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Alors que l’arrière-pays Niçois est encore en partie coupé du monde, une jeune fille originaire de Tende a décidé d’agir pour le patrimoine de son village en pensant « au monde d’après ». Certains verront là une démarche prématurée, alors que les défenseurs du patrimoine y verront un geste symbolique et plein d’avenir. D’autant plus symbolique qu’il est initié par une très jeune personne.



Ce sera donc un plaisir et un honneur pour Urgences Patrimoine d’accompagner Aurélie Bénedetto dans ses projets de restaurations et de réhabilitations du patrimoine de Tende, notamment à travers notre opération Solidarité Patrimoine.



Aurélie Bénedetto est une jeune étudiante en master d’Histoire originaire de Tende et souhaitant aujourd’hui mettre sur pied un projet visant à sauver son village victime de la tempête Alex du 2 octobre 2020. En sauvant le patrimoine de Tende, elle espère insuffler un nouvel élan touristique susceptible d’attirer les visiteurs dans son village et ainsi faire reprendre l’économie particulièrement mise à mal depuis quelques années dans la haute Roya. Aurélie nous présente son action :

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Alors que les discussions concernant l’avenir de la vallée de la Roya s’accélèrent un peu plus chaque jour, cinq mois après la catastrophe du 2 octobre 2020, la situation sur place n’a pas évolué de la même façon pour tous les villages de cette vallée « encaissée ».



Alors que le village de Breil-sur-Roya trouve une échappatoire vers la méditerranée par le Col de Brouis, le reste des villages de la vallée reste soumis à des convois ayant lieu trois fois par jour, pour aller se ravitailler autant que faire se peut sur le littoral.



Malgré ces convois, la situation est loin d’être revenue à la normale pour tous les villages de la vallée, le hameau de Casterino étant encore à ce jour pratiquement coupé du monde. Alors que la ligne de chemin de fer Cuneo-Nice (initialement vouée à disparaître car jugée trop peu rentable aux yeux de ses exploitants) semblait être devenue la meilleure voie d’accès vers cette vallée sinistrée, voilà qu’un glissement de terrain, lié aux fortes intempéries d’octobre, menace d’emporter le pont de Fontan, crucial pour le passage du train dans la vallée.

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Le tunnel du col de Tende, vieux de 138 ans, est l’autre grande victime de cette catastrophe et renforce d’autant plus la condition d’enclavement des villages de Vievola et Tende. Cet important axe routier, où passait il y a seulement quelques mois des milliers d’automobilistes italiens descendant sur la Côte d’Azur, ne se résume aujourd’hui qu’à une gigantesque gravière ayant d’ailleurs avalée une majeure partie du hameau de Vievola.



Si cette catastrophe semble poser énormément de questionnements quant à la remise en place d’un accès terrestre jusqu’à ces villages de la haute Roya, la grande interrogation de la continuité et de la relance économique de ces villages sera primordiale dans les mois et années à venir.

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Étant une enfant du pays, j’ai passé l’intégralité de mon enfance à Tende, village dans lequel ma famille y était établie depuis 1919, date à laquelle mon arrière-grand-père décida d’ouvrir sa propre boulangerie. Comme beaucoup de personnes du village, j’ai grandi entourée de ce patrimoine, de ces traditions et de ce folklore dont je n’ai compris la singularité qu’en grandissant. Mes études d’Histoire m’ont également poussé dans cette direction et m’ont amené à m’interroger sur le potentiel touristique de ce village si particulier.



L'histoire de Tende prend racine au dernier quart du 1er siècle avant J.C, lors de la conquête de la Gaule Cisalpine par Auguste. Le nom de « Tende » provient d'ailleurs très probablement du terme italien « Tenda » signifiant « tente », faisant donc allusion au campement établi par les troupes romaines à cette époque-là. Alors que le village appartient au comté de Vintimille depuis le XIe siècle, en 1261 Guillaume-Pierre I de Vintimille épouse Eudoxie Lascaris, sœur de l'empereur grec d'Orient, Jean IV Lascaris, donnant ainsi les Lascaris de Vintimille. Cette alliance laisse des traces encore visibles aujourd'hui puisque c'est grâce à elle que le village arbore sur son étendard l'aigle à deux têtes du grand Empire Byzantin. De ce mariage naît Béatrice Lascaris (1370-1418), héroïne éponyme de l'opéra de Bellini Béatrice de Tende retraçant sa vie. En 1574, la maison de Savoie acquiert le village et le garde jusqu'en 1861 où Victor-Emmanuel de Savoie devient Roi d'Italie. Tende devient donc une bourgade italienne à ce moment-là. Finalement, le village ne sera rattaché à la France qu'en 1947 par le traité de Paris avec les communes de la Brigue et de Saint-Dalmas, faisant de cet espace le dernier à intégrer la République Française. De tout temps, Tende a été un lieu de passage important puisque la vallée de la Roya relie le Piémont italien à la Ligurie. Ancienne Route du Sel, aujourd'hui la vallée de la Roya représente un axe européen majeur reliant l'Italie du Nord au Sud de la France. 



