Emmenez-moi
Mai 2020


La culture est en Bergues
Patrick Descamps 


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Après un début de carrière à la tête du musée d’Hazebrouck en 1995, puis à Dunkerque en qualité de directeur adjoint et un passage de 5 années à Avranches, Patrick Descamps est recruté par la municipalité de Bergues comme directeur du musée et des archives le 1er juin 2010.

Plan relief de Bergues (détail), 1699,
Le beffroi, la grand place et le stadhuis (au centre), (C) Palais des Beaux-Arts de Lille - Jean-Marie Dautel

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En guise de préambule

Révélée de façon un peu caricaturale par le film
Bienvenue chez les Chtis, La Ville de Bergues, située au sud de Dunkerque, possède de par son passé de ville centre, d’ancienne châtellenie, chef-lieu de district à la Révolution, puis de façon éphémère sous-préfecture et de place forte, un important patrimoine mobilier et immobilier. Elle conserve ainsi un exceptionnel fonds d’archives dont les documents les plus anciens remontent au XIIIe siècle, une bibliothèque ancienne comprenant plus de 5000 volumes, localisés en mairie, ainsi qu’un fonds principalement dédié aux Beaux-Arts, valorisé dans le cadre d’un ancien Mont-de-Piété du XVIIe siècle.

Ceinte par 5,5 kilomètres de remparts et de dispositifs militaires, s’échelonnant du IXe siècle au XIXe siècle, la cité comprend encore de nombreux bâtiments classés ou inscrits. Cependant, la Révolution et surtout la Seconde Guerre Mondiale, ont profondément altéré son éclat. L’importante Abbaye de Saint-Winoc, ainsi que d’autres édifices religieux, n’ont pas survécu à la première, alors que la seconde détruisit presque 60 % de la ville, dont son beffroi, considéré par nombre d’historiens de l’architecture, comme l’un des plus beaux de France. La reconstruction de style néo-flamand fut relativement respectueuse. Néanmoins quelques constructions d’équipements publiques, réalisées dans les années 70 et 80 ainsi que la transformation non contrôlée d’anciens hôtels particuliers en logements collectifs vinrent de nouveau ternir l’équilibre d’ensemble. Aujourd’hui, Bergues, avec moins de 4000 habitants, pauvre ville riche en patrimoine, peine à l’entretenir de façon correcte, en dépit de la volonté affichée par les dernières équipes municipales.

Bref aperçu historique


C’est vers 800, sur une carte de Malbrancq qui représente la partie orientale du delta de l'Aa, que le village de
Grunberga (Bergues) est mentionné pour la première fois. Il ne s’agit alors que de quelques cabanes misérables. Aux alentours de 880, à l’instigation de Baudouin le Chauve (879 – 919), suite aux invasions normandes, il est décidé d’édifier au pied de la colline du Groenberg un lieu fort. En 900, suite au transfert des reliques de Saint Winoc dans l’église paroissiale Saint-Martin, le village prend la dénomination de Berghes Saint Winoc. Il ne s’agit alors que d’un lieu entouré d’un fossé et d’un mur développé et fortifié à son unique ouverture en une construction dominée par une « gaite », où réside le responsable de la défense du lieu et la protection de la population. En 928 et 942, l’enceinte fortifiée est détruite par de nouvelles razzias normandes. Elle est relevée et renforcée en 958 par le comte Baudouin III (916 – 964).

Plan relief de Bergues (détail), 1699
L’Abbaye de Saint-Winoc, église Saint-Pierre, (C) Palais des Beaux-Arts de Lille - Jean-Marie Dautel
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La fin des invasions normandes ne devait cependant pas permettre à ce petit bourg de jouir d’une paix durable. Elle allait être troublée par les conflits internes au comté de Flandre, entre les flamands de langue tudesque et de droit coutumier, et les wallons de langue d’oïl et de droit romain. La ville n’évolue guère durant cette période. Il faut attendre les conflits qui vont opposer les Comtes de Flandre aux rois Capétiens de France pour voir Bergues se développer. Guy de Dampierre (1280-1304), comte de Flandre et ses successeurs vont faire de Bergues un des maillons de leur système de défense. La ville se retrouve bientôt entourée, bien au-delà de l’enceinte primitive, par de hauts murs accolés de buttes de terre pour les renforcer à l’intérieur et servir de plate-forme pour les défenseurs, et interrompus de tours rondes à la manière des châteaux-forts. En 1026, Baudouin IV fait construire un monastère dédié à Saint Winoc, qui devint abbaye bénédictine en 1067 par la volonté de Baudouin V. En 1383, la ville est assiégée puis pillée par les troupes françaises. Philippe le Hardi, premier duc de Bourgogne et ses successeurs, maintenant maîtres du Comté de Flandre, vont poursuivre le développement de la Bergues et de sa défense. Ils donnent ainsi à la ville sa forme actuelle en « huit » couché d’est en ouest, en englobant dans le système de défense de la ville le périmètre de la colline du Groenberg.

C’est aussi à cette période que Bergues se fige dans ses remparts, les terres extérieures aux nouveaux remparts étant données aux villages voisins par Philippe le Hardi en 1403. A l’abri de ses nouvelles murailles ouvertes par six portes fortifiées et désormais dominée par son beffroi, Bergues Saint Winoc va connaître une période de prospérité sous la période bourguignonne puis autrichienne. En 1558, la rivalité entre François Ier et Charles-Quint dont dépendait l’ancien Comté de Flandre, va déboucher sur un nouveau désastre. Le 2 juillet, Bergues est quasiment rasée par les troupes du Maréchal de Thermes. Elle va de nouveau se reconstruire et voir ses défenses renforcées. La Ville sera de nouveau assiégée par les troupes françaises du duc d’Enghien en 1646, puis par celle de Turenne en 1658. En 1668, à la suite du Traité d’Aix-la-Chapelle, Bergues devient définitivement française. Elle s’intègre alors comme place forte dans le système de défense du Royaume de France. Vauban entreprend entre 1674 et 1679 de renforcer le dispositif défensif et fait de Bergues une place forte à la réputation d’être imprenable.

