Peut-être a-t-il essayé d’être publié ,car à l’époque, les journaux offraient des primes pour avoir des photographies du conflit. Mais nous n’avons pas encore eu le temps de suivre cette piste. Il a également continué à faire des photographies de monuments, au hasard de ses pérégrinations.

La Gazette du Patrimoine : Après la guerre, qu’est-il devenu ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Par chance, il s’en est sorti. Il reprend une vie sociale en temps de paix. Il voyage sur le Rhin et se rend en Allemagne, en Suisse. Il fait des photographies de sa famille et même de son petit chien.

La Gazette du Patrimoine : Quels sont les clichés qui vous ont été les plus utiles ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Je dirai qu’ils sont de deux types. Certains sont intéressants car géo-localisés. Souvent ce sont des tranchées, théâtres d’évènements qui portent le nom de lieux célèbres comme Douaumont ou Verdun. D’autres sont plus attachants car ils captent l’empathie. On y voit des scènes du quotidien, des objets ou des animaux et parfois des paysages dévastés.

La Gazette du Patrimoine : Pouvez-vous nous montrer quelques exemples ?

Cliché légendé : « n° 11. Lacroix-sur-Meuse »

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Marie-Claude Bakkal-Lagarde : J’aime cette photo, identifiée n° 11. Lacroix-sur-Meuse, légendée dans la marge entre les deux vues faites pour se regarder avec un stéréoscope. Cette vue montre un village pris par les allemands début septembre 14 et repris par les français deux semaines plus tard. Ce n’est qu’un champ de ruines. L’étendue des destructions montre bien la violence du conflit et pourtant tout semble calme. On croit deviner le passage de la rue et à droite, la verticalité d’un probable mur de façade surprend. On se demande pourquoi et comment il a pu résister ? Le soldat au fond, près d’une maison dégradée, nous interpelle. Où est passé la population ? Après la fuite, il y a peu de chance qu’elle soit revenue. D’ailleurs, elle n’aurait trouvé que ces ruines.


Cliché légendé : « 271 bois en Y, un 77 non éclaté dans un sapin. »

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Dans un décor de cratères provoqués par les bombardements, le héros est un sapin. Droit debout au centre de la photographie, ébranché, partiellement transpercé par un obus allemand de 77 mm, la légende écrite à la main ajoute au pathos. L’obus est non éclaté. Il a été tiré et donc amorcé et le danger reste réel. Quand on sait que depuis les Celtes, le sapin symbolise l'espoir toujours renouvelé des forces de lumière sur les ténèbres et de la vie sur la mort, ce cliché acquiert une autre dimension : c’est un résistant.


Cliché légendé : « 237 L’Epine.»

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Pris dans la Marne, on voit un soldat à bicyclette s’éloignant du village de Lépine en ruine. Derrière lui, une charrette se dirige vers le bourg. À gauche, le sapin et au fond la cathédrale sont intacts. Ils dénotent avec les ruines du côté droit de la rue. L’église rappelle la force de l’espoir. Nul ne sait où va ce cycliste ! Part-il librement ou contraint ? Cette plaque de verre fait écho à une carte postale imprimée, circulant à l’époque :

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Cliché légendé : « 527 Verdun, blessés »

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La prise de vue nous rend témoins de cette scène, où l’on voit de soldats blessés et pansés se rendant à pied vers un lieu inconnu. Ce sont des survivants de Verdun, sans doute les moins touchés. Ils sont escortés par un infirmier arborant un brassard à la croix rouge. Ce cliché sépia a une composition horizontale, le ciel, une ligne d’arbres, les hommes et au premier plan, les pavés. Seul un arbre rompt cette organisation. La longueur des ombres suggère que c’est une photographie faite en début ou en fin de journée. Le rythme de la marche fait plutôt penser à un matin.


Cliché légendé : « 300 Un boyau »

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Le photographe nous invite à regarder dehors dans un abri sombre, dont la noirceur occupe les deux tiers des bords du cliché. L’unique ouverture nous donne à voir une tranchée couverte de neige. On comprend mieux l’idée de faire une photographie à l’abri.