Par ce bref résumé historique, il est facile de comprendre toute la portée et l’importance que doit avoir le tourisme dans un lieu aussi chargé d’histoire. Il serait d’ailleurs compliqué de faire une liste des monuments s’y trouvant tant elle serait longue entre le réseau des fontaines et lavoirs, la Collégiale, les chapelles des pénitents ou encore les ruines de l’ancien château.

Bien que pour certains mon projet de relance économique par le biais du tourisme puisse paraitre prématuré, je pense au contraire qu’il tombe à point nommé. Et pour cause : pour la première fois depuis des décennies, la France redécouvre que sur son territoire se trouve un petit espace transalpin nommé Tende, français que depuis 73 ans ! Quelle stupeur ! C’est aussi la première fois en 73 ans que mon village est autant médiatisé, certes pour de mauvaises raisons. Mais pour la première fois depuis si longtemps, nous nous sentons enfin entendus et vus. Pour la première fois aussi, nous découvrons toute l’ampleur du mot « solidarité » et le sentiment d’appartenir à une nation unie qui du fin fond de la Bretagne ou de l’Alsace fait parvenir jusqu’à nous une aide spontanée et désintéressée.



Même si la priorité absolue reste l’urgence humaine, je crois profondément en l’idée que penser l’avenir est un moyen important de garder espoir et de continuer à se battre. Les Tendasques se battent d’ailleurs au quotidien pour rester à Tende malgré les difficultés actuelles, le difficile accès à la côte ou encore la désertion des commerces dans le village. Malgré tout, ils restent parce qu’ils aiment pleinement Tende, parce que c’est chez eux. À mon tour, je veux apporter ma pierre à l’édifice et participer au « Tende de demain ».

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Tende est déjà un village qui vit du tourisme, notamment celui de la vallée des Merveilles et du parc du Mercantour dans lequel nous nous situons. Cependant, je crois au potentiel du centre historique et médiéval du village. Si nous favorisons un tourisme au cœur même de Tende, c’est toute l’économie du village qui pourrait en bénéficier. En outre, aux vues de la conjoncture actuelle, la commune n’est plus en mesure d’assurer la reconstruction de ses infrastructures et encore moins de pourvoir à la rénovation de son patrimoine. C’est pourquoi, j’ai lancé dès le mois de novembre une cagnotte dans l’espoir de sauver mon village natal, cagnotte ayant récolté 1920 euros au total. Même si cette somme nous permettra de rénover quelques petits édifices, notamment la fontaine du Bourg Neuf ayant échappé de peu au torrent de la Roya, il tombe sous le sens que nous avons encore besoin d’aide pour remettre en état l’ensemble du patrimoine du village.


Souvent, j’entends les Tendasques dire que le patrimoine du village n’est pas mis en valeur et reconnu comme il devrait l’être. Par cette action, j’espère enfin pouvoir les voir fiers et heureux d’un village ayant retrouvé sa splendeur d’antan.

  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 2 mars 2021
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Né à Saint-Malo en 1991, Eric Cordé montre très tôt de fortes dispositions pour le domaine artistique et plus particulièrement pour la Musique. Il entre au Conservatoire Claude Debussy de St-Malo à l'âge de 4 ans, en débutant par le chant choral. Après avoir étudié le Cornet durant 3 ans avec Philippe Leman (élève de Maurice André), il entre dans la classe d'orgue du Conservatoire de Saint-Malo à l'âge de 9 ans, classe alors dirigée par Cécile Collin-Paris (élève d'André Fleury). Il y obtient son CEM avec mention Très Bien en 2013. Très tôt attiré par l'Improvisation, il cultive cet art en autodidacte, tout en ayant reçu les conseils de Loïc Mallié (titulaire de la Trinité à Paris, élève d'Olivier Messiaen). Ayant très à cœur de mettre en avant les musiques des XXe et XXIe siècles, il consacre une grande partie de ses programmes autour de ce répertoire, il est aussi dédicataire d'œuvres composées par Julien Bret, Jean-Charles Gandrille et Christopher Gibert. Organiste titulaire de l'église Anglicane Saint-Bartholomew de Dinard depuis 2015, il est également organiste de la Cathédrale de Dol de Bretagne depuis 2011. Soucieux de parfaire ses connaissances en facture d'orgue, il effectue des stages, notamment auprès de Alfred Poeschl et Michel Formentelli, devenant ainsi un collaborateur régulier de ce dernier. Par ce biais, il eut l'occasion de participer à des chantiers sur des orgues historiques tels que ceux d'Arbois (Jura), Cuers (Var), Chiaravalle (Italie), mais également sur l'installation du grand instrument de Samoëns (Haute-Savoie).