Bergues ne fut pas qu’une place forte. Le châtelain, chef de guerre lorsque l’occasion s’imposait, était déjà chargé d’assumer de l’administration judiciaire de la ville et du territoire de la Châtellenie, qu’il avait pour mission de défendre. La Châtellenie se composait de 28 villages. Elle était physiquement logée dans le « Landhuis », alors que l’administration communale se trouvait dans le « Stadhuis ». Ville commerçante et industrieuse, Bergues va poursuivre son essor jusqu’au début du XIXe siècle et se maintenir jusqu’au début du siècle suivant, avant de connaître une forme de déclin et de devenir une ville périphérique à l’ombre de la cité voisine de Dunkerque.

Projet de construction du nouveau Landhuis, fin XVIe, Archives communales, Bergues

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Le Mont-de-Piété de Bergues

L’ancien mont-de-piété de Bergues, exceptionnel exemple de l’architecture civile en Flandre au XVIIe siècle, classé Monument Historique en 1907.

Le terme français de mont-de-piété provient de la mauvaise traduction du terme italien
monte di pietà, qui signifie « crédit de pitié ». Il résulte de monte, « valeur, montant », et pietà, « pitié, charité ».

L'idée du mont-de-piété est née en 1462, quand un moine récollet italien, Barnabé de Terni, chercha un moyen de combattre l’usure et les taux d'intérêt abusifs pratiqués à l'époque. Il est ainsi à l'origine de la création du
Monte di Pietà, à Pérouse en Italie. Cet établissement propose alors un système de prêt sur gage à faible intérêt ou gratuit. On peut ainsi engager (mettre en gage) aussi bien des vêtements, des chaussures voir des fagots de bois que de l’argenterie ou des bijoux. Si l’on peut rembourser dans les délais accordés, le bien est dégagé (remis à son propriétaire) moyennant une légère indemnité, sinon le prêt peut être reconduit , ou si la personne est dans l’incapacité de rembourser, vendu aux enchères.
La majorité des monts-de-piété de Flandre, Artois et Hainaut, ceux d’Anvers, Arras, Bruxelles, Cambrai, Douai ou encore Lille, ont été institués par lettre patente du 18 janvier 1618 de Philippe III, roi d’Espagne. C’est au peintre, ingénieur, architecte et économiste Wenceslas Cobergher (1557 – 1634) que l’on doit l’introduction de ce système dans les Pays-Bas méridionaux. Il était depuis 1604, ingénieur et architecte de l’archiduc Albert et de l’infante Isabelle. Ces derniers lui confièrent la tâche d’implanter et de diffuser ce système sur l’ensemble du territoire et le nommèrent Intendant général des monts-de-piété. Il construira ainsi, entre 1618 et 1630, 15 monts-de-piété dans des villes où étaient installées autrefois des maisons de prêts et rédigera également plusieurs ouvrages sur ce sujet.

Le Mont de Piété de Bergues
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Le mont-de-piété de Bergues a été fondé un peu plus tardivement par lettre patente du 30 juillet 1627 de Philippe IV. Les archives de la Ville ne conservent que peu de documents relatifs à cet édifice, elles ne sont véritablement significatives qu’après 1792. On y apprend, cependant, que c’est au tout début de l’année 1629 que la Commune acquit, pour la somme de 18 000 livres, un terrain pour y édifier le mont-de-piété. Ce terrain appelé Boomgaert ou Verger était la propriété de dame Alardine Carrette, veuve du sieur Fraryn, qui le céda avec les maisons et dépendances s’y trouvant. Le 16 janvier, on offrit à Cobergher un repas d’honneur à l’Hôtel de Ville à l’occasion de la présentation du terrain. Une dernière entrevue avec l’architecte portant sur la construction du bâtiment, se déroula le 16 février. Ce qui laisse à penser que Cobergher avait déjà établi les plans. Les travaux commencèrent peu après et le jour où l’on posa la première pierre, le brasseur Pierre de Buysson livra, pour 32 livres, deux tonnes de bière aux maçons chargés des travaux. Ces derniers furent achevés en 1630 et l’on sait le mont-de-piété fonctionnait en mars 1630. Il ne fut, cependant, inauguré que le 12 septembre 1633 en présence de Charles Cobergher, fil de Wenceslas et surintendant général des Monts-de-piété. Il semble que l’activité du mont-de-piété de Bergues ait été importante, on évoque un chiffre d’affaire de 20 000 livres au XVIIe siècle, presque autant que celui de Lille, alors le plus important des Flandres françaises.

Le Beffroi de Bergues en 1941, Archives communales, Bergues
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Le 20 août 1866, le mont-de-piété de Bergues est supprimé. La partie nord du bâtiment sert, après travaux, de caserne de gendarmerie, alors que d’autres pièces sont affectées à la Justice de paix, et que la cave est louée à des fins de stockage. En 1907, le mont-de-piété est classé Monument Historique. Dans les années 20, Louis Sapelier, alors Maire de Bergues, envisage d’y établir le musée et les archives de la Ville. Durant la Seconde Guerre mondiale les deux pignons ainsi que la toiture sont endommagés. A partir de 1952, le bâtiment est peu à peu restauré. La restitution de la toiture inversera, étrangement, l’ordre de la double rangée de lucarnes. A partir de 1952, le musée, se trouvant autrefois à l’Hôtel de Ville, est installé dans le bâtiment. Il occupe dans un premier temps le rez-de-chaussée puis gagne les étages supérieurs au fils des travaux. Il est inauguré officiellement en 1956.

