Les jeunes s'engagent
Avril 2020


Alexandre Galais : engagé pour la France et pour la mémoire collective


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Alexandre Galais a 25 ans et vit à Paris depuis 5 ans. Il a grandi en Bretagne, entre terre et mer avec ses parents jusqu’à ce qu’il vienne étudier dans la capitale. Il a commencé une licence d’informatique dans laquelle il ne s'épanouissait pas du tout, puis tout a basculé en 2015 avec les attentats. Il s’est alors engagé au 24ème Régiment d’infanterie pour une durée de 3 ans, puis lorsqu’il avait un moment de libre il continuait à étudier. Il faisait donc l’armée et ses études en même temps. Il a finalement décroché son bachelor en 2018 après avoir avoir passé un test d’entrée dans une nouvelle école. Suite à ce bachelor, il a entamé l’an dernier son master en communication et marketing digital, lequel se finira en juin 2020 avec la présentation de son mémoire portant sur l’évolution de la généalogie en lien avec les outils digitaux.

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La Gazette du Patrimoine : Vous êtes passionné par le patrimoine. Cela vous a pris tout petit ou est-ce une passion récente ?

Alexandre Galais : Je suis passionné par l’histoire depuis que j’ai 6 ans. Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs, mais je pense que celui qui a été déterminant fût un livre sur l’antiquité parfaitement bien illustré qu’on m’avait offert. A cette époque déjà, j’avais une passion pour l’antiquité et à 9 ans je réalisais mon premier voyage culturel : une randonnée dans toute l’Egypte, du sud au nord, afin de visiter les tombeaux et autres temples qui jalonnent ce pays extraordinaire. En rentrant en France, j’ai commencé à sérieusement m’intéresser à l’histoire du pays dans ses moindres détails. Chaque week-end ou presque, je voulais visiter un musée, puis de fil en aiguille, après l’armée, j’ai commencé à me diriger vers plusieurs sujets. Dans un premier temps les photos anciennes, les histoires des personnes, l’histoire de la photographie et de ses procédés, la restauration d’objets anciens, puis la reconstitution historique. Mes parents sont eux même passionnés par les objets anciens et leur restauration, je ne pouvais donc que suivre ce chemin ludique ! Je suis aussi passionné de jeux vidéo historiques, c’est ce qui m’a déclenché cet intérêt avec mes tous premiers jeux comme Age of Empire, la série des Total War, etc.

La Gazette du Patrimoine : Quels sont les sujets et les périodes qui vous intéressent le plus ?

Alexandre Galais : J’ai une appétence particulière pour la deuxième moitié du XIXe siècle, ainsi que le conflit de 1914-1918, qui à mon goût a été largement oublié dans les manuels et cours d’histoire de ma jeunesse, et que j’ai ainsi redécouvert par moi-même. Je me souviendrais toujours de ce professeur d’histoire à Rennes qui m’avait assuré qu’il n’y avait presque aucune photo de la Grande Guerre lorsque je lui avais posé la question, ce qui est totalement faux. Nous avons des centaines de milliers de photos. J’ai aussi un intérêt très large pour le XIXe siècle en général, période de tous les changements et de toutes les innovations en France et dans le monde. C’est une époque très intéressante à étudier, car elle n’est pas si éloignée de nous que ça, et les phrases des grands auteurs restent toujours d’actualité aujourd’hui.

La Gazette du Patrimoine : Vous êtes également un grand passionné de photographies anciennes. Vous ne vous sentez pas un peu en décalage à l’heure où tout le monde utilise son smartphone pour faire des photos ?

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Alexandre Galais : J’utilise en majorité mon smartphone pour prendre des photos, mais aussi du matériel moderne. Mon goût pour la photographie ancienne vient de l’histoire du procédé en lui-même, qui est particulièrement complexe, et qui a connu de nombreuses variations depuis son invention dans les années 1830. Concernant la photographie ancienne, je ne la pratique pas sur un coup de tête car il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte, et il faut que je réfléchisse en amont à ce que je vais photographier.

À l’heure où il suffit d’appuyer sur un bouton pour prendre une photo, les procédés anciens nécessitent une préparation un peu plus longue, étant donné qu’une fois la photo prise, il est impossible de revenir en arrière. Cela m’oblige à prendre mon temps, et ça me permet de réellement profiter de l’instant présent, que je fasse une photographie de fleurs dans un jardin, de personnes ou de bâtiments. Je pense que c’est cet aspect de la photographie ancienne qui me motive.

