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Photo du rédacteurAlexandra Sobczak

Aunay : après la sidération, place à l’action

Dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 décembre 2021, le discret et élégant château d’Aunay-les-Bois a brûlé.



Ce spectaculaire sinistre a été suivi en direct par la presse. Il n’est pas question ici de revenir sur un récit maintes fois relaté, mais pour faire un état des lieux des premières actions envisagées par Jean-David Desforgesqui souhaite s’engager pour la sauvegarde de cet édifice qui lui est familier.


Jean-David Desforges est archéologue du bâti, avec de multiples interventions à son actif sur des restaurations de Monuments Historiques ornais et des chantiers d’archéologie préventive, dont une intervention à Aunay dans le cadre d’une mission d’inventaire et de valorisation du patrimoine.


Ce qui m’intéresse, c’est l’après, et ce que je peux faire. Comment un archéologue du bâti, qui par ailleurs connaît bien l’édifice, peut réagir face à un tel événement ? Je vais droit au fait, rejoignant Steve de Romanet, fils du propriétaire, avec cette formule prononcée avec une belle énergie : « On est choqué, mais pas à terre ! » De là, proposer un bénévolat de compétence pour la suite est une évidence : archéologie, recherche documentaire, assistance à maîtrise d’ouvrage, mise à disposition de réseau, promotion du chantier et du site. Les pistes sont nombreuses, d’autant que j’ai engrangé de la matière et une amorce d’étude sous le coude.



Premier réflexe : plonger dans les archives photographiques qui remontent aux années 1990. Celles-ci sont dans ce service…, celles-là ici… Les dernières, c’est juste à la veille de la crise sanitaire... Le fonds s’avère d’autant plus précieux que je constate que les médias ne publient aucune image d’Aunay avant l’incendie ! Comment les exploiter ? Les techniques ont beaucoup évoluées en 25 ans. On déformait alors des tirages papiers à la photocopieuse pour réaliser des élévations plus ou moins précises, ou on assemblait les photos pour obtenir des vues en œil de poisson…, un moyen d’avoir des vues d’ensemble très détaillées. L’informatique et la photographie numérique offrent maintenant des possibilités d’orthophotograhie, de modèles 3 D.



Donc, dimanche 12 décembre, j’ai réalisé une couverture photographique de l’extérieur du château. L’air est encore chaud, et l’appareil le capture au-dessus des ruines d’Aunay (je n’aurai jamais imaginé écrire cette phrase…). Charpentes et solivages sont amoncelés sur les sols, avec les gravats des cheminées, de la couverture… des centaines de mètres carrés d’ardoise. Les gouttières pendent en tous sens ou se dressent encore quand les charpentes ont disparu. Le château a des allures d’usine. Les volets sont partiellement consumés. Des braises se raniment avec le vent. Des flammes reprennent. Des matériaux tombent, ponctuant la séance de relevés photos. Je ne sais pas encore que ce sont les caves qui commencent à céder sous le poids accumulé. Dans le silence, je fais le tour à distance de sécurité de cette immense cheminée qui craque. Parfois un tir de chasseur ou un moteur lointain arrachent l’observateur à cette vision hypnotique.




Le temps est aussi changeant, et me permet des prises de vues un peu plus esthétiques. En fin de journée, je rejoins Steve de Romanet. Il me raconte que lors de la première discussion avec l’Architecte des Bâtiments de France évoquant sur le site une reconstruction à l’identique du château… deux cheminées s’effondrent, entraînant les murs internes. Mauvais présage ? Le scénario se dessine dans nos échanges. Ce qui reste vertical devra être étayé après refroidissement et déblaiement, les cheminées frettées, les baies étançonnées. Certaines parties devront être démontées. Le travail devra se faire à la nacelle, par sécurité.


Ce sinistre est l’occasion aussi d’appréhender la vie de ce monument. Deux majestueux pignons se dressent encore à l’intérieur : ce sont les murs du logis du XVe siècle, ou peut-être plus ancien. Enveloppé par le château de la fin du XVIe siècle, il n’était plus perceptible que par les habitants et les connaisseurs. Maintenant, il est à nu… en espérant qu’il tienne. Aunay, c’est au moins mille ans d’histoire. En contre-bas, on voit la motte castrale, puis à mi-pente, sur un replat, une enceinte fossoyée qui n’est pas sans évoquer le site d’une maison forte, puis là, en bord de plateau, sous les décombres, le château dont on est sûr qu’il se dresse ici au moins depuis le XIVe siècle.


Les étapes à franchir pour sauver Aunay sont nombreuses, mais cela peut se faire. Cette opération mettra en œuvre les dimensions humaines propres et multiples à ce monument, qu’elles soient passées, présentes, à venir. Alors que la chaleur se dégage encore d’Aunay, je me rends compte que ce château, bien que sinistré ou parce qu’il est sinistré, joue toujours son rôle de patrimoine commun : il nous amène à créer des liens. Dans les semaines à venir, une association dédiée à la reconstruction du château d’Aunay naîtra. D’autres bénévolats de compétence s’ajouteront à ceux déjà engagés, j’en suis sûr !



Jean-David Desforges

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