L’église Saint-Martin en 1944, Archives communales, Bergues

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Le musée de Bergues

Comme de nombreux musées français, le musée du Mont-de-piété trouve son origine à la Révolution. Les saisies effectuées alors dans les maisons religieuses de la Ville, dont la très riche Abbaye de Saint-Winoc et des alentours, ainsi que chez des particuliers, permettent de rassembler jusqu’à 450 tableaux. Ce dépôt artistique est dans un premier temps situé dans la bibliothèque de l’Abbaye de saint-Winoc. En janvier 1793, Il est déplacé dans un local dépendant de l’ancien collège des Jésuites Il est confié à la garde de Joseph Delorge, dit le Cavalier Delorge, peintre originaire de Marseille et, depuis peu directeur de l’académie de dessin de Bergues. En 1791, Il avait dressé un premier inventaire des tableaux faisant apparaître 347 numéros soit 385 tableaux dont Le Vielleur au chien de Georges de La Tour catalogué sous le nom d’Urbain Carrache (sic). Dans ce document, Delorge effectue également un premier « bilan sanitaire » sommaire des collections, indiquant que « les tableaux de peinture sont en général dans un très mauvais état, la plus grande partie retouchée et trouée, le tout sous la crasse ». C’est toujours en 1793 que l’on évoque pour la première fois l’existence d’un muséum à Bergues. Une partie des tableaux est en effet accessible aux élèves de l’école publique de dessin et sur rendez-vous pour les amateurs. Il ne semble cependant disposer d’aucuns moyens et n’a de muséum que l’appellation. En 1795, en vue d’un récolement, Delorge dresse une seconde liste, faisant apparaître 432 tableaux.

A partir de 1800, les œuvres sont, soit réparties entre certaines villes du district (Bergues, Dunkerque, Wormhout), soit transférées dans des églises, soit rendues à leurs propriétaires, soit vendues ou encore, sont prélevées par la préfecture, comme nous l’apprend une lettre de remerciement du préfet Joubert au sous-préfet de Bergues Scadet, pour l’envoi de 14 tableaux. En 1802, 20 tableaux sont transférés en mairie de Bergues et placés « dans la salle des séances pour servir d’ornements ». Cependant, le dépôt n’est pas totalement vidé mais ne semble plus guère retenir l’attention. Un document manuscrit de 1809, signé J. Minart, Maire de Bergues, mentionne pour une nouvelle fois l’existence d’un muséum, se trouvant dans les classes de l’école des enfants pauvres, ainsi que d’un conservateur des tableaux, François Remacle De Fraeye, également professeur de l’école de dessin, qui a succédé à Delorge le 20 janvier 1797. Il y a donc bien une volonté, certes embryonnaire, de la Ville de Bergues, de présenter son fonds de peinture, mais aucune délibération n’institue formellement la création d’un musée. Un second document manuscrit, rédigé à l’instigation du Sous-Préfet, en date de 1816, dresse une liste des « tableaux  existants d’ancienne date à l’hôtel de la Mairie de la ville de Bergues » et confirme, par une note complétant cet inventaire, ce souci d’exposition publique : « La plupart des tableaux sont des originaux et des copies très peu abimées et d’aucune valeur, le meilleur ayant été enlevé pendant le cours de la Révolution pour être placé soit dans les salles ou dans les bureaux des administrations supérieures soit, dans les églises de l’arrondissement. Enfin, ils doivent être désignés sous le titre de rebut de cette collection primitive, et sont journellement exposés à la curiosité publique dans un Salon, dit antichambre de la salle de la mairie : on pourrait charger le bibliothécaire, à nommer justement, de la surveillance et de la conservation de ces tableaux ». La collection comprend à cette date 52 tableaux.

En 1838, une décision préfectorale octroie à la Ville un nouveau lot de 73 tableaux provenant du dépôt artistique initial, se trouvant dans l’ancien collège de la ville. Les œuvres sont déposées à l’hôtel de Ville. On ne sait, si elles sont exposées dans le Salon avec le noyau initial de la collection.

Le Beffroi reconstruit, 1961, Archives communales, Bergues
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Il faut attendre janvier 1842 pour entendre à nouveau parler des tableaux. A cette date, le conseil municipal envisage la création d’une galerie de tableaux dans une pièce de la maison attenante à l’ancienne maison de Ville, occupée par un dénommé Henri-Joseph May, cabaretier, propriété de la Ville. Le local est contigu à la bibliothèque, nouvellement aménagée. Il est convenu qu’Alexandre Gontier, membre du conseil municipal et responsable de la bibliothèque assurera la conservation de la collection.

Nous ne savons ce qu’est devenu ce projet, mais le 9 septembre de la même année un crédit de 1466 francs et douze centimes est voté pour la restauration de tableaux, puis un second, de 2000 francs, le 15 février 1843. La restauration des tableaux est confiée à Fabien Napoléon Léoni, peintre et restaurateur de tableaux demeurant à Dunkerque. Le 6 février 1844, une commission chargée de réceptionner le travail de Léoni est organisée ; elle présente son rapport le 13 février. Le 6 novembre 1844, Léoni est nommé conservateur du musée et bibliothécaire de la Ville, sa prise de fonction n’étant effective qu’au 1er janvier 1846 pour raisons budgétaires. On ne sait s’il occupe véritablement ce poste, aucun arrêté ne venant confirmer cette nomination. Il dresse cependant une nouvelle liste manuscrite des collections qui comporte alors 116 tableaux.

Le 28 juin 1846, Auguste Outters, architecte de la ville, est nommé conservateur des tableaux. Cependant, des travaux de restauration entrepris empêchent la présentation des collections durant deux ans. La comptabilité de la Ville fait ensuite apparaître chaque année, des sommes modestes allouées pour l’entretien du musée mais il n’est alors plus fait état du musée dans les registres des délibérations de la Ville, ni dans aucun autre document. C’est à l’occasion de son transfert, dans le nouvel Hôtel de Ville, en 1871 que l’on évoque à nouveau la collection de tableaux. Les tableaux sont alors présentés, en petit nombre, dans la bibliothèque accueillant le fonds ancien. En 1872, une commission du musée est organisée. Elle a pour but de « s’occuper de tout ce qui a rapport à la conservation et à l’enrichissement du musée ». En 1874, le peintre, marchand d’art et restaurateur de tableaux Pierre-Antoine Verlinde (1801 – 1877) est contacté par la Ville pour la rédaction du catalogue des collections de peinture du musée qui sera publié en 1878. En 1877, Pierre-Antoine fait don à la Ville de son importante collection de dessins ainsi que de trois tableaux. Cette collection de dessins comprend plus de 1500 feuilles. Elle est constituée d’environs 800 dessins des écoles flamandes hollandaises, italiennes et françaises, ainsi que d’un fonds d’académies des XVIIIe et XIXe siècles, provenant de l’Académie de peinture d’Anvers.