Cliché légendé : « On descend de Verdun »

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Sur le cliché deux soldats posent pour le photographe. Celui de gauche est noir et celui de droite blanc. Au premier plan un fusil a été posé sur un tas de bois. La légende « On descend de Verdun » donne l’impression d’une promenade, d’une certaine légèreté. Il est possible que ce document destiné à une famille, ait pour fonction de rassurer. Propagande ou rassurance ? Seul le photographe connaît son intention au moment de prendre le cliché.


Cliché légendé : « 290- Attaque du 15 mars. Bombardement du Bois 372 »

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Le 15 mars 1916 le général Gouraud essaie de faire sauter l'une des branches de la tenaille qui enserre la IVème armée. Pour enlever « le Bec de Canard » et le « Bois 372 », l'artillerie va tirer pendant cinq heures. C’est le sujet de ce cliché. Au lointain, on voit les fumées des tirs d’artillerie. À gauche, l’arbre subit le souffle des bombardements successifs et donne l’impression de vouloir fuir. Hélas, cette attaque locale est un échec, et le général Gouraud décide alors qu'il n'y a pas lieu de continuer des attaques dirigées sur des points où l'ennemi est particulièrement fort. Il décide que les troupes doivent améliorer leurs abris destinés à les soustraire aux tirs d'artillerie ennemis, de renforcer les lignes de défense et de développer les grands principes de la résistance à outrance, car il n'est plus envisageable de voir l'ennemi récupérer peu à peu le terrain conquis en septembre 1915. Le Front de Champagne doit devenir impénétrable avec ses 4 lignes de défense : deux positions défensives, une position intermédiaire et enfin une position arrière. 


Cliché légendé : « 130 - La toilette dans le vallon de Brancardville »

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Lors des temps de repos à l’arrière des lignes, les soldats peuvent enfin s’occuper d’eux-mêmes. Dans un ru qui s’écoule, ils font leur toilette et certains lavent leur linge et le font sécher sur un séchoir improvisé.


Cliché légendé : « 69- Arrivée à Monts – Le bon café du matin - 8 mars 1915 »

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Ce document montre quatre soldats qui se sont réfugiés dans un abri. Au premier plan, on voit de la paille et quelques couvertures. La date du 8 mars 1915 indique que c’est encore l’hiver, ce que leur attitude traduit. Assis, les deux de droite semblent réchauffer leurs mains avec la chaleur du café dans leur quart. Ceux de gauche sont en train de le boire ou d’y mettre du sucre. La prise de vue montre que c’est un instant privilégié — les personnages au centre du cliché rappellent la composition d’un
tondo.

Cliché légendé : « Cheval projeté »

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Ce cliché est particulièrement poignant. Il montre la force du souffle des bombes, capable de propulser un cheval au sommet d’un arbre où il se décompose. Il rappelle aussi le triste sort des animaux dans la guerre.


Cliché légendé : « Laffaux, canon allemand sur le plateau »

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Ce document montre un canon allemand abandonné sur le plateau de Laffaux. La dimension de la rue visible attire le regard. L’arme semble inerte après une offensive de Nivelle dirigeant l'armée française pour remporter la position stratégique du moulin de Laffaux. Du 5 au 11 mai, les combats firent rage, engageant troupes coloniales, marsouins, cuirassiers et fantassins, appuyés par des chars et l'artillerie. Au prix de très lourdes pertes, la position fut enlevée par l'armée française.


Cliché légendé : « 341- Bois bourrus, prisonniers »

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Ce cliché n’est pas daté, mais géolocalisé, par sa légende, à « Bois Bourrus » (près de Verdun). On voit quatre prisonniers allemands transportant un blessé vraisemblablement allemand sur un brancard. Ils le conduisent vers un hôpital militaire.


