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Juin 2020


TALMONT-SUR-GIRONDE
FIGURE DE PROUE DE l'ARCHITECTURE ROMANE SAINTONGEAISE

François Hagnéré 


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François Hagnéré est historien de l'art et de l'architecture, traducteur/interprète. Spécialiste de l'architecture religieuse. Fervent défenseur du patrimoine, il est délégué de l'association Urgences Patrimoine pour la Charente-Maritime où il a contribué à la sauvegarde d'églises en péril. Il est notamment intervenu à Loire-les-Marais, Moragne, Port-des-Barques, Ligueil et La Laigne. Il a publié des milliers d'articles (sur des sites spécialisés, sur sa page Facebook personnel et la page qu'il y a aussi créée « Patrimoine de Charente-Maritime » dont chaque article reçoit à chaque fois des dizaines de milliers de « j'aime »). Il a ainsi permis de faire mieux connaître le patrimoine par des textes très détaillés et professionnels accompagnés de photos de qualité et de ce fait contribuer à sa sauvegarde, en recherchant à chaque fois l'originalité. Il a écrit de très nombreux articles sur La Fayette, le Héros des Deux Mondes. Auteur du livre-guide bilingue Français/Anglais La Charente-Maritime pour les Curieux, de Émouvantes églises de Rochefort-Océan (également bilingue) et de "Geay, mémoires d'un village saintongeais" (ce dernier en collaboration avec JF Denéchaud) aux éditions Le Passage des Heures à Saint-Savinien. Reconnu pour ses compétences, il a fait l'objet de nombreux articles dans le journal Sud-Ouest, le magazine Rochefort-Océan et d'interviews sur Demoiselle FM suite aux chantiers de restauration d'églises et stage de maçonnerie médiévale qu'il a initiés sur le département, aux publications de ses ouvrages et à la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris. Il a, par ailleurs, été en contact étroit avec plusieurs députés locaux et sénateurs à ce sujet dont Monsieur Daniel Laurent. Il a même fait une chronique radiophonique sur le patrimoine à l'été 2018 sur Demoiselle FM et sur France Bleue La Rochelle. Il a également été guide à la Maison de Pierre Loti à Rochefort où il était très apprécié pour son élocution facile, son sens de l'Histoire et son érudition. Il a aussi travaillé au Musée Hèbre de Saint-Clément. Il est par ailleurs, féru de botanique, grand défenseur de l'environnement, de la nature et des animaux.

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Combien séduisant est ce village de Talmont-sur-Gironde (Charente-Maritime) aux maisons basses fleuries de rose trémières, éparpillées dans la verdure, au petit cimetière marin avec ses croix bousculées par les tempêtes, à l'église Sainte-Radegonde que son site exceptionnel a rendu partout fameuse.

Le bourg actuel est très ancien, ce n'était qu'un hameau de pêcheurs à l'époque de la ville portuaire du Fâ. Une fois ce dernier site abandonné, Talmont prendra de l'ampleur, les ruines du Fâ servirent de carrière pour l'embryon de village actuel. Il doit beaucoup au roi Édouard 1er d'Angleterre qui, en 1284, décide de faire de la presqu'île de Talmont une ville close anglaise en cherchant à calquer le plan d'une autre ville close d'Angleterre, Wynchelsea, dans le Sussex. De là le plan en damier dans lequel les rues se coupent à angle droit mais pas face à face, ce qui facilite la défense, même avec un contingent léger, et rend plus difficile l'intrusion de l'ennemi. Le village possède encore sur le front Nord, une enceinte urbaine flanquée d'une petite tour carrée en moellons dont les murs, d'une maçonnerie assez fruste, étaient directement établis sur le rocher, dont il suivait le contour. Lors d'une invasion espagnole en 1651, la plupart des courtines et flanquements sont détruits.

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La menace d'autres conflits amène la réparation des fortifications en 1706, sous la direction de l'ingénieur Claude Masse, qui a tant œuvré dans la région. Au XVIIIe siècle, les habitants reconstruisent leur maison sur les fondations des maisons médiévales, conservant ainsi le plan de base et le rocher qui aurait pu être fragilisé par des creusements de fondations dangereux.

Des pierres de lest étrangères à la région donnent un aspect inhabituel aux murs de la ville. La pratique du lestage des navires servait le temps d'une traversée, car un bateau à mi-charge aurait été difficilement gouvernable. Arrivés au port les marins délestaient le navire et les habitants se servaient des pierres apportées par les marins pour leurs constructions en cours. Autrefois port de commerce, la localité n'est plus qu'un port de pêcheurs où, entre les yoles, les vedettes de plaisance et quelques bateaux de pêche vont s'amarrer. Sa vocation touristique n'est plus à démonter, nous allons le voir.