En 1884, Edouard Verlinde, neveu de Pierre-Antoine est nommé conservateur du musée. Entre 1888 et 1900, le Baron Alphonse de Rotschild fait don de 12 tableaux pour le musée à la Ville et l’Etat contribue également à l’enrichissement des collections, en déposant 13 tableaux et 2 sculptures entre 1865 et 1889. En 1907, de nouveaux travaux d’aménagement sont réalisés à l’Hôtel de Ville afin de présenter les collections dans l’un de ses salons. En 1909, on constate la disparition de huit tableaux et après vérification, six tableaux seront retrouvés. Deux ans plus tard, des restaurations sont effectuées sur les collections par le peintre Henry Schelley demeurant à Dunkerque. L’année suivante, une nouvelle commission est nommée pour la bibliothèque et le musée, Jean Chocqueel est nommé conservateur du musée. En 1912, la Ville reçoit en don de Monsieur de Praneuf, la collection d’animaux naturalisés, comprenant plusieurs milliers de spécimens, de Stanislas de Meesemaecker, son grand-père. Cette collection ne pouvant être présentée dans la salle du musée, elle est déposée dans une salle aménagée dans le bâtiment annexe du beffroi. En 1915 et 1916, une partie de ce fonds est détruit mais là encore faute d’archives et d’inventaires, nous ne pouvons évaluer l’entendue des pertes.

En 1929, la municipalité envisage d’implanter le musée dans l’ancien Mont-de-Piété de la Ville. En septembre 1939, une partie des collections de peinture est évacuée à Rennes, la collection Verlinde demeure en mairie. Durant la guerre, la ville est durement touchée en 1940 et 1944, le reste de la collection d’animaux naturalisés est détruit, les tableaux non évacués sont endommagés. Une cinquantaine de dessins de la collection Verlinde disparaissent également pendant cette période. Il est à noter que 6 dessins seront retrouvés en Allemagne et réintégreront les collections en 1978 alors qu’un dessin de Domenico Tiepolo sera racheté en 1991. Au sortir du conflit, le musée se réorganise peu à peu, les tableaux sont de retour en 1946 et de nouveau visibles en mairie à partir de 1947.

En 1949, Thérèse Vergriete succède à Jean Chocqueel. La mairie lui confie comme à ses prédécesseurs la charge des archives, de la bibliothèque et du musée. Le projet de placer le musée dans l’ancien mont-de-piété fait son chemin. Dès 1950, les travaux de réparation du bâtiment sont entrepris. En 1952, un embryon de musée voit le jour, alors que la majeure partie des collections est toujours en mairie. Ce n’est qu’en 1956 que le musée du mont-de-piété est officiellement inauguré. Cette ouverture suscite un grand intérêt localement et de nombreux dons, notamment liés à l’histoire locale, sont effectués. En 1963, afin de remplacer la collection Meesemaecker, la ville fait l’acquisition de deux collections d’histoire naturelle, l’une composée d’oiseaux naturalisés, l’autre d’insectes, mais également d’un fonds d’archéologie.

En 1964, la section d’histoire naturelle est inaugurée. Une collection de 110 aquarelles de Pierre Drobecq figurant des moulins, est offerte au musée en 1971. Monsieur Jean-Claude Guillemin succède à Thérèse Vergriete en 1982. Une importante campagne de restauration est lancée à partir de 1982. A partir des années 90, le musée se fige peu à peu par manque de moyens, il sera même fermé durant deux années, après le départ de Monsieur Guillemin en 2005. En 2010, un nouveau conservateur est nommé. Le musée prend la dénomination de musée du Mont-de-Piété.

Georges de La Tour, Le Vielleur au chien.

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Aperçu des collections

En 1914, dans la
Gazette des Beaux-Arts, Louis Demonts faisait l’éloge des collections du musée de Bergues. Il est vrai que rares sont les villes françaises de la dimension de Bergues possédant des collections aussi importantes, tant par la qualité que par la quantité. Il faut toutefois convenir que ces collections ont été plus que malmenées, voir négligées. La guerre n’a pas apporté ici son lot de destruction massive comme dans d’autres musées, c’est plutôt le désintérêt, l’absence de moyen et de personnel qualifié, qui ont été dans le cas de Bergues, préjudiciables.

La collection de peinture

La collection de peinture comprend un peu plus de 260 tableaux couvrant une période allant du XVIe au XXe siècle. Ces œuvres sont pour la plupart des saisies révolutionnaires. Les écoles du Nord sont quantitativement les plus nombreuses.
Pour le XVIe siècle, une seule œuvre est conservée, il s’agit d’une
Suzanne et le Vieillard de Jan Massys (vers 1509–vers 1575) et son atelier.

La peinture flamande du XVIIe siècle est la mieux représentée et forme un ensemble homogène représentatif des différents genres. On y trouve notamment un ensemble de quatre tableaux de Jan de Reyn (1610–1678) dont une remarquable
Adoration des mages, considérée comme l’un de ses plus importants tableaux, un ensemble unique de peintures sur cuivre de Robert van den Hoeck (1622–1668), représentant le Martyre des douze apôtres, un important tableau de Andries van Eertvelt (1590–1652) : La Bataille de Lépante ou encore une Vanité de Cornelis-Norbertus Gijsbrechts (vers 1620–après 1676). Les œuvres hollandaises sont peu nombreuses. On trouve cependant dans ce corpus trois tableaux qui méritent d’être mentionnés. Le plus important d’entre eux est un remarquable tableau de la période amsteldamoise de Jacob van Loo (1614–1670), Mirtille et Amaryllis. On notera également un beau portrait de femme de Pieter Soutman (1596-1657) ainsi qu’une huile sur bois de Philips Wouwerman (1619–1668), L’Annonce aux bergers. On trouve également 15 tableaux italiens des XVIIe et XVIIIe siècle, parmi lesquels il convient de mentionner deux scènes de genre de Michelangelo Cerquozzi (1602–1660), deux autres attribuées à Salvator Rosa (1615-1673), ainsi qu’un portrait d’homme d’Andrea Ramajoli ( ?– après 1678).

