À l’occasion de notre « Tour de France » des démolisseurs, nous vous présentons aujourd’hui une liste non exhaustive de patrimoines hôteliers qui subissent de plus en plus les assauts des pelleteuses. Une fois encore, nous nous étonnons du nombre grandissant de ces démolitions qui touchent la plupart du temps des édifices emblématiques, pourtant sacrifiés au profit de projets immobiliers. Ils étaient parfois centenaires, d’autres, pour les plus récents, dataient des années 50, mais tous jouaient un rôle prépondérant, aussi bien dans le cœur des clients que dans celui des villes.
Certes, dans le cadre de la redynamisation des centres-villes et notamment des centres anciens, il faut sans doute augmenter l’offre locative, mais s’agissant de villes à valeur touristique et patrimoniale, diminuer l’offre hôtelière intra-muros s’avère être une grosse erreur.
Nous assistons ici au même phénomène que pour le commerce de proximité, délaissé au profit des offres des grandes enseignes situées en périphérie de ville. De nombreux hôtels se partagent des espaces dans ces zones commerciales déshumanisées et qui semble profiter à tous, sauf à la dynamique souhaitée en cœur de ville. Résultats, les touristes passent une nuit ou deux, mais ne s’arrêtent pas et, surtout, ne consomment pas.
Détruire un hôtel restaurant du XIXème siècle pour faire un parking ou construire un immeuble semble aller totalement à contresens d’une quelconque dynamisation en faveur du tourisme et de l’économie de nos centres-villes.
Alors, certes, la construction d’immeubles permet de loger des personnes, mais à part le moment des travaux, le processus ne créera pas d’emplois et ne participera pas à l’essor économique ni à une quelconque dynamique. N’oublions pas que faire d’une ville une « cité dortoir », c’est la conduire à sa perte.
Mais à qui la faute ? Aux promoteurs sans doute, avides de ces précieux terrains sur lesquels ils peuvent empiler des dizaines d’appartements, vendus parfois à prix d’or en fonction de la situation géographique. Mais ce ne sont pas les seuls coupables. En effet, si la clientèle était moins consommatrice de « design », nos hôtels au charme suranné de province auraient le succès qu’ils méritent, et ne finiraient pas en tas de gravats. Car de nos jours le client veut du « moderne », du lisse, du fonctionnel et le confort d’un lit XXXXXL, ce que n’offrent pas toujours les petits ou grands hôtels indépendants de centre-ville.
Pourtant, une chambre vue mer, meublée dans le style art déco ou un hôtel en pleine campagne meublé avec du mobilier ancien c’est bien plus en harmonie qu’avec un décor signé Ikéa.
Enfin, un dernier facteur, et pas des moindres, s’est invité au débat : Airbnb. Tout le monde de nos jours peut jouer les hôteliers « du dimanche » en toute impunité, ou presque. Et, maintenant, l’on peut même louer un bout de jardin à des campeurs, là aussi en toute légalité, sans se préoccuper de la concurrence faite à une profession aujourd’hui à bout de souffle à cause de la Covid-19. Certes, cet été l’on vous aura conseillé de visiter la France, mais on a oublié de préciser qu’il fallait aussi aller dans des hôtels pour donner un peu d’oxygène à des hôteliers et à des restaurateurs placés sous « assistance respiratoire », par le truchement de quelques mesurettes gouvernementales.
Pour cet article, nous avons dix exemples d’hôtels ou d’hôtels restaurants démolis depuis le début de l’année 2020. Mais si la prise de conscience n’est pas rapide, voir instantanée, combien d’établissements situés en plein cœur des villes et des villages subiront le même sort dans les années à venir ?
C’est souvent avec beaucoup de nostalgie, voire d’émotion que certains assistent à la démolition de ces petits patrimoines qui ont fait l’histoire locale. Mais, à ce rythme-là, c’est l’hôtellerie « traditionnelle » que nous évoquerons bientôt avec nostalgie, en réservant notre séjour de rêve… sur une plateforme en ligne…
La France, le pays des contradictions ?
Sans doute. En tous les cas, il est urgent que tous ceux qui signent des rapports ou autres livres blancs afin de trouver quelque solution pour ne pas voir mourir nos communes de France commencent à se poser de vraies questions, celles qui leur permettrons d’avoir enfin de vraies réponses et de mettre en œuvre (peut-être) des mesures concrètes.
La première mesure n’étant certainement pas de développer le foncier à tout prix, sinon ce sera « terminus » pour les centres-villes.
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