L'art et la manière
Juin 2020
Timothée Musset
Le bois dans l'âme

Après l’obtention d’un Baccalauréat ES, il suit un apprentissage en charpente et s’engage pour un Tour de France au sein de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, durant lequel il obtient un Brevet Professionnel puis une licence Pro.

Timothée Musset : Un début difficile, où l’on se cherche et l’on se demande si on parviendra à arriver jusqu’au bout. Mais, au final, c'est un Tour de France émancipateur, synonyme d'accomplissement. On se perfectionne dans un métier et l'on acquiert des outils qui sont, au final, très utiles dans les choix professionnels futurs.
Mais en dehors du travail, ce fut un Tour de France vivant, rythmé et festif où le répit n’existe pas, et où l’on exploite notre jeunesse au maximum, afin de profiter de chaque instant.
La Gazette du Patrimoine : Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir le métier de charpentier ?
Timothée Musset : Il s‘agit du besoin de sortir, du besoin de trouver un contact avec des éléments.
Lorsque j’étais petit, je passais déjà beaucoup de temps à construire des cabanes dans les bois ou dans le jardin de mes parents.
Bien qu’enthousiaste, n’étant pas l’élève le plus assidu au lycée, ce fut aussi un peu par défaut au début. A mon niveau rien ne m’intéressait en terme d’orientation professionnelle.

Timothée Musset : Il y en a eu deux. Le premier fut la restauration de l’Eglise de Montreuil-sur-Barse, dans l’Aube, un superbe moment. Le deuxième fut la réfection de la maison du Pardessus à Salins-les-Bains, dirigé par Stéphane Goubet. Ce fut un superbe chantier, étant sous un parapluie, nous avons dû levé, si je me souviens bien, dans les 150m cube de bois sans grue. Une superbe expérience technique.
La Gazette du Patrimoine : Quel est d’après vous le chantier plus emblématique de votre carrière ?
Timothée Musset : L’Eglise de Montreuil-sur-Barse fut le plus emblématique et le plus révélateur. Je suis arrivé sur ce chantier un peu par hasard et on m’en a confié l’équipe. Ce fut une suite de superbes instants, avec les équipiers, mais aussi dans le rapport à la matière et à l’édifice, ou le but était de conservé au maximum son ensemble architectural originel.
Il y a toujours quelque chose de particulier sur les chantiers du patrimoine : des odeurs, des traces laissées il y a des siècles, c’est un ensemble très intéressant.

Timothée Musset : Vivre pleinement sa jeunesse, que ce soit professionnellement que personnellement.
La Gazette du Patrimoine : Et quel a été le pire ?
Timothée Musset : Avec le temps on oublie les mauvais souvenirs, à part les doutes du début qui ont tendance à nous freiner.
La Gazette du Patrimoine : Vous avez cessé ce métier pour vous consacrer à la création contemporaine, pourquoi ce changement ?
Timothée Musset : Au moment où j’ai décidé de créer l’atelier, j’avais terminé mon Tour de France. J’étais en plein doute, j’avais l’impression que dans le bâtiment il était pour moi difficile de m'exprimer pleinement.
C’est alors que je me suis dit qu’il était possible d’utiliser son savoir-faire, ses convictions et son temps uniquement pour la mise en valeur des bois anciens.

Timothée Musset : L’atelier a été créé il y a maintenant deux ans. En ce qui concerne le public, l’objectif est de s’adresser à un public le plus large possible, que ce soit des propriétaires de maisons anciennes en restauration, désireux de conserver le bois par attachement ou bien des amateurs d’art pour ce qui est des créations.
La Gazette du Patrimoine : À l’ère du meuble en kit, pensez-vous que le bois ait encore de l’avenir ?
Timothée Musset : Bien sûr, d’ailleurs le bois ne doit pas appartenir qu’à l’industrie. Le but premier est d’aller plus loin dans la recherche des formes, de laisser une nouvelle place à la matérialité, de permettre de le faire redécouvrir sous une forme qui, par le temps et la standardisation, a été oubliée.

