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  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 29 janv. 2023

Pour faire suite à notre précédent article « Patrimoine religieux, la Loi du silence », voici quelques constats supplémentaires, alors même que le sujet fait toujours couler beaucoup d’encre dans les médias. Encore une fois, je persiste à dire que c’est en se posant les bonnes questions que nous obtiendrons les bonnes réponses.


 


Voici donc quelques points essentiels qui, d’après moi, participent à l’abandon et à la destruction de nos édifices religieux.



 Il faut vivre avec son temps 


 


Il semblerait que nos pauvres vieilles églises ne soient pas au goût de tout le monde et, lorsqu’il s’agit de les démolir au profit d’un projet immobilier, ce qui fut le cas pour la chapelle Saint-Joseph, il nous a été rétorqué, alors que nous sollicitions l’appui des familles de ceux qui avaient contribué à sa construction à la fin du XIXe siècle, « qu’il fallait vivre avec son temps » et que l’édifice n’était qu’un tas de pierres et qu’au XXIe siècle, il était souhaitable de regarder devant soi, et de ne pas s’attarder sur le passé. Pourtant, si la France est ce qu’elle est, elle le doit à son histoire et à ses témoins.


 


L’étendard de la laïcité


 


Même si la majorité des édifices religieux construits avant 1905 sont à la charge des communes, certains élus, sont très mal à l’aise par rapport à ce sujet et mettent en avant les « sacro-saints » principes de la laïcité. Sauf que ces édifices sont des « bâtiments communaux » et que, de ce fait, les communes ont une obligation d’entretien.


 


Les élus respectueux de la Loi restaurent et entretiennent leurs églises. Certains font le strict minimum en catimini, afin de ne pas heurter la sensibilité des citoyens. D’autres ne font rien du tout, en ouvrant le « parapluie des priorités », généralement la réfection d’une école ou la construction d’une salle « multi-services intergénérationnelle ».


 


Tout ça parce qu’une poignée d’administrés sont farouchement opposés à ce que l’argent public soit utilisé pour un lieu de culte. Sauf qu’au-delà de sa fonction première, une église est un marqueur de l’identité du territoire et, bien souvent, participe à son attractivité. Vous avez déjà vu des touristes faire un détour pour visiter une salle multi-services intergénérationnelle ? Moi pas. D’ailleurs, aux élus qui essaieraient de me convaincre qu’il est toujours difficile de justifier l’utilisation de l’argent public pour la restauration des édifices religieux, je répondrai ceci : en ce cas, j’invite tous ceux qui ne font pas de sport à manifester leur opposition farouche à la construction d’un nouveau gymnase ou à sa restauration.


 


Il faut raison garder. L’église est un bâtiment communal un point c’est tout, et tous les élus qui ne respectent pas cette obligation d’entretien sont de facto et de jure hors la Loi.


 


Quelques mois après la création d’Urgences Patrimoine, j’avais même envisagé de porter plainte symboliquement contre l’ensemble des élus de France qui laissaient pourrir leurs églises en toute impunité. Notre avocat de l’époque m’en avait dissuadée, au prétexte que cela me rendrait parfaitement impopulaire. J’ai donc, mais avec le nombre croissant d’édifices menacés aujourd’hui, je vais peut-être revoir ma copie. D’autant que peu importe d’être impopulaire si l’on se bat pour une cause qui nous semble juste.


 


Les « Y a qu’à, faut qu’on »


 


On peut dire que l’espèce n’est pas en voie de disparition, et même en augmentation constante, grâce, ou plutôt à cause, des réseaux sociaux.