Les procédés anciens permettent aussi de créer de la curiosité dans les yeux des gens, dans un monde où le digital refroidit énormément les relations sociales, et où tout le monde a le nez sur son portable sans vraiment s’intéresser à la personne en face. En ce moment, les instantanés reviennent à la mode, et les argentiques sont toujours autant utilisés par les professionnels comme par les amateurs. Je m’intéresse pour ma part aux procédés encore plus anciens, à savoir les tous premiers appareils comme les daguerréotypes et les photographies avec émulsion sur plaque de verre des années 1850 à 1930. Si je m’intéresse à ces techniques oubliées de photographie, c’est parce que les appareils utilisés sont déjà des objets d’histoire. Mon plus ancien appareil date de 1880, et appartenait à l’un des ambassadeurs parisiens de la photographie de la fin du XIXème siècle, M. Charles Mendel. Plus que des objets anciens, il s’agit pour moi d’objets qui ont une âme et une histoire. En plus de cet aspect émotionnel, la photographie par les procédés anciens permet d’obtenir des résultat d’une finesse extraordinaire, avec beaucoup de techniques et de produits différents qui permettent de donner libre cours à son imagination.

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La Gazette du Patrimoine : Quelles sont vos principales activités en lien avec l’histoire et le patrimoine ?

Alexandre Galais : Je fais partie d’une association de reconstitution historique “Les poilus d’île de France” et je suis également bénévole à la réserve citoyenne. Nous faisons énormément pour transmettre le devoir de mémoire à tous, et cela passe par diverses activités. Nous participons à des reconstitutions de batailles, à des visites de musées, à des conférences, à des commémorations dans diverses mairies et à des tournages de film (récemment Aio Zitelli et All Blood Runs Red, puis d’autres tournages à venir prochainement). Pour ma part, j’ai quelques idées de projets futurs (ouverture d’un musée en Bretagne peut être, et je suis aussi en train de me pencher sur la situation du patrimoine dans le Finistère, plus particulièrement sur le littoral car les fortifications actuelles représentent une formidable source historique, s’étalant de l’époque de Louis XIV jusqu’à celle du Mur de l’Atlantique pendant la seconde guerre mondiale. Mais ce sont des grands projets et pour le moment je souhaiterai surtout travailler à Paris avant d’envisager de revenir en Bretagne.

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La Gazette du Patrimoine : Votre page Facebook « Histoires de nos aïeux » compte 36.000 abonnés. Comment expliquez-vous ce succès et vos abonnés savent-ils que cette page est celle de quelqu’un de très jeune ?

Alexandre Galais : Mes cours sont entièrement basés sur la gestion d’une activité digitale, donc les réseaux sociaux font partie de ma formation. Je gère ma page selon mes envies du jour : je me balade sur les sites spécialisés ou dans mon fil d’actualité, je me perds parfois sur Gallica ou le site de la BNF, jusqu’à ce que je tombe sur une photo qui m’interpelle. Je me plonge alors dans mes connaissances et dans ce qui est disponible en ligne pour écrire un texte en rapport avec la photo postée. J’apprends énormément en même temps. J’aime les parcours atypiques, car ce sont eux qui contrastent le monde et le rendent moins morose, avec des exemples de vie dans lesquels je me retrouve parfois. Je fais preuve d’énormément d’humilité au travers de mes publications, car contrairement à d’autres je n’aime pas spécialement exposer ce que je fais, dans la mesure où cela attire quasi toujours des “haters”. Sur Facebook, les commentaires de certains sont parfois problématiques et j’agis en conséquence lorsque je les détecte, mais sur Instagram j’ai une communauté plus petite mais aussi bien plus sympathique et proche de moi. Grâce à ma page, j’ai rencontré des gens que je n’aurais probablement jamais rencontré auparavant et quelques-uns sont devenus de très bons amis. Je suis donc content de démontrer que même si on n’est pas hyper sociable, on peut trouver des personnes qui nous correspondent par le biais de notre passion et en la partageant.

La Gazette du Patrimoine : Pourquoi avoir choisi ce thème ? D’après-vous, pourquoi est-ce important d’évoquer la « mémoire » ?

Alexandre Galais : La mémoire est très importante, car l’histoire semble se répéter inlassablement avec des contextes bien évidemment différents, mais qui ont toujours des points communs. Lorsqu’un événement survient, il n’est pas rare de pouvoir retrouver une histoire similaire dans les archives. Comme je l’ai dit, les contextes sont différents, mais toujours une majorité d’humains sont dans la recherche permanente du pouvoir, de la flagornerie, de la tromperie, de la méchanceté, de la critique et de l’attaque gratuite ou encore de l’argent, nous le voyons au quotidien dans les médias et dans les relations sociales. C’est un tableau pas très reluisant de notre société, mais qui est hélas une réalité. En évoquant la mémoire, on fait travailler le cerveau à ne pas reproduire ces mêmes erreurs, ou à avoir des pensées qui jadis nous ont emmené vers des abysses sans fond.