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A l'époque médiévale, le bourg, établi sur un promontoire s'enfonçant dans la Gironde, constituait un point d'embarquement pour les pèlerins de Compostelle qui, venus par terre, continuaient leur chemin par mer, ou vice-versa. Ils s'arrêtaient pour prier dans le sanctuaire qui avait, au XIIe siècle, remplacé une vieille chapelle carolingienne. L'église avait, à l'origine, des dimensions beaucoup plus généreuses, mais les effondrements successifs de la falaise l'ont réduite à n'être plus aujourd'hui qu'un édifice tronqué. Des travaux de soutènement semblent heureusement l'avoir mise à l'abri de nouvelles catastrophes.

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Il ne reste donc plus de l'église qu'une abside et un chœur, un transept à absidioles et la travée orientale de l'ancienne nef, le tout d'époque romane. De hautes arcatures ornent l'abside, encadrant les fenêtres. Leurs colonnettes sont portées par des culs-de-lampe. Les piliers Est du carré du transept sont à ressauts et à colonnes engagées. Ils sont appuyés sur de grands socles circulaires. Les piliers Ouest sont des faisceaux compacts de huit colonnes. Sur ceux-ci, les chapiteaux sont d'un style assez fruste (courtes volutes ou palmette stylisées). A l'Est, outre les confrontations ou enchevêtrements habituels d'animaux fantastiques est figurée la légende de Saint-Georges délivrant du dragon la jeune princesse. Celle-ci porte une robe à longues manches tubulaires. La coupole sur pendentifs a été refaite. Les croisillons sont voûtés en berceau brisé. Les absidioles sont sobres. La nef est simplement couverte d 'un berceau brisé. En avant, une crypte-ossuaire est disposée perpendiculairement à l'axe de l'église.

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Le chevet est d'une élégante richesse avec ses contreforts-colonnes, ses grandes arcatures qui entourent les baies ou animent les surfaces pleines et la couronne de petites arcatures dont les colonnettes sont posées en délit. Des cordons de palmettes soulignent les différents niveaux. Les absidioles sont plus sobres.

Le bras Nord du transept est doté d'une véritable façade tournée vers le bourg. Elle comporte un portail entre deux arcatures, un bandeau de sept arcatures, une corniche et, comme au bras Sud, un oculus, ménagé dans le pignon. Sur les voussures du portail, sont figurés, de l'intérieur à l'extérieur, des anges adorateurs de l'Agneau, des acrobates faisant du « mains à mains » et un énorme lion hâlé avec une corde par une suite de personnages. Sur l'arcature de gauche, s'opposent d'inquiétants crocodiles, tandis que, sur le bandeau, une femme es allongée vis-à-vis d'un monstre à crinière. Le sujet du tympan est illisible. L'arcature de droite ne comporte que des rinceaux. Parmi les chapiteaux figure, à gauche, la danse de Salomé.

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Longtemps méconnu, le roman saintongeais s'apparente naturellement à celui du Poitou et de l'Angoumois, mais il s'en distingue par le dessin de ses façades et les thèmes principaux de sa sculpture. Les façades sont directement inspirées par l'ordonnance des arcs de triomphe de l'Antiquité. Sainte-Radegonde de Talmont-sur-Gironde comporte un porche central flanqué de deux baies aveugles, et une rangée d'arcatures à l'étage. Une façade comportant trois portails devrait logiquement déboucher sur une nef centrale et deux bas-côtés, comme dans les grandes églises gothiques. Mais dans les églises saintongeaises, la nef est le plus souvent unique, car, à quelques exceptions près, ces édifices ont des dimensions modestes.

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Leur sculpture est spécifiquement romane par l'inspiration. La pierre du pays, à la fois assez tendre et résistante, a permis aux artistes de la région ou à ceux de passage, de donner libre cours à leur faculté de création en traitant les grands thèmes de ce que le chanoine Tonnelier a appelé «le sermon saintongeais» : la parabole des Vierges Sages et des Vierges Folles, le Combat des Vertus et des Vices, les Vieillards de l'Apocalypse, qui incarnent la vie éternelle, l'Agneau Pascal et Saint-Georges terrassant le dragon. Cependant, «le récit n'est pas dramatique. Le ciseau a taillé, pour le transmettre, un délire d'images plaisantes. Il y a des monstres et des acrobates, des baladins et des paysans au travail, des grotesques et des fous» comme le dit Jean Prasteau.

Talmont-sur-Gironde est à 17 km de Royan, 56 km de Rochefort et 123 km de La Rochelle et de Bordeaux.

L'auberge Le Promontoire, rue de l'ancien château, le restaurant-bar La Brise, rue de la Porte de ville et le restaurant Les Délices de l'Estuaire, grande rue du port sauront vous régaler des spécialités locales et de fruits de mer.

Crédits photographiques : François Hagneré