Timothée Musset : Des recherches, des réseaux, mais généralement je ne divulgue pas les endroits où je le trouve.
La Gazette du Patrimoine : Quelles sont vos principales créations ?
Timothée Musset : Je fais principalement des assises et des tables, ce qu’il y a de plus communs, pour que l’utilisateur puisse avoir un contact maximum avec la création. Je réfléchis aussi à des pièces plus petites — un jour elles sortiront. Mais ce que j’attends aussi ce sont des commandes particulières, qui me font sortir de ma zone de confort et me permettent d’explorer un peu plus ma créativité.
La Gazette du Patrimoine : Quelles sont vos relations avec cette matière ?
Timothée Musset : C’est quelque chose assez difficile à décrire. Je pense parfois être un tortionnaire… Lorsque je trouve les morceaux de bois, ils ne sont généralement pas présentables, c’est alors que je les nettoie, les frotte, les lave afin de les rendre resplendissants. C’est très physique, je les manipule avec le plus de délicatesse pour ne pas les fragiliser, mais, aussi, je les torture pour leur donner leurs formes. Il y a aussi ce côté affectif, je les trouve beaux tout simplement.

Timothée Musset : C’est un peu les deux, mon amour pour les bois anciens devait s’affirmer un peu plus. Différemmenbt. Il m’était alors logique de sortir de l’environnement parfois trop rationnel de la charpente pour aller vers une discipline plus créative, afin de pouvoir formuler un autre discours. Bref ill s'est agi de pouvoir utiliser les formes et cette matière et en faire un réel langage.
La Gazette du Patrimoine : Quelle est la création dont vous êtes le plus fier ?
Timothée Musset : Pour le moment il n’y en a pas dont je suis le plus fier. J’apporte avant tout de la fierté sur l’ensemble. D’avoir pu mettre debout ce projet qui me tenait tant à coeur…Puis j’évolue sur chaque nouvelle création, donc chacune a pu m’apporter une fierté à sa manière.

Timothée Musset : Dans l’idéal ce serait d’avoir un projet d’ameublement complet pour un seul habitat, avec une forme et un sens commun.
La Gazette du Patrimoine : Quel est d’après-vous le principal argument pour séduire votre clientèle ?
Timothée Musset : Il s’agit d’un ensemble. Mettre les bois anciens au goût du jour, valoriser un matériau existant mais renié par beaucoup au profit de matériaux composites utilisés actuellement pour des créations « organiques ». C'est au final une histoire mais avant tout un message.
La Gazette du Patrimoine : Nous venons de subir une crise sans précédent, faites-vous partie des artisans fortement impactés par cette crise et quels moyens avez-vous mis en place pour y faire face ?
Timothée Musset : Je n’ai pas été impacté particulièrement par le confinement, je me suis mis en retrait de l’atelier car, travaillant seul, je ne voulais pas faire partie de ceux qui encombre les hôpitaux en cas de blessures, alors j’en ai profité pour me poser, dessiner, et réfléchir à de futurs projets.

Timothée Musset : Oui il faut parler de prix, c’est important car malheureusement avec l’industrialisation, la conscience de la valeur travail disparaît des consciences. Grosso modo, le prix dépend alors de la taille du projet, et de la créativité demandée. Mais à partir de 1000 euros, on peut accéder à une de mes créations exclusives.
La Gazette du Patrimoine : Quelle est la principale qualité que l’on doit avoir pour faire ce que vous faites ?
Timothée Musset : La première des qualités à avoir est celle que l’on doit partager avec tous, la patience. Ensuite il faut de la persévérance, de la curiosité, et de la créativité.
La Gazette du Patrimoine : Quels sont vos projets pour les années qui viennent ?
Timothée Musset : Continuer, toujours aller plus loin dans la création, les formes sont illimitées, à moi de faire les bons choix pour les faire valoir.
Mais surtout satisfaire les yeux et véhiculer le message.
La Gazette du Patrimoine : Êtes-vous un artisan heureux ?
Timothée Musset : Bien sûr, il n’y a pas mieux qu’une profession qui soit un projet qui occupe pleinement.
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