La Gazette du Patrimoine : Peut-on être un passionné d’histoire et en même temps, un jeune du XXIe siècle ? Vos amis partagent votre passion ou vous considèrent-ils comme un extra-terrestre ?

Alexandre Galais : L’histoire est une passion comme n’importe laquelle, à la différence près qu’elle englobe beaucoup de sujets différents. Cela permet de gagner très rapidement en maturité, et d’avoir des conversations intéressantes et intelligentes avec des gens qui ont parfois 3 fois mon âge. Les jeunes de mon entourage sont nombreux à s’intéresser à l’histoire, mais nous sommes discrets. Nous essayons de former notre propre petite communauté car nous voyons bien que nous dérangeons. Nous avons plusieurs étiquettes parfaitement fausses qui nous collent à la peau, et nous essayons de les combattre mais cela devient épuisant. Les personnes cultivées font peur de par leur réflexion souvent poussée, et les autres n’arrivent pas à suivre et préfèrent nous mettre de côté. Il faut pourtant savoir que nous sommes des jeunes comme les autres, on sort en boîte, on voyage, on rigole avec nos amis, on organise des soirées, on aime cuisiner, bref il n’y a rien qui diffère, hormis le fait que les jeunes qui s’intéressent à l’histoire sont souvent beaucoup plus matures que les autres et arrivent à discuter bien plus facilement sur des sujets larges. L’histoire crée une arborescence de pensées jusqu’à l’infini, et on ne s’ennuie jamais. Personnellement j’ai appris à faire avec ces clichés à mon égard, et j’ai d’autres passions comme le jardinage, la guitare et la cuisine. Puisque les autres ne veulent pas avoir d’interactions avec nous, et bien cela ne me dérange pas plus que ça, car on est souvent déçus par les gens qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous.

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La Gazette du Patrimoine : Votre famille vous a-t-elle encouragé dans cette voie ou est-ce une démarche totalement personnelle ?

Alexandre Galais : À la base, c’était totalement personnel. Je n’avais jamais vu de photos de mes arrières grands parents, et je dois dire qu’elles m’ont vraiment surpris. Mon père m’en avait déjà plus ou moins parlé, mais des guerres nous ne savions pas grands chose jusqu’à ce qu’on ressorte les documents, les photos et que je me mette à faire les historiques des personnes concernées. Je pense qu’il y a une volonté consciente ou inconsciente d’oublier les guerres et les parcours de soldats, car il s’agit de choses tristes que les gens ne veulent pas voir. C’est tout le contraire qui se produit pour moi, car je prends chacun de ces exemples de vie comme des forces pour toujours aller plus haut et pour toujours faire face à l’adversité tout en sachant s’entourer de personnes bienveillantes.

La Gazette du Patrimoine : Afin d’inviter les jeunes à s’intéresser à l’histoire quels seraient vos arguments ?
Alexandre Galais : Les jeunes s’intéressent déjà sans forcément le savoir à l’histoire. C’est le cas à chaque sortie d’un nouveau jeu vidéo par exemple, ou d’un film. Certains des plus gros succès cinématographiques des dernières années se basent sur des histoires réelles. Je pense que c’est un réel plus ces adaptations, bien que tout ne soit pas forcément représentatif, cela donne déjà une idée. Personnellement les jeux vidéo m’ont énormément aidé à comprendre l’histoire, certains opus se voulant d’un très grand réalisme. Les influenceurs web seront aussi d’un immense apport dans les années à venir. On constate également que la transmission de l’histoire commence à évoluer, notamment à travers les jeunes. En effet, si avant l’histoire était racontée principalement dans les livres, et par des professeurs âgés dans les établissements scolaires, on voit de plus en plus de jeunes influenceurs comme NotaBene ou encore Mamytwink qui racontent l’histoire en vidéo sur Youtube, et c’est un grand succès. Il y a aussi des activités à organiser dans les musées afin de sensibiliser le public autour d’activités ludiques. Les gens aiment ce qui sort de l’ordinaire, c’est pour cela aussi que les reconstitutions historiques génèrent en général un bon chiffre d’affaires pour les communes, les musées et autres établissements qui attirent le tourisme.