Il est l'un des très rares organistes Français à pratiquer l'Orgue de Cinéma. Il a dirigé la parution d'un CD autour d'enregistrements historiques de l'orgue et de l'orchestre du Gaumont-Palace de Paris (Rendez-vous au Gaumont-Palace, aux éditions Hortus), et travaille actuellement à l'édition d'un livre sur l'histoire de cet orgue, dont il est un des spécialistes. Il a codirigé en 2015 la rédaction d'un livre sur l'organiste de cinéma et facteur d'orgue Marc-Etienne (Marc Etienne, organiste de cinéma, Société Archéologique de Béziers, 2015). Il a rédigé également plusieurs articles autour de l'Orgue de cinéma pour des revues spécialisées françaises et étrangères.En parallèle de ses activités musicales, il a obtenu une Licence et une Maîtrise d'Histoire de l'Art (dont le sujet était Les Buffets d'Orgues en Bretagne au XVIIe et XVIIIe siècle), à l'Université de Rennes 2. Il est actuellement professeur d'Education Musicale dans les collèges de Dol-de-Bretagne, Plouër-sur-Rance et Combourg.



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Il y a quatre ans, presque jour pour jour débutait l'un des projets les plus étonnants que j'ai pu connaître. Il y a quatre ans, je m'embarquais dans un projet patrimonial et musical, sans véritablement me rendre compte de ce qu'allait me réserver cette longue aventure.



Tout cela débute en l'année 2016, grâce à un simple message d'un contact anglais m'informant de la cession gracieuse d'un petit orgue anglais. Un de plus parmi d'autres, tant cela est monnaie courante sur le territoire Britannique. Les opérations immobilières favorisent bien plus les barres d'immeubles que le vieux patrimoine religieux, et les démolitions (ou réhabilitation) d'églises et de chapelles se font à un rythme effréné en Angleterre, d'où la cession gratuite ou à peu de frais de très nombreux orgues à tuyaux.

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Cette information, aurait très bien pu passer à l'as dans ma mémoire, si je n'avais pas appris l'endroit où se trouvait l'instrument et les conditions de cessions de l'orgue. Trois mots attiseront ma curiosité : SEVERALLS HOSPITAL COLCHESTER



L'un des plus fameux hôpitaux psychiatriques abandonnés d'Angleterre, situé dans le Comté d'Essex. L'information est suffisante pour hanter mon esprit et me décider à prendre plus d'informations sur le sujet.



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Le Severalls Hospital, cet immense campus psychiatrique, est condamné à la démolition. Seuls quelques bâtiments seront conservés, mais la chapelle doit disparaître, malgré de nombreuses tractations sur la place pour la sauver.



En guise de souvenirs, le sauvetage de 3 éléments de la chapelle sont proposés à qui souhaite les démonter : les 3 beaux vitraux colorés du chœur, la cloche et enfin l'orgue. La seule condition de la cession gratuite de ces éléments est de les évacuer de la chapelle avant la démolition prévue pour Décembre 2016/Janvier 2017. Après quelques informations prises auprès des personnes responsables et une visite préalable sur place, le coup de cœur est total. D plus l'orgue est totalement disponible, car je suis finalement la seule personne à s'être manifestée.



C'est ainsi que je me suis lancé dans cette aventure de sauvetage (la première de mon parcours). Encore fallait-il trouver l'endroit adéquat pour le réinstaller, car sauver et démonter un orgue est une noble chose, mais le remonter ailleurs est une autre affaire !