 


Ceux-là vous donnent des leçons en permanence, bien au chaud devant leur ordinateur. Mais leur activisme s’arrête là. Les plus nuisibles d’entre eux écriront, s’agissant d’un édifice menacé de démolition, que « c’est une mosquée qui sera construite à la place ». Je rappelle que cela qui ne fait pas avancer le débat d’un iota, et que cela dessert grandement la cause, faisant passer les défenseurs du patrimoine pour de dangereux individus. Le patrimoine est un bien commun et il est contre-productif de politiser le débat. Donc, non, on ne détruit pas les églises pour construire des mosquées. On détruit les églises pour faire de « jolis parkings », ou des espaces végétalisés (généralement, quatre pots de fleurs fluos aux quatre coins d’un espace bétonné). Ah, oui, j’oubliai, sur ces places, certains élus ont le bon goût d’afficher fièrement un trophée, en mémoire de l’édifice détruit. C’est le cas à Asnan, dans la Nièvre, où la cloche de l’église trône au milieu de trois bouts d’herbe, pour rappeler qu’avant se dressait en ces lieux, fièrement, une église.


 


D’ailleurs, Asnan est un cas d’école pour les « Y a qu’à, faut qu’on ». À l’époque, une pétition en ligne avait récolté plus de 10.000 signatures contre la démolition. Il fallait 100.000 euros pour sauver l’édifice (et un peu plus de volonté municipale pour conserver l’édifice, j’en conviens). Et bien si chaque signataire de la pétition avait donné 10 euros, le compte était bon. Mais, là encore, dès qu’il est question d’agir concrètement, c’est « courage fuyons ».



Souvent la raison invoquée est la raison fiscale : « je paye déjà assez d’impôts, donc je ne vois pas pourquoi je donnerais, même si je suis contre la destruction de cet édifice. »



Ou alors, ils se disent : « plein de gens vont donner, donc, inutile que je me déleste de “10 balles” qui me seront plus utiles pour engraisser la Française des Jeux avec l’achat de tickets à gratter qui, eux, peuvent me rendre riche. »


 


Alors que 10 euros pour une église, ce sont 10 euros à fond perdu ?


 


En tout cas, moi, je n’ai jamais vu quelqu’un pleurer parce que son ticket à gratter était perdant. En revanche, j’ai vu beaucoup de gens pleurer devant le spectacle affligeant des pelleteuses dévorant un clocher. Et, sur ce point, je rejoins Roselyne Bachelot, qui, dans sa propagande pour la tabula rasa de nos petites églises de provinces, a déclaré qu’il fallait que les citoyens se bougent un peu. Au passage, je rappelle que des milliers de personnes, sur l’ensemble du territoire, ne ménagent pas leurs efforts pour sauver l’église de leur commune et je ne dis absolument pas que personne ne fait rien. Je dis simplement que si les « Y a qu’à faut qu’on » passaient à l’action, certains édifices pourraient espérer un avenir meilleur que celui de finir en parking.



 La prise d’otage


 


Là encore, c’est par expérience que j’ajoute cette cause a ma liste. Dans certaines communes, il n’est pas rare que l’épineux sujet qu’est la restauration de l’église, soit l’objet de débats houleux, entre le maire et les élus d’opposition. Tellement houleux, que c’est l’édifice qui trinque sous couvert de paix sociale.


 


L’exemple le plus ubuesque qui me vient à l’esprit, est le cas de l’église de Charonville, en Eure-et-Loir. Lorsque l’ancien maire avait été élu, la restauration de l’église du XIIe siècle de la commune était en tête de son programme. Après son élection, il avait entrepris de faire chiffrer le montant des travaux et avait établi un budget prévisionnel. Les finances de la commune étaient extrêmement saines. Donc, cela passait tout seul. Et là, gros putsch au sein du Conseil Municipal et le maire se retrouve minoritaire. Impossible pour lui de lancer les travaux. Comme ce cas ne s’était jamais présenté, même la Sous-Préfète n’a pu faire appliquer la Loi. Malgré l’obligation d’entretien et de restauration qui incombe à la commune, les travaux n’ont jamais pu démarrer. Le maire n’a pas été réélu aux dernières municipales, et l’église poursuit sa lente agonie, tout ça à cause de querelles internes.