Cliché légendé : « Metzeral, un boyau, au fond le village »

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Ces quelques soldats transportant des seaux, circulent dans un boyau. La légende nous informe qu'il s'agit du village de Metzeral. Cette bataille est méconnue. L'enjeu était de reprendre l'Alsace, alors allemande, comme la Moselle depuis 1871. Du 15 au 24 juin 1915, cette bataille détruit presque totalement la vallée de Munster près de Colmar et saigne les armées de cinq à sept mille morts côté français et autant du côté des Prussiens. Ce fut la seule victoire française du front des Vosges, avec une avancée de moins de cinq kilomètres, aussitôt abandonnée par ordre du commandement français qui décida finalement d'attaquer un peu plus au nord.

Cliché légendé : « Hem, aspect de l’église »

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Hem est un village de la Somme, son église comme la plupart des églises de ce secteur géographique a été détruite. Le photographe légende « aspect de l’église ». A l’exception de la croix sur la gauche, on a bien du mal à imaginer l’édifice, tant il est détruit. Le patrimoine religieux a été très largement bombardé. Les clochers offraient des cibles évidentes et permettaient à coup sûr de toucher au cœur du village.


Cliché légendé : « Gimon, la célèbre butte »

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Un décor d’apocalypse. Les arbres sont étêtés, les troncs meurtris s’élèvent vers le ciel et semblent implorer. Au sol, des branches gisent dans tous les sens. Il n’y a plus de vie.


Cliché légendé : « Attaque au gaz, la prise du Mont Didier en 1918 »

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Ce cliché rappelle une des nouveauté dans l’arsenal militaire de la première Guerre mondiale, le gaz. Les allemands, dès le début du conflit les emploient. Leurs usines chimiques sont très productives et réactives pour mettre de nouveaux toxiques au point. Les Français, après l’effet de surprise, des pertes humaines importantes et des blessés irrémédiables, se mettent aussi à produire ces mêmes armes. Leur emploi a probablement aidé à mettre fin au conflit.

La bataille d'Amiens, ou bataille de Montdidier, eut lieu du 8 au 11 août 1918 pendant la 3e bataille de Picardie, sur le front occidental en France. Après les victoires allemandes du printemps, c’est la suite de la seconde bataille de la Marne qui marque, en juillet, le renversement décisif de la guerre sur le front ouest. Les troupes alliées, pour la première fois depuis 1914, commencent à prendre un ascendant décisif sur les troupes allemandes. C’est la première des batailles victorieuses qui se succèdent rapidement dans ce qui fut plus tard nommé « l'offensive des Cent-Jours », jusqu'à l'armistice.

Cliché légendé : « Boyau sous la neige dans les Vosges »

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Ce cliché est surréaliste. Un soldat en uniforme de couleur sombre se déplace avec des seaux dans une tranchée enneigée. Le contraste est saisissant. On imagine aisément le froid et surtout la quantité d’eau que la fonte des neiges produira. Ce spectacle immaculé laissera place au pire ennemi du soldat, la boue.


Cliché légendé : « Champagne 1918, poste de secours volant »

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Le cliché montre un poste de secours volant. Des infirmiers et des médecins chargés de se rendre au plus près des combats pour porter assistance aux blessés, puis les diriger au plus vite dans les lignes arrières afin de les opérer, ou de leurs prodiguer des soins plus adaptés. Des chevaux leur permettent de transporter un peu de matériel médical. Pour s’identifier et ne pas être pris pour cible, le convoi arbore un drapeau portant une croix rouge.

Cliché légendé : « Tranchée des baïonnettes »

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Les poilus vendéens retrouvés dans une tranchée de la Meuse n'ont pas été enterrés vivants après l'explosion d'obus. La vérité historique est plus inattendue. Janvier 1919. L'armistice est signé depuis quelques semaines quand l'abbé Louis Ratier, aumônier du 137e Régiment d'infanterie de Fontenay-le-Comte, revient en pèlerinage à Thiaumont, un village situé à quelques kilomètres de Verdun (Meuse), où tant de Vendéens ont perdu la vie. Il découvre des paysages labourés, une terre dévastée, des ruines à perte de vue. Ses yeux s'arrêtent soudain sur des dizaines de tiges métalliques qui sortent du sol. Louis Ratier s'approche, creuse la terre avec sa main et découvre des baïonnettes rouillées.