C'est alors qu'un heureux concours de circonstances (ou, devrais-je dire, la destinée) me fit rencontrer une récente association (Orgues Rive Gauche) qui souhaitait enrichir le parc instrumental des orgues de la Rive Gauche de la Rance (arrondissement de Dinard, en Côte d'Emeraude). J'ai alors proposé l'idée du sauvetage de ce petit orgue, ce qui a soulevé immédiatement l'enthousiasme. Très vite, j'ai suggéré l'installation de l'instrument en l'église Saint-Clément de La Richardais (cette charmante petite ville en bord de Rance, à proximité de la fameuse usine marémotrice, plus connue sous le nom de Barrage de la Rance).



Cette église est connue pour sa riche décoration de l'après guerre. En témoignent ces grandes peintures murales que nous devons à Xavier de Langlais (1906-1979), artiste connu pour son appartenance au mouvement des Seiz Breur, ou ces vitraux du maître-verrier Max Ingrand (1908-1969). Cette ample église, dépourvue d'orgue depuis son origine, semblait être l'écrin idéal pour le petit orgue anglais de Colchester. L'idée était d'autant plus séduisante que cette église et cette ville sont intimement liées à un grand musicien et organiste breton, nommé Jean Langlais (1907-1991). Ce musicien Breton, né à La Fontenelle, gardera toute sa vie un fort attachement à sa Bretagne natale, et malgré ses multiples activités de professeur et de concertiste qui le conduiront de par le monde, il passera tout ses étés dans cette toute petite maison qu'il possédait au cœur du bourg de La Richardais. L'occasion était donc belle, à la fois d'enrichir le parc instrumental et de rendre hommage à ce grand organiste aveugle. Restait à proposer le projet à la Mairie de La Richardais et à Monsieur le Maire, Pierre Contin, qui fut immédiatement séduit par l'idée et qui donna son feu vert.



Depuis quelques années, la Bretagne connaît un enrichissement de son patrimoine organistique grâce au sauvetage de plusieurs de ces instruments venus d'Angleterre. Certains critiqueront peut-être cette politique de sauvetage et « d'envahissement » d'orgues anglaises dans le département. A mon humble avis, il est plus intéressant de sauver et proposer un bel instrument de qualité à une paroisse bretonne, plutôt que de le vouer à la benne à ordure. Ce dernier mot est violent, mais tel est le cas de nombreux instruments anglais. D'autant que chaque orgue a son histoire et son charme, et comme une véritable personne, il peut devenir fort attachant. Il arrive même, parfois, que l'on peine à appréhender pleinement un orgue, tant celui-ci peut garder jalousement ses secrets. L'orgue de Colchester ne fait pas exception à la règle : je dirais même qu'il la sublime ! Jamais un orgue ne fut autant retors à se dévoiler et à se laisser faire.

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La grande chapelle du Severalls Hospital, tout comme la grande majorité des bâtiments du campus, fut construite entre les années 1910 et 1913, dans un style tout à fait Édouardien. Malgré la taille de l'édifice, digne d'une grande église de centre-ville, nous avons affaire ici à un petit orgue dont les origines sont encore bien floues, si bien que, pour le moment je n'ai pu rassembler que quelques pans de son histoire. Une date et un nom sont avérés : 25 Mai 1935, Cédric Arnold.



Cette date précise, cachée sur le cadre intérieur du clavier, permet d'affirmer des travaux assez conséquents par Cédric Arnold (facteur d'orgue basé à Thaxted, Essex). Mais qu'en est-il de sa date de construction ? 1935 ? Rien n'est moins sûr. Un premier coup d'œil sur l'orgue avant démontage, puis l'analyse lors-même du démontage, permettent de retirer la paternité pleine et entière de l'orgue au facteur d'orgue de Thaxted, bien que celui-ci ait allègrement apposé son nom à plusieurs endroits (2 cartouches au niveau de la console, graffiti à l'arrière du pupitre).

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Plusieurs éléments de construction et de conception, confirmés par le facteur d'orgue Roger Pulham et John Norman, conduisent à penser que cet instrument pourrait être dû à la grande manufacture Hill Norman and Beard. Quant à la date de construction de certains éléments, il est fort possible que ce soit aux alentours des 1916, c'est-à-dire dans les toutes premières années de cette grande manufacture, aujourd'hui disparue. Il est envisageable que Cédric Arnold ait pu récupéré un orgue dans une autre église, pour le « remodeler » en 1935 et ainsi le proposer à la chapelle du Severalls Hospital de Colchester. Il y laissa en tout cas sa marque au niveau technique et instrumental. C'est évident lorsqu'on compare cet orgue à d'autres orgues de sa production. L'on peut conclure, ainsi, que la console du clavier est clairement de sa main. L'autre hypothèse pourrait être qu’Arnold récupéra plusieurs éléments épars d'orgues (peut-être en piochant dans son stock d'atelier ?) — certains provenant de chez Hill, Norman and Beard — pour l'inclure dans un nouvel instrument. La question reste ouverte.


