POINTS de vue
Mai 2020

Manifestations annulées : quel impact sur les petites associations ?


Quel impact vont avoir sur votre association les annulations des diverses manifestations que vous organisiez habituellement à partir du printemps et comment pensez-vous compenser les pertes financières ?

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Marie-Claude Bakkal-Lagarde
Présidente de l’ADANE (Deux-Sèvres)

Marie-Claude Bakkal-Lagarde, licenciée en Histoire de l’art, docteur en Archéologie, ingénieure de recherches en exercice, est également présidente fondatrice d’une association locale sur le patrimoine (Association pour le Développement de l'Archéologie sur Niort et les Environs : ADANE). C’est dans ce cadre qu’elle se passionne pour les documents et les techniques, n’hésitant pas au besoin à expérimenter ou pratiquer afin de mieux comprendre. Pour appréhender le passé, il faut s’immerger dans les mêmes conditions. Selon elle « ce n’est pas l’homme qui commande la matière, mais la matière qui commande l’Homme ».

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En mars, nous tenons notre Assemblée générale ordinaire annuelle (AG), elle permet de faire le point sur l’année précédente, bilan d’activités et financier, et d’envisager des projets pour la période estivale et l’automne. À cette occasion nos adhérents paient leur cotisation et nous leur remettons notre bulletin annuel d’environ 100 pages.

Cette année 2020, les convocations à l’AG ont été envoyées et le bulletin imprimé. Seulement le confinement immédiat nous a contraint à tout annuler. Les adhérents n’ont donc pas réglé leur cotisation à l’exception de quelques-uns, en revanche, nous avons réglé notre facture à l’imprimeur et réglons les frais de fonctionnement du siège notre petit musée (abonnement eau, électricité, etc.). En outre nous n’avons pas eu le droit d’organiser des journées d’activités, rangements, mise en valeur des collections…


De plus nos projets de manifestations se voient anéantis, pas de participation à la fête de la Sèvre niortaise en juin, donc pas de stand et pas de vente de publications, pas de contact avec la population dont certains profitent de l’occasion pour nous faire des dons d’objets anciens pour les collections. L’absence de rentrées financières des adhésions auxquelles s’ajoutent celles de la vente des publications, nous met dans l’embarras.

Même si « les petits musées » sont autorisés à rouvrir, on peut limiter à 10 visiteurs. D’ailleurs en temps normal nous limitions nos groupes à maximum 25 personnes pour la visite de cette maison du XVème siècle relativement exigüe du fait qu’elle est meublée. Il faut investir en masques, gel hydro-alcoolique et désinfection avant et après. Or jusqu’à aujourd’hui, nos visites sont gratuites, une cagnotte discrète permettant de recevoir une libéralité.

D’autre part, à la rentrée, nous n’aurons sans doute pas le forum des associations pour rencontrer de potentiels nouveaux adhérents. Nous ignorons également si les Journées Européennes du Patrimoine du 3ème weekend de septembre auront lieu, ainsi que la Fête de la science en octobre. Pour l’organisation de cette dernière nous recevions une subvention. L’absence de manifestations publiques constitue une totale remise en question de notre fonctionnement. Aurons-nous le droit de faire notre AG reportée pour le moment en octobre ? Nul ne le sait et dans l’affirmative, dans quelle condition ?

Concernant les moyens de compenser les pertes financières, depuis le début du confinement total, nous avons essayé d’être présent sur un réseau social, pour montrer notre ancrage local en proposant chaque jour la découverte d’un objet ancien issus de nos collections, un manuscrit de nos fonds à transcrire, ou bien l’histoire d’un lieu de notre commune. Ceci nous a permis d’avoir quelques « nouveaux fidèles » qui suivent nos contributions, mais de là à concrétiser sous forme d’une cotisation, c’est autre chose. L’absence d’utilisation des services énergétiques et fluides peut générer de mini économies. Mais l’assurance du local, la taxe foncière et certains autres frais ne seront sans doute pas revue à la baisse.

Il ne fait aucun doute qu’une ample crise arrive, la culture n’étant pas une priorité dans une période de récession. Nous réfléchissons à des solutions comme la publication d’un nouveau livre, mais cela demande un investissement financier pour l’imprimer, à un abonnement de location d’objets anciens pour avoir une décoration renouvelée (magasins, particuliers…) un peu comme on emprunte un livre dans une médiathèque. Une autre piste, proposer une exposition au gré des rues, mais comment la rentabiliser ?

Nous allons devoir être très imaginatif pour rétablir un équilibre financier déjà fragilisé.
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Hugues Losfeld
Peintre décor
Artisan d'art
Président de l'association Notre Dame d'Oeuilly.

Cette association créée en 2014 a pour but de restaurer l'église Saint Remy du village d'Oeuilly dans l'Aisne. Cette église du XIIIème siècle, appartenant à la mairie, est une des seules églises du tristement célèbre Chemin de Dames, à ne pas avoir été rasée en 1917.