La peinture française du XVIIe siècle n’est représentée que par deux œuvres. Une
Madeleine pénitente dans l’entourage de Quentin Varin (1570–1634) et l’œuvre majeure des collections, tableau qui fait la renommée du musée de Bergues : Le Vielleur au chien de Georges de La Tour (1593 – 1652)
L’art du XVIIIe siècle est peu représenté dans la collection. Cependant, le fonds conserve un ensemble significatif de six œuvres de Mathieu Elias (1658 –1741) et l’on mentionnera également un grand paysage de Jean-Baptiste Ferret (1664 – 1737).

Pour le XIXe siècle, où le paysage domine, Bergues a reçu en don d’Alphonse de Rothschild, entre 1886 et 1903, 13 tableaux. Parmi ces toiles, un tableau de jeunesse de Maxime Maufra (1861–1918),
Brume dans les dunes (1886) ainsi qu’une Vue de l’Euphrate de Jules Laurens (1825–1901). L’Etat a également contribué à la constitution de cet ensemble par une série d’envois qui a débuté en 1848 (premier dépôt au musée attesté). On y trouve notamment deux tableaux de grand format : Episode de la légende provençale des saintes Maries de la mer de Baptistin Martin (1819 - ?) et Sainte Elisabeth de Hongrie de Jules-Alexandre Duval Le Camus (1814-1878). L’ensemble est relativement disparate. Aucune politique d’enrichissement de la collection n’ayant été entreprise.

On mentionnera également un ensemble de portraits d’Abbés de l’abbaye de Saint-Winoc et de prêtres datant du XVIIIe siècle ainsi que quelques tableaux du XIXe et du XXe siècle évoquant la Ville de Bergues.

En conclusion, sans être une collection de premier plan, la collection de Bergues offre, principalement pour le XVIIe siècle un aperçu assez complet des différents genres picturaux. Elle permet une approche didactique de l’histoire de l’art. Elle offre aussi quelques temps forts, principalement avec cette œuvre majeure qu’est le
Vielleur au chien de Georges de La Tour.

Pierre-Antoine Verlinde(1801- 1877), Autoportrait. Huile sur toile. Collection particulière.
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La collection d’art graphique

La collection de dessins est le point fort du musée de Bergues. Elle comprend environ 1900 dessins, dont 1500 proviennent du legs effectué en 1877 par Pierre-Antoine Verlinde (1801–1877) à sa ville natale. Ce legs fait du musée Bergues l’un des plus importants cabinets de dessins de la Région. Il a été complété en 1971 par la donation Drobecq, qui comporte 110 aquarelles réalisées entre 1929 et 1934, figurant des moulins et par les dons d’œuvres de Robert Wehrlin (1903 1964) et Gabriel Sébastien Simonet dit Sébastien (1909–1990), Henri Vergé-Sarrat (1880-1966), Rolande Déchorain (1898-1975), Amédée de La Patellière (1880-1932), Edmond kayser (1882-1965)… qui ont fait entrer dans la collection environ 400 dessins des années 20 et 30 de ces artistes.

L’importance pour le musée de la collection de dessins Verlinde mérite que l’on s’y attarde plus longuement.

Le 22 juillet 1877, la Ville acceptait officiellement le legs d’une collection de dessins ainsi que trois tableaux consentis par Pierre-Antoine Verlinde (Bergues 1801–Anvers 1877) dans son testament établi le 8 mars de la même année. Ce legs ne comportait aucune clause particulière quant à l’exposition de la collection où l’établissement d’un catalogue.

Pierre-Antoine Augustin Verlinde est né le 20 janvier 1801 à Bergues. Il est le fils Pierre-Antoine Verlinde et de Marie-Thérèse Craeynest et l’ainé de leurs 9 enfants. Son père, qui fut avocat au parlement de Flandre, voit sa carrière tourner court à la Révolution après avoir publiquement exprimé son loyalisme envers Louis XVI. Il devint négociant en produits de droguerie. Pierre-Antoine grandit dans une famille cultivée, entreprenante, très catholique et royaliste. Nous ne savons rien de ce qui le décida d’embrasser une carrière de peintre, ni qu’elle fut exactement sa formation. Peut-être, dans un premier temps, fréquenta-t-il l’école publique de dessin de Bergues, institué en 1791 ? Différentes sources nous apprennent qu’il se forma ensuite à Bruges auprès de Joseph-François Ducq (1762–1829) puis à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers où il fréquenta l’atelier de Mathieu-Ignace Van Brée (1773–1839) et enfin, à Paris, auprès de Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833). Les sources archivistiques sont nettement moins catégoriques. On le retrouve bien à l’Académie de Bruges où il est autorisé le 17 octobre 1819 à suivre les cours d’études anatomiques, section « plâtre », mais la suite de sa formation demeure plus obscure.

En effet, les archives de l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers ayant beaucoup souffert, nous ne trouvons nulles traces d’une éventuelle inscription. Cependant, il est fort probable que Verlinde ait parfait sa formation à Anvers. Son Académie qui jouissait encore alors d’un prestige certain, attirait des apprentis peintres venant aussi bien de Belgique, du Nord de la France, de Hollande ou d’Allemagne que d’Angleterre. L’attachement que porta Verlinde à Van Brée, (on retrouve dans sa collection une trentaine de dessins de ce peintre), n’est sans doute pas étranger à cela. Sa formation à Paris auprès de Pierre-Narcisse Guérin est plus sujet à caution. Aucun document ne l’atteste et nous savons que Guérin, ayant accepté la direction de l’Académie de France à Rome, n’est plus à Paris en 1822. Cela supposerait donc un séjour à Paris en 1821 après un passage très court à Anvers, ce qui semble peu probable. Nous le savons établi de manière définitive à Anvers en 1827. Pierre-Antoine Verlinde ne réalisera pas une carrière de peintre. Il sera, un temps, l’un des nombreux portraitistes de la petite bourgeoisie anversoise et exposera épisodiquement, et apparemment sans succès, de la peinture d’histoire et de genre dans les Salons tant en Belgique, que dans le Nord de la France. En 1830, on le trouvera durant une année professeur assistant de dessin à l’Académie d’Anvers. Verlinde s’accomplira dans des activités connexes, tirant l’essentiel de ses ressources de l'activité de marchand et d'expert, ainsi que du métier de restaurateur de tableaux.

