Place des grands hommes
Avril 2020
VIRGINIE DEMONT-BRETON
PEINTRE DE LA MER ET ADEPTE DE LA DÉMESURE ARCHITECTURALE
Yann Gobert-Sergent
(Fondation Victor Dupont)

Auteur d'une thèse en histoire maritime, il publie régulièrement des articles sur le patrimoine et les artistes de la Côte d' Opale (XVIIIe -XIX siècles), et participe à différentes expositions muséales (musée départemental du Pas-de-Calais, musée du Touquet, musée de Boulogne-sur-Mer).

Une vie couronnée de succès et d’honneurs
Née à Courrières le 26 juillet 1859, Virginie Demont-Breton est une artiste complète et attachante. Son père, le peintre Jules Breton (1827-1906), jouit déjà à l’époque d’une belle notoriété. Élevée dans un milieu propice à l’expression de son talent naissant, son oncle Émile (1831-1902) étant aussi un peintre-paysagiste reconnu, Virginie présente une certaine précocité. D’ailleurs, dans une lettre du 17 mars 1867, Jules Breton note que « les croquis de Virginie ont beaucoup amusé les peintres Brion et Mouchot. On trouve cela vraiment curieux pour son âge ». Tout en privilégiant une facture traditionnelle, il encourage sa fille à persévérer dans la sculpture, le dessin et la peinture.

Gamins de Wissant, par Virginie Demont-Breton, Salon des Artistes français de 1923, huile sur toile (65cm x 81cm).
Collection Yann Gobert-Sergent
Homme signant pour Jean Bart, par Virginie Demont-Breton, étude de 1893 pour
Jean Bart, huile sur toile (66cm x 55cm), collection Yann Gobert-Sergent
Jean Bart, huile sur toile (66cm x 55cm), collection Yann Gobert-Sergent


Le Typhonium, œuvre démesurée des Demont-Breton
Après plusieurs années passées à peindre Wissant et ses habitants, le couple Demont-Breton décide de s’installer sur la Côte d’Opale. Dans ses souvenirs, Adrien note : « C’était pour moi comme une vision de la Terre Promise, c’était bien la terre que je cherchais ». En 1890, Virginie et Adrien acquièrent une lande désertique, près du Calvaire des Marins. Ce site dunaire des plus sauvages, surplombant le village, devient pour Virginie « le plus beau point de vue de tout Wissant ». Charmés par le lieu, les deux artistes choisissent d’y construire leur demeure et leur atelier.



Si le Typhonium est parfaitement habitable et confortable, son agrandissement est néanmoins envisagé dès 1909. L’enjeu est important, car il s’agit de lui conserver son élégant aspect égyptisant, tout en lui ajoutant un nouveau bâtiment. Après plusieurs projets proposés par son oncle, l’architecte Edmond de Vigne, Virginie Demont-Breton ne semble pourtant pas satisfaite des plans. Aussi, toujours mue par sa passion créatrice, elle parcourt la galerie égyptienne du Louvre à la recherche d’inspiration. De retour à Wissant, elle produit des maquettes en terre, destinées à obtenir des proportions parfaites pour l’extension. En janvier 1910, un architecte de Douai, M. Devred, valide ses nouveaux plans. Dès lors, les travaux sont engagés par une équipe de maçons, qui utilisent le marbre des carrières de Marquise, dont certains blocs atteignent 1,20 mètre de côté. Cinq mois plus tard, l’ensemble est terminé, le Typhonium enfin abouti.



Un couple qui a marqué durablement le littoral de la Côte d'Opale
Peintre de la vie des pêcheurs, Virginie Demont-Breton demeure un témoin actif d’une époque révolue. Ses œuvres, souvent monumentales, et reconnues de manière internationale dès ses débuts, révèlent une grande sensibilité artistique. Aujourd’hui, les peintures de Virginie sont toujours aussi estimées, particulièrement dans les pays anglo-saxons. Les disparitions, nombreuses, dues aux affres de la guerre 39-45, ne peuvent que nous faire apprécier les œuvres survivantes. Son œuvre reste présent dans de nombreux musées, en France (Amiens, Arras, Boulogne-sur-mer, Calais, Douai, Lille et Paris) et à l’étranger (Amsterdam, Anvers et Gand).
Si l’œuvre picturale des Demont-Breton reste ancrée dans le Classicisme, la construction du Typhonium est des plus surprenantes dans cette région. Sans connaître l’Égypte, le couple se rend au Maghreb en 1895 et se nourrit des écrits de Théophile Gautier (Le Roman de la Momie), de Flaubert (Salammbô), ou encore des travaux d’Auguste Mariette (Itinéraire de la Haute-Égypte), afin de mieux connaître l’Afrique du Nord. Surtout, Virginie déploie de véritables talents d’architecte, de sculpteur et de décorateur, associés à un esprit novateur. Teinté d’égyptomanie, doublée d’un style Art Nouveau marqué, le « temple de la Côte d’Opale » est une véritable réussite.
Monumental et témoin d’un couple d’artistes intimement lié à Wissant, le Typhonium a souffert de la Seconde Guerre Mondiale. Décédée le 10 janvier 1935 à Paris, Virginie n’a heureusement pas vu l’incendie d’une partie de l’intérieur du bâtiment. Inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en novembre 1985, l’ensemble architectural étonne encore le visiteur. Propriété des descendants des peintres qui le restaurent, le Typhonium est visitable en extérieur le dimanche matin lors des Journées du Patrimoine, en septembre de chaque année.
Crédits Photographiques : Yann Gobert-Sergent