SECONDE VIE
Juin 2020


Les Annonciades de Villeneuve-sur-Lot (47)
Une seconde vie qui a du sens

Emmanuel Jolivet


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Emmanuel Jolivet est originaire du Berry.

Il a été professeur d’histoire et géographie. Il est directeur diocésain de l’enseignement catholique de Lot-et-Garonne (Agen), depuis cette année, et chef d’établissement de l’Institution Sainte-Catherine à Villeneuve-sur-Lot, depuis 13 ans.

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Historique de l’édifice

Le monastère des Annonciades date de la deuxième moitié du XIXe (1860) siècle mais la présence de cette congrégation à Villeneuve-sur-Lot date du XVIIe siècle (1621). Cette congrégation a été fondée par la reine Sainte Jeanne de France, dans le Berry.

Nature du projet 

Réhabilitation du monastère en école (1°degré) qui va accueillir un établissement privé sous contrat d’association avec l’Etat.

Le bâtiment n’est pas classé mais présente un intérêt architectural et patrimonial évident.

Coût total du projet (y compris l’acquisition) : 2,4 Millions d’Euros.

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La Gazette du Patrimoine : Qu’est ce qui a motivé votre choix quant à l’installation de l’école dans ce lieu chargé d’histoire ?

Emmanuel Jolivet : L’école est un lieu de transmission de savoir et de valeurs. Dans le projet de déménagement de l’école Sainte Jeanne d’Arc (située à 400 m du monastère), il s’agit de transmettre un patrimoine architectural aux générations à venir, le préserver, dans une utilisation le plus proche du charisme de la congrégation féminine qui l’a construit, habité physiquement et spirituellement et qui a été contrainte de quitter les lieux en novembre 2019.

La transmission n’est pas seulement matérielle, donc. Elle est aussi immatérielle. Les Annonciades (nom de la congrégation) font partie de l’histoire de Villeneuve sur Lot. Les Villeneuvois, croyants ou non, y sont attachés. Le nom de l’école lui-même va changer. L’école Sainte Jeanne d’Arc va devenir en déménageant, l’école sainte Jeanne de France.

La transmission est aussi spirituelle pour nous enseignement catholique. La chapelle va pouvoir restée consacrée et ouverte au public (selon des règles encore à définir avec la paroisse).

Le monastère c’est aussi un espace de jardin remarquable qui pourrait servir à la transmission d’un patrimoine naturel et écologique. Nous aimerions installer les principales essences cultivées en Lot et Garonne pour que les enfants puissent les connaître et reconnaître : prunier d’Ente, noisetier, kiwi, herbes aromatiques,... Nous pourrions également avoir un potager (c’était la destination de cet espace) et des ruches (nous en avons déjà à l’Institution Sainte Catherine avec un programme pédagogique pour les 6°).

La Gazette du Patrimoine : Ce projet a t’il été le fruit d’une mure réflexion, ou vous êtes-vous immédiatement positionné pour le rachat de l’édifice ?

Emmanuel Jolivet : Nous ne nous sommes pas immédiatement positionnés pour le rachat de l’édifice. Quand je dis « nous », il s’agit d’une « équipe » qui a déjà œuvré pour la restauration et le développement immobilier de l’Institution Sainte Catherine. Cette « équipe » est composée de bénévoles et de salariés de l’enseignement catholique : des chefs d’établissement, des OGEC (organisme de gestion de l’enseignement catholique), de l’association immobilière propriétaire, de la DDEC (direction diocésaine de l’enseignement catholique), avec le soutien de Monseigneur Hubert Herbreteau évêque d’Agen.

Ce projet est le fruit d’échanges et de rencontres avec Sœur Marguerite-Marie, la supérieure, appelée Mère Ancelle. Pour nous tous catholiques, c’est certainement aussi le fruit de la Providence.

Si nous ne sommes pas positionnés de suite pour l’achat, car il n’y avait aucune urgence, je pense pouvoir dire que le projet s’est imposé très vite à nous comme une évidence : il fallait que le monastère reste dans notre « famille ».

La Gazette du Patrimoine : À l’annonce de la vente du couvent, beaucoup se sont inquiétés pour son avenir, craignant de nombreuses démolitions et transformations. Votre projet implique t’il la disparition de certains éléments architecturaux ?

Emmanuel Jolivet : C’était une question fondamentale pour nous que de garder et préserver au maximum les éléments architecturaux existants. Notre architecte Michel Marès, a tenu compte de nos remarques, lui-même convaincu de cette nécessité. Le pari est :

  • de garder le plus possible le patrimoine dans son état en respectant les normes de sécurité et d’accessibilité (ERP);
  • de préserver l’âme des lieux et la mémoire des personnes qui l’ont occupé (le cimetière était dans la clôture. Il a été transféré au cimetière sainte Catherine);
  • de faire d’un lieu sobre et silencieux une école agréable et lumineuse (le monastère accueillait 6 religieuses en novembre 2019, il va accueillir 150 élèves en novembre 2020).

Pour tout cela nous ne touchons pas aux structures extérieures. Seuls quelques abris sans intérêt et un mur en parpaing ont été détruits. Les constructions nouvelles vont se greffer en réez de chaussée sur l’existant. Priorité aux espaces verts. Les espaces intérieurs ont donc été travaillés pour transformer les cellules en salles de classe et en réfectoire.

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La Gazette du Patrimoine : Quelle sera la fonction de la chapelle ? Envisagez-vous de lui donner une autre destination ou aura t’elle toujours sa fonction d’origine ?