Sebastiano del Piombo, Tête de femme vue de profil

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L’histoire de cet ensemble demeure plus que lacunaire, les archives nous font défaut. Nous en sommes réduits à établir des conjectures sur sa constitution et il en va presque de même pour son traitement à Bergues. Ainsi, nous ne connaissons pas avec certitude le nombre de dessins qu’elle comportait à son arrivée, aucun document ne l’indiquant. Les feuilles ont probablement été marquées en 1913 par Jean Choqueel lors du premier récolement, soit après plus de 30 années de présence à Bergues. La numérotation va de 1 à 1431, cependant une soixantaine d’entre elles n’ont pas été numérotées. Il s’agit principalement d’esquisses de la main de Verlinde mais l’on y trouve également quelques dessins de Mathieu-Ignace van Brée. A nos yeux, la collection doit être scindée en deux ensembles distincts : un premier comprenant environs 950 numéros, regroupe essentiellement des œuvres nordiques, italiennes et françaises du XVe au XIXe siècle ; un second se composant de nus, d’études et de supports annotés servant à l’approche pédagogique en provenance de l’Académie d’Anvers. Verlinde a-t-il récupéré cet ensemble suite à son passage à l’Académie ? Nous l’ignorons. Si nous faisons abstraction de ces feuilles, une des particularités de ce fonds est sa très grande hétérogénéité. S'agit-il d'une véritable collection ? S'agit-il de feuilles achetées dans l'optique d'une revente, puis conservées ? D'opportunités saisies ? D’un fonds constitué comme complément à la collection de peinture avec une visée pédagogique ? Il est particulièrement malaisé de déterminer un quelconque système ayant présidé à sa composition.

Des dessins de très grandes qualités côtoient de très modestes feuilles, copies, pastiches, dessins d'amateurs. Certaines copies font songer à des exercices donnés à des étudiants, d’autres sont probablement de la main de Verlinde. Leur rapidité d'exécution et la présence d’un trait matérialisant le cadre, nous font penser qu'elles pourraient avoir été réalisées pour servir d'aide-mémoire lors d'expertises, voir prises sur le vif lors de ventes publiques. On peut s'interroger sur le statut de ces feuilles dans une collection. La passion de Verlinde pour la peinture et ses multiples activités lui laissaient-elles le loisir de mener à bien la constitution exigeante d'une collection de dessins ? Le temps lui a-t’il manqué pour opérer une nécessaire sélection ? Nous pensons que son gendre, qui a géré l’expédition du legs, a rassemblé sans distinction l’ensemble des dessins se trouvant au domicile de Verlinde, adjoignant à un ensemble constitué de feuilles anciennes, un fonds indistinct comprenant les académies et ces feuilles secondaires. Le corpus d'œuvres d'intérêt s'en trouve nettement amoindri et nous sommes toujours face à un ensemble dont la logique de composition interpelle. Elle peut trouver à s’expliquer par un mode d’acquisition par lots permettant des prix modérés et, parfois, d'acheter de bonnes feuilles. On trouve d’ailleurs dans la collection une copie d’un dessin de Lafage, ayant vraisemblablement servi de pochette, qui porte l’inscription manuscrite « 14 dessins par des maîtres anciens » qui atteste d’une vente par lot. Par son métier de marchand et sa qualité d'expert, on peut aussi penser qu’il a su saisir quelques opportunités.

Urs Graf, Couple de paysans dansant
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Très peu de dessins comportent une marque de collection, même si à ce jour nous n’avons pu étudier l’ensemble des marques manuscrites. On retrouve néanmoins quelques feuilles provenant de la collection Van Parij, dont la principale vente se déroula à Bruxelles en 1861. Il y fit notamment l'acquisition d'une grande feuille de Philippe Joseph Tassaert, préparatoire au tableau du Maître-autel de l'église des Récollets de Bruxelles, mais également d'un pastiche XVIIIe d'une œuvre de Jordaens ou encore d’un dessin italien de qualité moindre, attribué à Piero Buonaccorsi. Ces choix étonnent. Le dessin de Tassaert apparaît tout à fait isolé dans la collection. Là-encore se pose la question de l’achat fait dans l’optique d’une revente ou peut-on penser que Verlinde est un amateur de dessins occasionnel, pas toujours très avisé ? Achetant, non pas dans une logique d’ensemble, mais de façon fragmentée, trouvant ainsi un intérêt à conserver le dessin préparatoire d’un tableau provenant d’un édifice disparu. Nous n’avons pu retrouver la trace d’un catalogue de la collection, voire d’une simple liste. De tels documents ont cependant existé car en 1912 un récolement de la collection est effectué. Il apparait que les feuilles manquantes sont en très grand nombre. Néanmoins, Verlinde a pris soin d’inscrire également, dans certain cas, des attributions sur le support ou le revers de la feuille. De nombreux montages anciens n’ont cependant pas été conservés, nous privant de ses indications. Ces annotations sont probablement à la base de l’inventaire de la collection réalisée en 1952 par Thérèse Vergriete, alors conservateur du musée.