Le prêtre prévient immédiatement les autorités. Pour l'état-major, pas de doute possible: il s'agit d'armes de soldats qui se préparaient à un assaut et qui ont été enterrés vivants après l'explosion de plusieurs obus. Les militaires vont même jusqu'à dater le drame : entre les 10 et 12 juin 1916. Quelques mois après cette macabre découverte, des travailleurs immigrés indochinois et italiens fouillent le secteur. Mission particulièrement pénible, parmi les rats et les moustiques qui infestent l'ancien champ de bataille. Quarante-sept corps sont exhumés. Quatorze sont identifiés, ce sont tous des Vendéens du 137e RI. Aujourd’hui un mémorial reconstitue cette tranchée.


Cliché légendé : « Mort-Homme, petit poste et bombardement »

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La photographie montre des soldats casqués dans leur tranchée entourée de gravats. Au loin, des nuages de fumée montrent les tirs en cours. La légende nous apprend que c’est la bataille du lieu-dit "Le Mort-Homme". Pendant les premiers jours de l'offensive allemande, les troupes sont confinées dans un mouchoir de poche sur la rive droite de la Meuse. Elles subissent bientôt le feu des batteries lourdes et des canons de certains forts français. Les Allemands, n'ayant pas le choix, doivent attaquer sur la rive droite. C’est ce qu'ils feront le 6 mars 1916 à l'aube. Les combats font rage, mais au bout de 3 semaines, les Allemands n'ont pu avancer que de 4 kilomètres et ils ont perdu 80 000 hommes.


Cliché légendé : « Éparges 1915-pleine attaque »

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Les soldats se plaquent contre la paroi de la tranchée pour éviter les munitions et leurs éclats. Le barbelé au premier plan à gauche donne la profondeur, mais c’est aussi une bien faible protection pour le photographe.

Du 17 février au 5 avril 1915 pour les français, La bataille des Éparges, ou bataille de Combres pour les Allemands, est une série de combats pour la maîtrise de la crête des Éparges, opposant la 12e DI de la 1re Armée française à la 33e DI allemande. Ces combats se déroulèrent dans des conditions extrêmement difficiles. Pluie, neige, et boue. L'infanterie des deux camps a dû rester pendant de longues semaines sous les coups de l'artillerie. L'armée française tente au cours de plusieurs assauts de conquérir la crête, et après de lourdes pertes des deux côtés, les Français prennent la crête sans pouvoir en déloger totalement les Allemands. C’est l'une des premières batailles à présenter de nombreuses caractéristiques. Durée de plusieurs semaines, séries d'attaques et contre-attaques, nombreuses pertes humaines, pour des gains territoriaux faibles voire nuls. Elle annonce les batailles de Verdun et de la Somme.
La Gazette du Patrimoine : Après ces nombreuses photos qui nous immergent totalement dans ce dramatique épisode de notre histoire, pouvez-vous nous dire pourquoi ces photographies sont précieuses ?

Marie-Claude Bakkal-Lagarde : Elles sont précieuses pour des raisons sentimentales, intellectuelles et morales. Nous avons tous eu des ancêtres qui ont connu cette première Guerre mondiale, cela rappelle leur sacrifice, d’années ou de vue. Ensuite ,ce sont des photographies sur plaques de verre qui ont plus de 100 ans, une chance qu’elles nous soient parvenues avec une telle fraicheur. Une chance aussi que des générations en ait pris soin pour nous les transmettre.

Enfin, alors que la publication 2D ne donne pas la profondeur, le visionnage avec un stéréoscope nous met comme témoin d’instants fugaces où la vie, la nature et la mort sont des thèmes récurrents. Il n’y a aucune mise en scène, juste le regard du photographe, son intention de faire passer un message, une morale que nous pouvons résumer par ces mots : « regardez et surtout ne nous oubliez pas ! »