Afin de trouver les financements nécessaires à la restauration de l'édifice (Toiture, charpente, maçonnerie, peintures du XVème) et animer la souscription lancée avec la Fondation du Patrimoine, il a lancé une série d'évènements pour faire connaître le monument. Tout d'abord les « instants sacrés », une fois par an au printemps, qui sont des concerts de musique sacrée et récitation de poèmes. Mais le grand événement c'est le 15 août !

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Tous les ans, le village d'Oeuilly (280 personnes) se transforme et remonte le temps pour un grand spectacle gratuit organisé par l'association Notre Dame d'Oeuilly, les bénévoles du village et des villages voisins. En 2019 ils étaient 50 sur scène avec des chevaux, pour raconter le passage de Saint Louis dans le village, et sa rencontre avec les tailleurs de pierre.

Ce rendez-vous du 15 août commence à être connu dans la région, et mille personnes viennent assister à l'événement.

L'événement s'organise à partir de février pour écrire chaque année un spectacle nouveau, apprendre et répéter les scènes, peaufiner la mise en scène, créer les décors et les costumes. Un immense travail fait avec très peu de moyens financiers et aucune subvention. Toutes les subventions servent uniquement au monument. Et paradoxalement tous leurs événements sont gratuits : pas de places payantes, mais que des dons !

Les bénéfices varient entre 2 000 à 7 000 € par an. Cet argent sert directement à payer les travaux

Avec le covid 19 tout a été remis en cause

Le concert instant sacré du 6 juin et la bénédiction où devait se rendre l'évêque de Soissons, Mgr de Dinechin a été annulée. La fête du 15 août est sur la sellette... la petite restauration et la buvette ne seront peut-être pas au rendez-vous. « En attendant de savoir ce qu'il nous sera autorisé d'organiser, nous avons décidé de rejouer le spectacle de l'an passé... ». Les chevaliers de la Montagne Couronnée qui sont les acteurs costumés et armés de superbes destriers, ont décidé de les suivre dans l'aventure.

En règle générale les acteurs et figurants sont partants, même si beaucoup sont dans la crainte de l'épidémie. « Maintenir l'évènement est essentiel pour nous, car nous avons besoin de nous retrouver. » Au fur et à mesure des années, une équipe s'est formée où l'amitié est née. La motivation de défendre un patrimoine menacé a révélé de nombreux talents, et aussi de bons moments de camaraderie ! Maintenir l’événement c'est aussi espérer des bénéfices indispensables, car la deuxième tranche de travaux est lancée et cet événement est indispensable pour payer les artisans.

Pour compenser les pertes financières l'association relance auprès de ses donateurs et amis la souscription 
ICI. Toutes les personnes qui le peuvent, peuvent donner en ligne, même 20, 10, 5 euros !

Espérons que l’événement ne sera pas annulé, que les spectateurs seront présents, et les bénéfices au rendez-vous... mais comme on dit à Oeuilly : « à la grâce de Dieu ! »
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Doria et Philippe Brisedou
Amis de Sainte Barbe à Beaumont

Fidèles membres actifs de l’Association depuis septembre 2014, ils subissent comme tous, mais quand même avec beaucoup moins de conséquences le confinement nécessaire depuis le 16 mars dernier, mais cependant sans aucune relâche depuis ce lundi 11 mai. Doria a mené à bien une carrière à la direction financière d’une importante entreprise d’informatique américaine. Philippe lui, ingénieur d’études de la seule entreprise française de trains d’atterrissages et de roues et freins, a participé entre autre à l’étude des premiers freins « carbone » et aux trains d’atterrissages des avions Rafale…

Des métiers qui imposent la rigueur si nécessaire quand il s’agit de restaurations de bâtiments ou d’objets d’art. Cet intérêt pour le patrimoine, en général, est probablement dû à leur amour de l’art et de l’architecture conforté au fil des ans par les nombreux voyages effectués en Italie, la France et le patrimoine rural n’étant pas en reste…


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Les activités de l’Association sont donc à l’arrêt depuis mars, mais finalement sans trop de conséquences car rien n’est en péril.

Côté financier bien sûr, puisque toutes les manifestations prévues afin de pouvoir continuer les diverses activités, sont suspendues, et après une année 2019 extrêmement active, cette année sera une année blanche.

En effet ont déjà été annulés un repas et le vide-greniers générateurs de fonds, ce jour 13 mai, la messe de Fátima suivie d’un apéro portugais… et la restauration du christ sans bras qui est d’ores et déjà repoussée à l’année prochaine faute de fonds…

En résumé, rien de grave pour l’Association. Un seul regret cependant, c’est que les plus anciens des associés qui aident aux travaux divers par leurs cotisations ou leurs dons et qui sont parfois avides de résultats, devront attendre une année de plus…

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