La collection Verlinde se compose, assez logiquement, d’une majorité de feuilles flamandes et hollandaises. Si l’on trouve dans cet ensemble de très nombreux dessins attribués aux « gloires » des écoles du Nord pour les XVIe et, surtout, XVIIe siècles, Verlinde a comme tout collectionneur rêvé aux grands noms, la réalité est plus décevante. En définitive, point de Scorel, Goltzius, Maerten de Vos, de Rubens, de Jordaens ou Rembrandt… Sur les quatre dessins attribués à Van Dyck, il en demeure un, la magistrale
Adoration des bergers, œuvre de jeunesse qui restait jusqu’à ce jour étonnement inédite. Pour le siècle précèdent, la moisson est également bien maigre, même si l’on relève des feuilles importantes, comme ce dessin très accompli de Maarten van Heemskerck La Lune et ses enfants, un grand projet de vitrail de Pieter Aertsen et un autre projet de vitrail, inédit, de Lambert Lombard. C’est davantage à la marge, chez les artistes moins en renom, que nous découvrons en plus grand nombre des feuilles de qualité. En premier chef, Il faut ici citer cet ensemble remarquable, étonnamment inédit, de 8 dessins de Jan Boeckhorst préparatifs pour une série de tapisseries, mais aussi ce groupe conséquent de petits dessins préparatoires à des gravures d’Abraham van Diepenbeeck ou ces deux rares dessins du Bruxellois Gaspard van Opstal, ces deux derniers artistes ayant été repérés dernièrement par David Bronze. Notons également la présence, rare dans les collections publiques françaises, de dessins de sculpteurs anversois, récemment mis en lumière par Alain Jacobs, où l’on retrouve notamment Peter Verbruggen, Hendrik-Frans Verbrugghen et Peter Scheemakers l’ancien.


Louis Licherie,
Les neufs ordres des esprits célestes, étude pour le tableau de l’église Saint Etienne-du-Mont de Paris

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Une autre spécificité de ce fonds réside dans la présence de dessins des XVIIIe et XIXe siècles. Comme nous l’indiquions précédemment, la collection Verlinde comporte un grand nombre de feuilles de Matthieu Ignace van Brée. Nous en avons recensées à ce jour près de trente, principalement des croquis et des esquisses, mais également quelques dessins plus aboutis portant sa marque (L. 1881). Il est à noter que lors de la vente de la collection Verlinde, furent présentés trois tableaux ainsi que divers lots de dessins de Van Brée. Ce qui nous amène à supposer que Verlinde ait pu se porter acquéreur d’une partie du fonds d’atelier de van Brée. Nous pensons également que le fonds de l’Académie d’Anvers pourrait avoir la même provenance. La présence dans cet ensemble de supports de cours annotés d’une écriture similaire à celle se trouvant sur les dessins de Van Brée, tendrait à confirmer cette hypothèse. De plus, il faut se rappeler que van Brée fut professeur puis directeur de l’Académie et qu’il a pu, à ce titre, récupérer ces dessins plus aisément que Verlinde qui n’y a été que professeur assistant une seule année. Deux autres artistes d’importance méritent également d’être cités pour cette période. Il s’agit du prolifique Jacob de Witt (1695–1754) dont on trouve six dessins et d’André Corneille Lens (1739–1822) qui est présent par 8 études de drapés récemment attribués par Alain Jacobs.

Nettement moins important numériquement, le fonds français se compose de 122 dessins. D’un point de vue qualitatif cet ensemble apparaît presque le plus cohérent. On y retrouve des dessins de Poussin, Vouet, Le Brun, Lemoyne, Jouvenet… même si nous ne savons pas s’ils ont été achetées comme tels. Le dessin de Vouet était ainsi autrefois attribué à Van Dyck alors que la feuille de Poussin ne portait aucune attribution jusqu’à sa découverte par Pierre Rosenberg. L’absence d’un catalogue initial ne nous permet pas de trancher la question. Dans cet ensemble, des découvertes sont encore à effectuer et l’ont été dernièrement. C’est ainsi qu’un petit dessin de Dandré-Bardon, que nous a donné Eric Pagliano, un François Perrier qui a quitté son obscure attribution à Michaelina Wautier grâce à la sagacité de Guillaume Kazerouni et de Nicolas Schwed. Ce dernier a d’ailleurs œuvré également en un sens contraire, rendant à Mengs (confirmant l’attachement de Verlinde pour le premier néoclassicisme) une remarquable étude pour une figure de Cérès donné autrefois à Eustache Le Sueur.

Il en va de même pour le fonds italien, plus modeste avec sa cinquantaine de feuilles actuellement repérées. En dépit d’une étude pionnière d’Hélène Sueur, qui n’avait pu hélas accéder à l’ensemble du fonds, des dessins sont à rendre à cette école. Si le nombre est restreint, il faut cependant convenir que la seule présence d’un dessin de Sebastiano del Piombo, cette remarquable et unique tête de femme, permet de relativiser la légère déception ultramontaine. Sous son ancienne attribution à Palma Vecchio, on peut imaginer que Verlinde ait simplement été sensible à l’extrême beauté de la feuille. On mentionnera également les trois feuilles de Giandomenico Tiepolo dont une Sainte Famille à l’histoire mouvementée. Elle fut en effet soustraite des collections ainsi qu’une quarantaine d’autres feuilles entre 1940 et 1944 avant de réapparaître sur le marché de l’art en 1988 et d’être rachetée par la Ville (6 autres dessins de diverses écoles sont eux rentrés par la valise diplomatique en 1977). Enfin, citons la présence rare de trois feuilles espagnoles dont ce rare dessin d’Eugenio Cajés dont nous devons l’attribution à Eduardo Lamas.

Bibliothèque patrimoniale de Bergues
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La Bibliothèque patrimoniale

Bergues, chef-lieu de district révolutionnaire, se voit doter d’un dépôt littéraire issu des confiscations des biens des communautés religieuses de la ville et des environs. Les archives départementales du Nord conservent un catalogue daté de l’an VII qui mentionne 19 000 ouvrages, soit environ 60 000 volumes. Cette même année, l’administration municipale de Dunkerque demande le transfert dans cette ville « des livres et autres objets littéraires qui se trouvent dans un dépôt à Bergues, provenant des ci-devant couvents ». Les livres ont été confisqués à l’abbaye Saint-Winoc aux Dominicains et aux Capucins de Bergues, mais aussi aux Carmes déchaux et aux Mineurs Récollets de Dunkerque, aux Mineurs Récollets de Gravelines, d’Hondschoote, d’Hazebrouck, aux Capucins d’Ypres et à l’abbaye Saint Nicolas de Furnes.

