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Que la victoire est belle, surtout quand elle est rare. Non pas rare parce que nous ne faisons pas bien les choses, mais rare parce que nous avons face à nous bien souvent des interlocuteurs sourds, une justice aveugle, et une mobilisation locale trop faible.



Comme nous vous l’indiquions dans notre article du 31 mars dernier, l’enseigne Lidl souhaitait implanter un magasin à Onzain, détruisant au passage plusieurs témoins de l’histoire de la commune, ainsi que de très nombreux arbres. C’était sans compter sur la mobilisation du collectif « Non au Lidl Gare » qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire avorter ce projet.



Une mobilisation exemplaire, qui prouve bien que, lorsque les habitants d’une commune sont unis et déterminés, alors la victoire est possible.


Nous sommes heureux d’avoir apporté notre modeste contribution à ce combat et nous remercions notre avocat Maître Théodore Catry. Saluons tout de même la direction de l’enseigne de grande distribution pour sa sage décision.


Nous remercions très sincèrement le collectif pour sa confiance et en particulier Guillaume Loiselet qui nous a envoyé cette très sympathique photo.



Voici le communiqué du collectif :



« Joie et soulagement sont au rendez-vous à Onzain, commune de Veuzain-sur Loire. Le groupe LIDL vient d’annoncer l’abandon de son projet dans un communiqué de presse : face à l’opposition du collectif de riverains, soutenu avec force par Urgences Patrimoine, il renonce à déplacer son supermarché vers le lieu-dit du « Moulin à vent », cet espace boisé qui abrite une belle demeure bourgeoise adossée à un moulin.




En sauvant ce moulin, le seul moulin à vent ayant été construit dans la commune, non loin de la Loire, site classé au patrimoine de l’UNESCO, c’est tout un pan de l’Histoire locale qui se trouve heureusement préservé. Toute la communication faite autour de la mobilisation contre le projet du supermarché aura eu le mérite de mettre encore plus à l’honneur ce patrimoine précieux.



Les arbres centenaires de cet espace vert, à l’entrée d’Onzain, sont eux aussi sauvés ! C’est tout un paysage, le « val d’Onzain », que l’on peut contempler depuis le château de Chaumont-sur-Loire, de l’autre côté de la Loire, qu’il faut continuer à protéger.



La vigilance et la mobilisation de tous restent primordiales dans la sauvegarde du patrimoine. Cette belle victoire récompense l’engagement et la solidarité. »



Nous ignorons où s’arrêtera la bêtise humaine, mais nous en avons là un bel exemple. Merci à Sébastien Perrot-Minnot pour cet article qui au-delà du fait de dénoncer un acte de vandalisme, nous permet de découvrir un patrimoine d’exception peu connu qui mériterait une mise en valeur et surtout quelques bons soins afin de lui assurer un avenir.



——



Lors d’une visite sur le site précolombien du Galion (commune de La Trinité, Martinique), le 24 avril dernier, des archéologues ont fait une bien triste découverte : une des roches gravées du lieu avait été taguée avec une bombe bleue, assez récemment, semble-t-il. Les graffitis représentent des motifs géométriques évoquant vaguement des pétroglyphes, une tête humaine aux cheveux longs et un serpent ; ils comportent aussi l'inscription « CHIVA INdIEN ». Leur auteur savait visiblement qu’il s’en prenait à une roche gravée - en l’occurrence, l’imposant Bloc 2 du Galion, d’une hauteur de 2,30 m.



Ce genre d’acte de vandalisme sur des pétroglyphes amérindiens est inédit en Martinique, pour autant que je sache. Après avoir été informée du délit, la Direction des Affaires Culturelles de Martinique a entrepris les démarches pour un dépôt de plainte. Il faut dire que le Bloc 2 est situé sur une propriété de l’État (administrée par le Conservatoire du Littoral), et que les roches gravées du Galion ont été inscrites au titre des Monuments Historiques en 2020.




Localisé sur le littoral Atlantique de la Martinique, à la lisière d’une forêt lacustre et aux abords des champs de canne de l’Exploitation Agricole du Galion (EAG), le site amérindien du Galion a été signalé aux autorités en 1992. Depuis, il a fait l’objet de travaux archéologiques ponctuels (y compris, de l’auteur). Des pétroglyphes précolombiens ont pu y être identifiés avec certitude sur trois blocs. Leur style essentiellement géométrique et abstrait est inhabituel dans l’art rupestre des Petites Antilles, mais le thème du visage à la bouche en forme de trident, présent sur les Blocs 2 et 3 du Galion, se retrouve sur un autre site de roches gravées de Martinique : celui de Montravail, dans le sud de l’île (commune de Sainte-Luce).