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Mais alors, l'orgue était-il présent dès 1913 dans la chapelle de l'hôpital ? Ou bien a-t-il été installé en 1935 par Arnold ? La découverte récente de quelques informations laisserait entendre qu'il n'y eut aucun instrument dans la chapelle jusqu'en 1935, bien qu'un plan daté de 1913, estampillé par les architectes Frank Whitmore et William Town, indique clairement l'emplacement d'un orgue dans l'alcôve du bas-côté Sud du chœur, exactement au même endroit où se trouvait l'instrument actuel.



Une autre date, découverte sur la première touche du clavier, indique aussi une intervention en 1952, sans plus de précisions sur sa nature ni sur l'auteur. Encore une autre énigme. Qu'en est-il aussi de ces deux émouvants graffitis, savamment cachés à l'intérieur du pédalier, dévoilant les noms de « Colin and Fred, 1972 » ? Etait-ces des facteurs d'orgues ou bien des patients de l'hôpital ayant participé à des opérations de nettoyage de l'instrument ? Une énième énigme s'ajoute à la liste.



Toujours est-il que ce petit orgue fit son service régulier dans la chapelle et ce jusque dans les années 1980 environ, pour ensuite tomber progressivement dans l'oubli. Il est bien difficile de trouver des témoins locaux quant à l'utilisation de l'instrument à la grande époque de l'hôpital. Trouver des organistes témoins est une tâche encore plus ardue. Mais, grâce au facteur d'orgue Roger Pulham, un organiste se manifesta, Michael Colleer. Celui-ci a joué sur cet instrument dans les années 1940, et il en conserve un très beau souvenir, en particulier grâce à la belle acoustique de la chapelle qui magnifiait l'harmonie de l'orgue.


En 1997, le grand hôpital psychiatrique Severalls ferme définitivement ses portes, mais la chapelle, elle, semble avoir perdu son usage premier bien des années auparavant. S'amorcent alors vingt longues années d'abandon, et le campus devient le terrain de jeu favori des chasseurs de fantômes et amateurs d'Urbex qui, à leur tour, céderont leur place aux engins de travaux.



Pour sauver à temps l'instrument et lui éviter une disparition inéluctable, il fallait donc agir vite et bien. Mais, passé l'enthousiasme des premiers instants, à l'heure de se lancer concrètement dans l'aventure, la liste des volontaires s'amenuisait au fil des coups de téléphones. Au final, l'équipe d'aventuriers-explorateurs se résumera à 2 volontaires : le facteur d'orgue Alfred Poeschl et votre serviteur. Fort heureusement, nous serons rejoints sur place par Roger Pulham, facteur d'orgue de son état, qui fit l'analyse préalable de l'instrument.



Après avoir débarqué à Portsmouth par le Ferry, 240 kilomètres nous attendaient, sans GPS, ni carte précise de la région de Colchester, au volant d'un camion de 7 mètres de long dans un pays où l'on roule à gauche. Nous n'étions qu'au début d'une aventure placée sous le signe des embûches et moult ennuis à répétition.



A notre arrivée sur le campus du vieil hôpital psychiatrique, nous vîmes que les travaux de démolition avaient déjà débuté : le grand parc et les immenses arbres avaient déjà en partie disparu. Les amas de gravats avaient pris le dessus, tandis que les chenilles des pelleteuses et les roues des camions bennes labouraient ce qui restait de végétation.



Pour compléter le tableau, il reste à évoquer la si fameuse pluie anglaise, qui acheva de rendre chaotique l'accès à la chapelle, en transformant ses abords en chemins boueux dignes du Camel Trophy. Mes chaussures rangers Caterpillar se souviendront encore longtemps de la boue anglaise.

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Nous avions tablé sur trois jours intenses de démontage, mais c'était sans compter la perte de temps incommensurable lors des discussions préalables au niveau technique et légale avec les responsables du chantier de démolition, qui exigeaient le port du casque, chaussures de sécurité (que nous n'avions pas) et diverses injonctions très contraignantes concernant le démontage de l'orgue en lui-même. À plusieurs reprises, il nous est arrivé de nous demander si ces ingénieurs avaient vraiment conscience de ce que nous étions venu faire à Colchester !