Emmanuel Jolivet : Comme je l’ai signalé plus haut, la conservation du lieu dans son état et sa destination était une priorité pour nous. Les enfants de l’école pourront s’y rendre accompagnés pour les grands moments liturgiques de l’année ou pour le KT. La paroisse et les fidèles pourront y venir et prier. Il est également possible que nous puissions y faire quelques expositions et concerts.

Nous envisageons de faire un lieu de mémoire de la vie des sœurs dans leur chapelle (exposition photos). Nous aimerions aussi ouvrir nos portes pour les journées du patrimoine.

L’ouverture à la Cité, au sens large, fait partie du projet de nos établissements catholiques.

Il a valeur d’exemple pour les enfants qui nous sont confiés et participe à leur éducation chrétienne et citoyenne.

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La Gazette du Patrimoine : Comment ce projet a t’il été accueilli par la municipalité ? La commune n’aurait-elle pas souhaité voir s’implanter un complexe hôtelier ou immobilier ?

Emmanuel Jolivet 
: Il faudrait poser directement la question aux concernés. Je ne saurai vous dire. Nous n’avons eu aucune difficulté en tous cas… Ce que je peux dire, c’est que les villeneuvois sont contents, ils le disent, de voir que ce patrimoine qui leur appartient va être préservé et va continuer à vivre. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les édifices qui sont désaffectés. Je le dis sans aucun jugement de valeur et sans aucune critique, tant il est difficile et coûteux parfois d’intervenir.

La Gazette du Patrimoine : À l’heure ou la communauté catholique se sépare de beaucoup de ses biens, quel est d’après-vous l’avenir de tous ces édifices ?

Emmanuel Jolivet : Je n’ai pas assez d’éléments à ma connaissance pour pouvoir répondre à votre question.

Ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes très heureux et très fiers d’avoir pu contribuer à la sauvegarde de ce patrimoine, dans toutes ses dimensions. Ce que je peux vous dire, c’est que les sœurs, résidentes discrètes de Villeneuve sur Lot, ont eu, comme beaucoup de villeneuvois, un pincement au cœur en quittant leur maison mais elles sont aussi très heureuses qu’une école catholique qui va s’appeler Sainte-Jeanne-de-France prenne leur place et perpétue la mission d’enseignement voulu naguère par la fondatrice de l’ordre.

La Gazette du Patrimoine : Pensez-vous que l’on puisse dupliquer facilement un projet comme le vôtre dans d’autres couvents et ainsi, assurer la pérennité de ces patrimoines remarquables ?

Emmanuel Jolivet : Il convient ici, je pense, de parler pour notre activité d’enseignement catholique associé à l’Etat de « prospective ». Ce qui est valable en un lieu, à une période, ne l’est peut-être pas ailleurs. Alors, oui, il est possible de dupliquer mais pas forcément facilement… comme dit le président de l’OGEC Sainte-Catherine : « Il faut que les planètes soient alignées ! »

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Je dirais qu’il faut une intuition, un contexte favorable et une équipe solide et solidaire qui porte le projet.

La Gazette du Patrimoine : Pensez-vous que les enfants qui étudieront aux Annonciades seront plus sensibles à l’histoire et au patrimoine que d’autres ?

Emmanuel Jolivet : Nous l’espérons tous ! Il est évident que le cadre n’est pas neutre. Dans notre projet de l’enseignement catholique la recherche du « bien commun » est essentielle. Cette quête doit se faire dans un cadre porteur, empreint d’écologie intégrale, dans le respect de notre « maison commune » (cf. lettre encyclique du Pape François « Laudato si »). Nul doute que cette école, dans ce cadre d’hier, peut rassembler les atouts éducatifs pour la formation des jeunes d’aujourd’hui en pensant à la société de demain.

La Gazette du Patrimoine
 : Pourquoi avoir voulu changer le nom de l’école ?

Emmanuel Jolivet : Je pense avoir répondu plus haut : Nous avons vraiment un souci de conservation du patrimoine dans sa globalité. Le changement de nom est une évidence qui s’impose à nous pour conserver le patrimoine immatériel des lieux.

La Gazette du Patrimoine : Combien de temps ont duré les travaux de réhabilitation ?

Emmanuel Jolivet : Le Covid-19, s’est invité dans le calendrier. Mais les travaux devraient durer 9 mois en tout. 9 mois de gestation pour une belle (re)naissance. Avec une rentrée des élèves à Toussaint 2020 : c’est un beau symbole !

La Gazette du Patrimoine : C’est une seconde vie pour le couvent des Annonciades, qu’éprouvez-vous à l’idée d’offrir un avenir à ce patrimoine ?

Emmanuel Jolivet : Là aussi, j’ai répondu plus haut… Nous ressentons le sentiment d’agir comme il se doit pour Villeneuve-sur-Lot, pour ses jeunes, pour ses habitants, pour son patrimoine avec des entreprises et des acteurs locaux heureux, eux aussi, d’œuvrer pour la Cité.

Une énergie devient des énergies qui deviennent une synergie qui nous permet de réaliser de belles choses.

Liens utiles 

http://www.institution-sainte-catherine.fr/
http://ecolejeannedarcvilleneuve.over-blog.com/

Ecole sainte Jeanne d’Arc (future Sainte-Jeanne-de-France)
Chef d’établissement 1° degré : Madame Elisabeth Richard
Tel : 05 53 70 08 64

Crédits photographiques :
Photos 1-3-4-5 :Emmanuel Jolivet
Photos 2-6 : Annonciade Info