Le contexte archéologique des pétroglyphes du Galion demeure problématique, le sondage creusé au pied du Bloc 2 en 2015 et les prospections effectuées autour des roches gravées n’ayant pas révélé de mobilier indiscutablement amérindien. Toutefois, la relation avec Montravail, des comparaisons avec l’iconographie de la céramique précolombienne et des gisements archéologiques localisés à proximité du site des roches gravées du Galion suggèrent que ces dernières se rattachent à la phase du Saladoïde Cedrosan Moyen-Récent (350-700 après J.-C.).




D’après les données dont nous disposons, ces blocs ornés se trouvaient à l’écart de l’habitat amérindien, une caractéristique assez commune de l’art rupestre précolombien des Antilles. Leur fonction était vraisemblablement rituelle.



Malheureusement, avant même le récent acte de vandalisme, l’état de conservation des roches gravées du Galion était déjà critique. Les motifs rupestres, en partie couverts de mousses et altérés par des fissures et des éclats, sont, pour la plupart, difficilement reconnaissables… Il serait important de réaliser des relevés photogrammétriques de haute précision des blocs, ainsi qu’un bilan sanitaire et un nettoyage de ces derniers, tout en renforçant la protection du site et en sensibilisant le public à la valeur et à la fragilité de ce patrimoine ancestral.



Sébastien Perrot-Minnot


Archéologue (Éveha)


Chercheur associé au laboratoire AIHP GEODE (Université des Antilles)



Le Président Macron vient d’être réélu pour cinq ans. Il a d’ores et déjà annoncé qu’il ne s’engagerait pas dans la continuité de son premier mandat, afin de satisfaire un maximum de français déçus par son premier opus.



Si nous ne sommes pas là pour juger la politique globale du Président Macron, il y a un sujet pour lequel nous estimons avoir toute légitimité de contestation, c’est celui du patrimoine. Urgences Patrimoine étant toujours au chevet des territoires, nous ne pouvons que déplorer la politique calamiteuse de ces cinq dernières années en termes de sauvegarde du patrimoine vernaculaire.



Saluons tout de même l’investissement de Stéphane Bern, nommé « Monsieur Patrimoine » par le Président, qui aura eu le courage de s’opposer à certaines décisions ministérielles, mais qui, hélas, n’aura pas eu le pouvoir de les faire changer. Son implication dans notre combat pour la chapelle Saint-Joseph en est la preuve. Il a lutté autant que nous pour la préservation de l’édifice, mais ses appels sont restés lettre morte.



Une chose est certaine, l’hallali a été sonnée avec l’arrivée de Roselyne Bachelot à la tête du ministère de la Culture en 2020. Alors que nous avions misé tant d’espoirs sur sa nomination, nous n’avons pu que constater son mépris à l’encontre du patrimoine non protégé.



L’obsession de la ministre tout au long de son exercice fut « les grands opérateurs », rappelant régulièrement à nous, petits provinciaux incultes, que l’Opéra Garnier n’était pas à Montauban mais à Paris. D’ailleurs, dans l’un de ses derniers tweets, elle prétend soutenir la culture dans les territoires ruraux, un effet d’annonce sans doute, puisque c’était à l’aube du second tour des présidentielles.



La preuve la plus flagrante de son mépris envers le « petit patrimoine », fut sans conteste celle du « plan relance culture » de 614 millions d’euros dans lequel le patrimoine non protégé s’est vu créditer de la somme de ZÉRO EURO. Soulignons au passage que pour les édifices protégés au titre des Monuments Historiques n’ont reçu « que » 40 millions de dotation. Quand on sait qu’il y a sur l’ensemble du territoire 45 907 édifices protégés MH, cela laisse songeur.



Si le bilan de ces deux années de « règne » Bachelot se limitait à une répartition injuste des dotations, nous aurions pu être un peu moins amers. Mais ce que nous retiendrons surtout, c’est la vague de démolitions qui n’a cessé de s'amplifier.



« Pas assez remarquable », fut l’argument clé de la ministre pour justifier ses refus de protection qui auraient pu sauver de nombreux édifices, à commencer bien entendu par la chapelle Saint-Joseph, qui était en passe d’être sauvée par son prédécesseur Franck Riester, mais qui s’est vue condamnée par Madame Bachelot à l’aide de cet argument fallacieux. Car « pas assez remarquable » pour qui ?