Le 21 novembre 1816, le sous-préfet de Dunkerque précise que le maire « a fait faire le triage de ce qui restait et que les meilleurs ouvrages ont été réunis dans une des salles de la mairie pour servir de bibliothèque publique dont le soin est confié à son secrétaire…. M. le maire de Bergues demande à être autorisé à vendre les vieux bouquins qui restent, et à en employer le produit de la vente à l’achat de nouveaux livres ». Un catalogue de la bibliothèque de Bergues est rédigé et adressé au préfet en 1817. Selon les ordres du ministre de l’Intérieur, le maire de Bergues a procédé en mai 1819 à une vente « de vieux livres dépareillés, doubles et bouquins ».

D’après le rapport transmis en 1838 par le sous-préfet de Dunkerque, la ville de Bergues conserve « un amas de livres, classés sans méthode, quoique rangés sur des rayons, et non catalogués ». Des arguments sont alors donnés pour expliquer la disparition d’une part très importante de la bibliothèque confisquée aux établissements religieux : il semblerait que la bibliothèque ait été soumise au pillage en 1793 puis que quelques années plus tard, sur ordre du sous-préfet une partie des ouvrages a été transportée à la sous-préfecture puis à la mairie de Dunkerque.

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Des travaux sont réalisés vers 1840-1841 dans le nouveau local attribué à la bibliothèque au 2ème étage de l’hôtel de ville. Après le classement des ouvrages, un catalogue est rédigé puis publié en 1842. Il décrit 2 687 volumes. La bibliothèque, devenue communale, est rendue publique. Dans un courrier adressé au préfet le 6 août 1842, M. Le Glay propose un échange d’une partie des livres provenant des confiscations, jugés sans utilité immédiate pour les habitants de Bergues et l’achat d’ouvrages modernes. Le maire refuse cette proposition. D’après les statistiques de 1853, la bibliothèque compte 5 257 volumes (dont 11 du XVe siècle et 218 du XVIIe siècle) et 36 manuscrits, mais n’offre pas à ses lecteurs d’ouvrages modernes. Le fonds d’origine est enrichi de quelques concessions ministérielles et de dons de particuliers.

Les principaux possesseurs ont pu être identifiés grâce à l’inventaire de M. Guillemin et d’après les marques d’appartenance repérées sur les ouvrages lors de l’évaluation du fonds.

Les communautés religieuses

Abbaye Saint-Winoc de Bergues, Abbaye Saint Nicolas de Furne, Capucins de Bergues, Capucins de Bourbourg, Capucins de Dunkerque, Capucins de Furnes, Capucins d'Ypres, Carmes déchaux de Dunkerque, Couvent de Dunkerque, Couvent de Gravelines, Frères Prêcheurs de Bergues, Jésuites de Bergues.
Mimines de Dunkerque, Mineurs Récollets de Dunkerque, Mineurs Récollets de Gravelines, Mineurs Récollets Hondschoote, Mineurs Récollets de Saint-André-de-Poperinghe, Mineurs Récollets de Saint- Antoine, Monastère d'Hondschoote, Récollets de Béthune, Récollets d'Hazebrouck, Trinitaires d'Hondschoote

Les particuliers

Bernard Cappelier, pasteur de Saint Lieger, Augustin de Clercq Pierre de Clercq, Dunkerque Jacob Janssonius ou Jacques Janssonius ou Jacques Jansson (fin 16ème-17ème siècles) Auguste Outters, architecte Gerwin Ryckewaert (abbé de Saint-Winoc)

Les institutions

Généralité de Bergues Dépôt de l’Etat- Ministère de l’Instruction publique
Une quinzaine d’ouvrages des XVIe et XVIIe siècles ont des reliures aux armes de la ville de Bergues, sans autres marques d’appartenance. Il s’agit des armes résultant de la fusion de la ville et de la châtellenie de Bergues en 1586. Nous ignorons cependant de quelle institution communale ces ouvrages peuvent provenir.

B 130
Operum divi Cyrilli. Paris, 1604 B 140 Opera omnia Flavii Clementis Alexandrini. Paris, 1612 C 4 Opera omnia Sancti Hieronymi. Paris, 1609 C 6 Operum Sancti Hieronymi. Tomus II et III. Paris, 1609 C 7 Operum Sancti Ambrosii. Paris, 1603 J 1 Tornellius. Annales sacri. Francfort, 1611 N 1 Pline. Historiae mundi libri XXXVII. Bâle, Froben, 1539 O 23 Nicolas Sanderus. De visibili monarchia ecclesiae. Wirceburg, 1592 P 56 Joannes Wolfang Fraymonius. Elenchus omnium auctorum sive scriptorum. Francfort, 1574 Q 10 Antoine Anselme. Consultationes seu resolutiones. Anvers, 1671 Q 16 Charles Scribanus. Politico-Christianus. Anvers, 1624 Q 75 Virgile Polydore. De rerum inventoribus libri octo. Bâle, 1540 T 47 Declarationes Desiderii Erasmi ad censuras Lutetiae. Bâle, Froben, 1532 Sans cote Innocent III. Opera Innocenti sancti. Cologne, 1542 Sans cote Opera omnia Franciscus Zypaeus. Anvers, 1675.

Afin de vous alléger de cette lecture, nous terminerons en évoquant deux spécialités culinaires berguoises.

Le fromage de Bergues

Bergues est une marque collective attribuée à un fromage au lait cru fabriqué par quelques agriculteurs producteurs fermiers aux alentours de Bergues, à côté de Dunkerque dans le département du Nord en France. Un dossier est en cours d'examen auprès de l'INAO pour sa reconnaissance comme appellation d'origine protégée.

Le bergues est un fromage à pâte molle à croûte lavée au lait cru. Il a une pâte demi-dure ou molle. Son aspect est crayeux sa forte odeur le caractérise. Il est relativement pauvre en matières grasses (de 20 à 25 %).

Lors du carnaval, le maire de Bergues en envoie des morceaux à la foule depuis le balcon de l'hôtel de ville.

La saucisse de Bergues

La saucisse de Bergues est apparue au XVIe siècle, à l'époque où la Ville de Bergues était envahie par les soldats espagnols. Une famille de Bergues, les Desmadry, charcutiers à Bergues, ont repris la recette qui s'est ensuite transmise dans la famille. C'est la boucherie VERMERSCH qui assure aujourd'hui la tradition familiale. Il s'agit d'une recette composée de pur porc et d'épices espagnoles.