L'orgue avait été, entre temps, bâché pour la circonstance et l'on se demande encore bien pourquoi, l'instrument ayant connu plus de 20 ans de poussière et d'abandon. Une logique anglaise qui nous dépassa totalement.



Nous étions loin, très loin de nous imaginer l'ampleur de la tâche, en dépit de la taille (faussement) réduite de l'instrument ! Malgré des conditions difficiles, dans le froid, l'obscurité et malgré une piètre lumière fournie par un petit groupe électrogène que nous avaient gracieusement prêté les démolisseurs (et que les gardiens des lieux prenaient un malin plaisir à éteindre durant la nuit), nous continuâmes à travailler. Le fait de se retrouver dans le noir total au beau milieu d'un hôpital psychiatrique abandonné est une sensation qu'il faut avoir connue pour bien comprendre le mot « effrayant ».



Bon an, mal an, les embûches s'enchaînant, le temps s'écoulant, la fatigue s'accumulant et des murmures venus de nulle part se glissant jusqu'à nos oreilles, nous progressâmes non pas vers la folie, mais bel et bien vers notre but ! Bien que nous eûmes la certitude d'être parfois face à des forces invisibles décidées à nous entraver la route (la façade de l'orgue faillit me tomber sur le crâne et nos téléphones portables se déchargeaient à une vitesse folle), nous arrivâmes à nos fins !

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Après plus de vingt ans d'abandon, les détériorations étaient à craindre sur le petit orgue, mais nous fûmes très vite rassurés, car exceptée la disparition d'un grand et lourd panneau latéral en bois (on se demande bien comment les vandales ont pu s'en emparer et surtout aussi discrètement...), du cartouche en ivoire estampillé « Cédric Arnold » et des pommeaux de registres/jeux, le reste de l'instrument est en excellent état. Les tuyaux de façade ne sont même pas abîmés, ni salis par de quelconques fientes de volatiles. Nous avons affaire à un orgue robuste, solidement construit, avec une très belle qualité de tuyauterie, qui a elle seule méritait déjà d'être sauvée.



Nous n'avons malheureusement pas pu entendre l'instrument avant démontage. La turbine de l'orgue était pourtant belle et bien là, sa burette d'huile lui tenant encore fidèlement compagnie, mais que faire sans électricité ? Les vieilles pompes manuelles, du temps révolu des souffleurs d'orgues, ayant disparues depuis bien longtemps ! Malgré tout, en soufflant à la bouche dans plusieurs des tuyaux des différents rangs qui le composent, nous avons pu avoir une petite idée de sa voix, et nous gardons encore en mémoire l'ample sonorité des tuyaux de l'Open Diapason de façade, remplissant merveilleusement l'antique chapelle ou encore la sonorité tendue de la Gamba 8 ou la puissance du Principal 4 (ces termes fort abstraits qualifient différentes sonorités que l'on peu obtenir sur cet orgue).

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L'aide et la vigueur de quelques ouvriers du chantier ne furent pas de trop dans l'ultime phase du démontage, pour soulever et déplacer l'élément le plus lourd de l'instrument et le plus essentiel (que l'on nomme le « sommier », là où sont positionnés de façon très ordonnée tous les tuyaux de l'orgue).



Le camion n'étant pas assez grand, et donc au final littéralement rempli comme un œuf, nous avons dû nous résoudre à laisser sur place quelques éléments de boiserie de l'instrument, une décision difficile mais inéluctable. Toutefois, les éléments restés derrière nous sont ceux qu'un menuisier peut aisément recréer.





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Le 9 Novembre 2016 marque la date d'arrivée de l'instrument sur les terres bretonnes. Tout crasseux et épuisés que nous étions et grâce à une équipe locale très motivée incluant monsieur le Maire, nous remisâmes tous les éléments de l'instrument dans la seconde sacristie de l'église.



C'est alors que débuta la seconde phase du projet : celle de la restauration et de la réinstallation de l'instrument dans l'église de La Richardais. J'eus malheureusement la tristesse de perdre le contrôle du projet, une personne s'étant considérée comme plus compétente pour gérer la suite. Certaines générations ont énormément de mal à faire confiance aux jeunes...



Ma recommandation pour que l'orgue trouve place dans le chœur de l'église sera ainsi catégoriquement rejetée par certaines instances, alors même que son emplacement y était tout indiqué, pour des raisons de sonorité. Il fut donc décrété que l'instrument serait placé le plus au fond possible du transept Sud, l'une des pires situations acoustiques pour un orgue ; mais l'emplacement était optimal pour éviter toute gêne.