Il serait peut-être temps de percevoir enfin l’intérêt architectural et historique d’un édifice, non pas dans un contexte national, mais bien dans son environnement local, car ce qui a un intérêt pour Lille n’en a pas forcément pour Marseille et vice versa.



D’autant qu’il est inutile de rappeler que les notions d’esthétisme et de beauté sont totalement subjectives et que l’avis régalien d’une seule personne pour justifier une démolition nous semble totalement absurde au XXIe siècle.



À cette petite liste, rajoutons tout de même les déviances du Plan Action Cœur de Ville qui devient la machine à subventions des élus démolisseurs.



Madame la Ministre de la Culture aurait pu dire stop, elle a dit encore…



Quels sont nos espoirs aujourd’hui ?



La création d’un secrétariat d’État au patrimoine, nous semble être un impératif, si nous ne voulons pas voir la vague de démolitions se transformer en tsunami.



Encore une fois, rappelons les mots de Victor Hugo dans sa « Guerre aux démolisseurs ». Près de deux siècles nous séparent et pourtant, jamais ces lignes n’ont été autant d’actualité.



En deux siècles, tout a changé, mais le patrimoine subit pourtant toujours autant d’exactions. C’est la raison pour laquelle nous avons inventé le mot « patrimonicide », qui semble être une exagération pour certains, alors que pourtant, il s’agit bien de ça. Etymologiquement, Le suffice –cide vient du latin caedere : frapper, tuer, abattre. Donc, l’acte d’abattre le patrimoine, (de patrimonium : l’héritage du père) est bien un patrimonicide.



Mais l’heure est plus à l’action qu’à la contestation.



Ne serait-il pas (enfin) le moment de créer ce secrétariat d’État au patrimoine qui pourrait s’avérer déterminant pour les modestes témoins de notre mémoire collective ?



D’ailleurs, en 2000, sous le gouvernement Jospin, Monsieur Michel Duffour fut Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Pourquoi ce poste n’a-t’il jamais été reconduit ? Par manque d’efficacité ? Nous n’y croyons pas. Nous croyons plutôt que ce sont des raisons purement économiques qui ont eu raison de lui.



En France, visiblement, on préfère regrouper une multitude de choses dans un ministère « fourre-tout » et celui de la Culture en est le plus bel exemple.



Car soyons objectifs, même le ministre le plus consciencieux et performant du monde, ne peut pas être bon en tout. Pour être efficace, il faut être précis et se consacrer à un sujet en profondeur, et ce afin d’ éviter les dispersions et les erreurs.



Ce secrétariat d’État, nous le demandons depuis de nombreuses années. Alors, certes, il ne règlera pas tous les problèmes du patrimoine, de sa méconnaissance, de son abandon ou de ses mutilations, mais il permettra de traiter les maux principaux en profondeur. Ne l’oublions pas, on peut toujours soigner un malade, mais on ne pourra jamais ressusciter un mort, car quand un édifice est détruit, il l’est pour toujours.



Rappelons tout de même, qu’à l’heure où l’écologie est au cœur de toutes les préoccupations et que l’on nous somme de réparer plutôt que de jeter, pourquoi ne serait-il pas judicieux de réhabiliter l’existant plutôt que de le démolir ?



Pour des raisons économiques ? Balivernes. Nous avons prouvé que, bien souvent, une réhabilitation coûte moins cher qu’une démolition/reconstruction et quand bien même celle-ci serait plus coûteuse, elle serait en tout cas bien plus pérenne.



Quoi qu’il en soit, des solutions existent pour assurer l’avenir de ce que nous préférons appeler « patrimoine de proximité ». Et des solutions pas forcément très coûteuses. Il suffit parfois d’un peu de volonté et de bon sens pour que les choses deviennent simples et efficaces.



Nous terminerons cet article par une petite phrase de celui qui fut secrétaire d’État au patrimoine, Monsieur Michel Duffour :



« Je crois profondément que le patrimoine se construit au présent. Il est l'une des voies à travers laquelle la modernité de la démocratie fraie son chemin, au plus près des citoyens, dans l'affirmation de son identité culturelle, en même temps que dans la prise au vent du grand large de la coopération. » (Source: http://www.culture.gouv.fr, le 5 février 2001)



Tout est dit et bien dit. En espérant qu’à l’aube de ces cinq nouvelles années de mandat présidentiel, le patrimoine ne soit plus perçu comme une cause réactionnaire et passéiste, mais au contraire, comme une cause moderne résolument tournée vers l’avenir au service des territoires et du bien commun.



Alexandra Sobczak-Romanski


Présidente d’Urgences Patrimoine

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