La Gazette du Patrimoine : Pourquoi est-ce important que les jeunes s’engagent pour notre mémoire collective ?

Alexandre Galais : C’est important car peu importe l’origine de chaque français, nous partageons tous à un moment donné une histoire commune. Il est aussi important que certaines personnes s’ouvrent l’esprit au travers de notre mémoire collective qui est extrêmement riche. Comme disait Pierre-Claude-Victor Boiste, « la première faculté que l'on doive cultiver est la mémoire : si le temps la durcit, les préceptes que l'on y sème ne peuvent prendre racine ».
La Gazette du Patrimoine : parmi toutes les choses que vous avez réalisées, quelle est d’après vous la plus insolite ? La plus émouvante ? La plus utile ?

Alexandre Galais : C’est assez difficile de répondre, car j’ai connu beaucoup de choses qui m’ont marqué en bien comme en mal. Ma toute première action utile à la société a été d’intégrer la Banque Alimentaire à Rennes lorsque j’étais au lycée en 2012, afin de distribuer des repas aux sans-abris et de récolter des dons de produits à la sortie des supermarchés. L’une des expériences les plus émouvantes fût lorsque j’étais en Egypte avec mes parents. Nous étions conscients avant ce voyage que nous allions faire face à des niveaux de pauvreté assez choquants. Nous sommes donc partis avec dans nos bagages des fournitures pour les enfants : stylos, cahiers, crayons de couleurs, feutres et petits jouets. Sur place, j’ai constaté avec douleur la différence de niveau de vie des jeunes de mon âge et cela m’a beaucoup touché en particulier de voir le travail des enfants, certains amputés à cause des travaux qu’on leur fait faire. L’armée aussi m’a plongé dans la réalité de certaines choses de la vie, mais d’un autre côté je m’y suis fait des camarades en or avec lesquels je suis toujours en contact. Avec l’un d’eux, on s’appelle toutes les semaines, on prend des nouvelles l’un et l’autre et c’est bien.

La Gazette du Patrimoine : Il y a sans doute des sujets que vous n’avez pas encore explorés. Quels sont-ils ?

Alexandre Galais : Il y a beaucoup d’uniformes que je souhaite réaliser, de différentes époques et pas forcément des uniformes français. J’en ai actuellement deux en cours de finalisation. Concernant mes autres futurs projets pour la photographie, je dois recommander des produits car les beaux jours reviennent et ce sera idéal pour faire de la photo ancienne avec la luminosité. Malheureusement au vu de la situation actuelle avec le coronavirus, mes projets sont au point mort comme beaucoup. Je souhaite prendre aussi un peu de repos à la suite de mes études. Je continue mes démarches auprès des entreprises, mais je prévois de faire une petite période de césure après mon master 2 si aucune opportunité ne se présente à moi.

La Gazette du Patrimoine : Vous recherchez un emploi dans l’univers de la culture. C’est le moment d’exprimer vos vœux, on ne sait jamais, votre futur employeur se trouve peut-être parmi nos lecteurs.

Alexandre Galais : Pour le moment je travaille en auto-entrepreneur sur divers projets toujours en lien avec la culture (avec des éditeurs pour des livres, et sur quelques films), mais je souhaiterai après la fin de mon master 2 intégrer l’an prochain une structure pérenne. Il y a beaucoup d’entreprises auprès desquelles j’ai postulé et qui me tiennent à cœur : Arte, France Télévision, BNF, ECPAD, presque tous les musées de Paris, Bleuet de France, cabinets de généalogie familiale ou successorale aussi, bref beaucoup d’institutions publiques comme privées. J’ai même envoyé un courrier au président de la république l’an dernier afin de lui expliquer ma démarche et mon souhait de travailler dans l’univers de la culture au travers de ma formation en communication et marketing. La culture est un marché porteur, en particulier à Paris. Les chiffres du ministère parlent d’eux même. Nous sommes l’un des rares pays dans le monde dont la culture rayonne autant à l’international. Les musées parisiens et leurs longues files d’attentes en sont la preuve. C’est plusieurs millions de personnes qui s’y rendent chaque année. La culture française a généré en 2018 près de 2,2% du produit intérieur brut. Mon plus grand souhait est d’intégrer le service communication et marketing d’un musée. Par le passé, j’ai travaillé pour diverses entreprises (agences de communication, groupe Apave, journal de presse international) je souhaite donc orienter ma carrière en communication vers le patrimoine et la culture.

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Crédits photographiques : Alexandre Galais