Par chance, je pus m'investir dans la restauration de l'instrument grâce à Alfred Poeschl qui eut la charge de ces travaux. Conscient du lien affectif que j'avais avec cet instrument et de notre expérience commune du démontage, nous travaillâmes en tandem, Poeschl allant jusqu'à me qualifier de « mémoire de l'instrument ». Il est vrai que les nombreuses photographies et croquis que j'ai réalisés lors du démontage nous aidèrent à remonter l'instrument de la façon la plus méthodique qui soit, malgré des pressions pour que les choses aillent le plus vite possible.



Il fallut attendre 4 ans, avant de pouvoir réinstaller l'instrument dans l'église. Quatre longues années sans pouvoir entendre l'instrument. Un travail minutieux, géré financièrement par l'Association Orgue Rive Gauche, avec la collaboration efficace et motivée de la Mairie de La Richardais, a permis à l'instrument de pouvoir enfin résonner dans l'édifice.



Étonnement : l'orgue s'intègre très bien au lieu et nous donne presque l'impression qu'il a toujours été là. Et c'est peut-être la meilleure des récompenses. Les nouveaux éléments de boiserie ont été soigneusement réalisés par le menuisier Michel Legendre, grand amateur d'orgues, qui donna bénévolement de son temps et de son savoir-faire pour confectionner ces boiseries dans le même esprit que les anciens éléments.


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Au cours de la dernière phase de restauration, qui est celle de l'harmonisation, moment où l'on donne la voix à chacun des 494 tuyaux de l'instrument, il fallut s'armer de patience pour donner la meilleure tessiture possible à ces vénérables rescapés. Au fur et à mesure, nos craintes quant à la sous-dimension du son de l'instrument par rapport à l'édifice disparurent face à l'excellente qualité des tuyaux et l'aspect très chantant de chacun des 8 registres sonores de l'instrument. Son emplacement défavorable en fond de transept est contrebalancé par une admirable harmonie. Le beau diamètre de chacun des tuyaux fait fi de cet obstacle acoustique pour notre plus grand bonheur. Nous sommes loin des sonorités agressives de certains orgues actuels. Bien au contraire, nous sommes face ici à un instrument dont la sonorité tend vers l'amplitude, le soyeux. Ses origines anglaises en font le parfait instrument pour accompagner les chants, les chœurs et autres musiciens solistes.



Il reste à souhaiter à cet instrument une longue vie en ce lieu et nous espérons qu’il ravira un grand nombre de musiciens. Que ses sonorités tout comme son histoire puissent toucher d'autre gens et d'autre musiciens. D'ici 25 ou 30 ans, lorsqu'un nettoyage général de l'instrument se révèlera nécessaire (comme c'est le cas pour tous les orgues), peut-être serai-je là pour voir les nouvelles générations s'affairer autour de ce vieux compagnon.



Eric cordé

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En 2020, Fabien Malavaud, un jeune homme de vingt-six ans, marié, un enfant, prend les rênes de la présidence du Conservatoire des Anciens Cépages de Saint-Pourçain. Originaire du département du Var, il s'est installé à Saint-Pourçain-sur-Sioule en 2019 après avoir exploité un domaine viticole à La-Londe-les-Maures près de Hyères sa ville d'origine.



Saint-Pourçain est un vignoble d'avenir d'après lui : "Authentique, à taille humaine, il reflète typiquement ce que les consommateurs recherchent de plus en plus, c'est à dire des vins de terroir, de qualité et au juste prix".



Fabien Malavaud a pour ambition de faire du Conservatoire des Anciens Cépages une vitrine pour le vignoble : "Mais une vitrine vivante !" insiste-t-il.



"Nous devons être plus visibles et mieux connus, la vente de La Cuvée du Conservatoire doit être développée car elle est un moyen de faire parler de nous".


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En plein cœur du Bourbonnais, dans le département de l'Allier, le vignoble de Saint-Pourçain, l'un des plus vieux de France, est depuis 2009 reconnu en Appellation d'Origine Contrôlée.



En 1896, le phylloxera a gravement touché et ravagé le vignoble de Saint-Pourçain. Les viticulteurs ont dû replanter en greffant sur des porte-greffes résistants à cet insecte. Il a fallu rechercher de nombreuses espèces.



C'est l’histoire de ce vignoble qui a poussé les vignerons de cette province royale à créer un conservatoire, afin de préserver certaines variétés de vignes aujourd'hui disparues au profit de cépages plus courants et plus adaptés à la vinification.



Disparues, pas tout à fait, puisque c'est sous l'impulsion d'une poignée de passionnés de la vigne - vignerons et amateurs - et d'anciens viticulteurs, et grâce à l'appui des élus locaux, que le Conservatoire des Anciens Cépages de Saint-Pourçain a vu le jour en 1995. Il est situé dans les dépendances du Château de Chareil-Cintrat. Véritable jardin de ceps à flanc de coteau qui surplombe le château, le conservatoire préserve la mémoire du vignoble Saint-Pourcinois.



Les cépages qui composaient autrefois les vins de Saint-Pourçain sont cultivés sur un peu plus d'un hectare. Au total, quatorze variétés de plants de vignes offertes par les pépiniéristes et les vignerons locaux sont cultivées sur les coteaux de Chareil-Cintrat: Le Saint-Pierre-Doré, le Meslier-Saint-François, le Melon et le Romorantin sont les cépages les plus anciens. A ceux-ci s'ajoutent l'Aligoté, le Pinot-Chardonnay, le Sauvignon, les Pinots Gris et Blanc, les Gamay Lyonnais et Beaujolais, Gamay et Chaudenay et le Pinot Noir. Avec une mention particulière pour le Sacy appelé Tressallier, cépage blanc purement local encore très utilisé sur le vignoble et qui fait la fierté des vignerons.



L'association entretient aussi la mémoire des anciennes méthodes de culture : plantations à "pessiaux" (échalas) ou à "paillas" (treilles lattées), vendanges à "la bacholle", et anime dans l'une des dépendances du château un lieu d'échange et de convivialité.

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Le fruit de cette récolte est valorisé chaque année avec La Cuvée du Conservatoire. Elaborée avec les cépages blancs, la première cuvée a vu le jour en 2007. Les vendanges sont exclusivement faites à la main et la récolte est vinifiée par un vigneron de Saint-Pourçain. La cuvée a un "gout d'autrefois" disent les connaisseurs. L'assemblage qui lui donne un goût unique et des arômes généreux et curieux se fait à la vendange et regroupe dix variétés d'anciens cépages blancs précieusement travaillés sur le coteau dominant le château. Tous les ans, la sortie de la cuvée a lieu le premier week-end de juin.



L'emplacement du Conservatoire des Anciens Cépages de Saint-Pourçain n'a pas été choisi au hasard ! En effet, il jouxte le Château de Chareil-Cintrat. Propriété des Monuments Nationaux, cet édifice du XVIème siècle classé Monument Historique, est ouvert aux visiteurs tout comme les parcelles de vignes du conservatoire.


Cette ancienne propriété de la famille de Bourbon présente un remarquable décor intérieur marqué par la seconde renaissance française : cheminées monumentales, peintures murales inspirées de l'Antique représentant des scènes mythologiques, astrologiques et un ensemble de grotesques unique en France par son ampleur et sa finesse d'exécution.



"Il est vraisemblable que le château de Chareil-Cintrat ait été à l’origine, une forteresse médiévale, appartenant aux sires de Bourbon, puis à une famille éponyme du lieu attestée dans les textes au XIVe siècle.



Au milieu du XVIe siècle, apparaît Claude Morin, Contrôleur Ordinaire des Guerres qui passe pour avoir été le commanditaire des grands travaux d’embellissement du château. Ceux-ci consistèrent non seulement en l’adjonction d’éléments décoratifs d’inspiration italienne comme les peintures, mais aussi en une restructuration de l’édifice avec un escalier central à quatre volées droites voûtées en berceau continu. Des cheminées richement décorées agrémentèrent les pièces du château.


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L’ensemble de la décoration sculptée fut organisée selon un strict respect de l’étagement des ordres architecturaux, issu de l’époque gréco-romaine. Cette caractéristique fait du château de Chareil un monument de la seconde renaissance française.



En 1589, à la fin des guerres de Religion, les protestants assiégèrent l’édifice sans que le bâtiment en souffre.



En 1752, la propriété passa par mariage dans la famille Langlois de la Ramentière qui la conserva jusqu’en 1815, date à laquelle elle fut vendue à la famille Thonnier.


À la première guerre mondiale, les aciéries Schneider firent l’acquisition du monument mais ne l’occupèrent jamais.



En 1958, après plusieurs décennies d’abandon, l’édifice fut acquis par l’État et classé parmi les monuments historiques. De gros travaux de restauration commencèrent alors. Les architectes des Monuments historiques s’employèrent tout d’abord à rétablir la structure de l’édifice, avant de s’occuper dès 1973 de la restauration des peintures."


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