Sans doute que la nouvelle équipe municipale attend que l’édifice s’écroule tout seul, dans l’indifférence générale. D’ailleurs, à l’époque où nous avions été sollicités par le vaillant collectif de sauvegarde, qui s’est mobilisé de façon exemplaire pour tenter de sauver l’édifice, nous avions signalé à la Direction Générale des Affaires Culturelles qu’une statue de la vierge datant du XVIIIe, inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, était attaquée par des insectes xylophages depuis un certain temps, et que, si elle ne bénéficiait pas de soins urgents, son avenir était lui aussi compromis. Deux ans plus tard, la statue n’avait toujours pas été « exfiltrée » et, aujourd’hui, il est possible qu’elle ne soit plus que poussière. Je parlais de déposer plainte contre les communes qui ne respectaient pas le devoir d’entretien de leur église, peut-être devrait-on commencer par Charonville ?



Mensonges et trahison


 


J’ai déjà évoqué le cas de l’église du Sacré-Cœur de Denain dans mon précédent article, mais une « petite couche » supplémentaire ne peut pas nuire.


 


En effet, la réhabilitation de l’édifice était au cœur de la campagne électorale de Madame la Maire, tellement au cœur, qu’elle s’est engagée à la racheter pour la sauver de l’abandon.



À ce moment-là, elle considérait que l’édifice était un des grands témoins de la mémoire de la ville et qu’il fallait tout faire pour assurer son avenir. Deux ans plus tard, le projet de « réhabilitation » ne devient ni plus ni moins qu’un projet de démolition. Sauf que, pour se donner bonne conscience, la Maire nous fait le coup du « trophée », en ne conservant que le clocher et tout ça avec « moins de 3 millions d’euros » dit-elle fièrement.  Ce budget suffirait amplement à réhabiliter l’édifice dans son ensemble. Lors des élections, il était aussi question d’organiser une concertation publique afin de présenter le projet et, le cas échéant, interroger les administrés afin qu’ils donnent leur avis sur les nouvelles fonctions de l’édifice. Il n’y a eu aucune concertation publique avant la décision du Conseil Municipal de démolir l’édifice. En revanche, il est question d’organiser une concertation après la démolition, ce qui ne présentera pas grand intérêt une fois le Sacré-Cœur en miettes. Se faire élire grâce au patrimoine et le détruire une fois élue nous semble tout de même curieux.



Nous pensons que dans cette triste histoire, la Maire ne connaît tout simplement pas le sens du mot « réhabilitation », qui figurait bien pourtant sur l’appel d’offre.


 


Comme je ne suis qu’une simple mortelle, j’ai demandé à un grand professionnel de l’architecture, sa définition du mot « réhabilitation ». Voici donc la réponse nette et précise de François Gruson, Architecte DPLG, Docteur en architecture et aménagement de l'espace, Professeur des Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture : « Réhabiliter, au sens propre, c'est rendre à nouveau utile. On parle donc de réhabilitation d'un édifice au sens où on le rend à nouveau propre à son usage. »


 


Il est peu probable que cette pauvre église, une fois amputée de toute sa structure, puisse se rendre utile. Enfin, tous les espoirs sont encore permis, puisque le permis de démolir n’est pas encore signé, et que nous serons présents aux côtés du collectif de sauvegarde local afin de sauver l’édifice.


 


Je vais m’arrêter là pour aujourd’hui, mais je reviendrai bientôt, avec cette fois quelques modestes idées, pour enrayer la vague de patrimonicides qui déferle sur nos clochers.


 


Alexandra Sobczak-Romanski


 


PS : Si quelques « y a qu’à, faut qu’on » se trouvent parmi nos lecteurs, je sais qu’ils ne m’en voudront pas et qu’ils se hâteront de donner leurs 10 euros d’adhésion à Urgences Patrimoine.

Nous venons d’être sollicités par le collectif de sauvegarde du 24 rue du Château à Roubaix, afin de donner un peu de plus de visibilité à leur action et, bien évidemment, nous avons répondu présents. Présents à double titre. Premièrement, parce que la lutte contre les démolitions, quand elles sont infondées, fait partie de l’ADN d’Urgences Patrimoine et, deuxièmement, parce que nous sommes actuellement en train de restaurer les tombes d’une des plus illustres familles de la ville de Roubaix, dans le cadre de notre Commission Nationale de Sauvegarde du Patrimoine Funéraire, afin de rendre hommage à ceux qui ont eu un rôle déterminant dans cette belle commune du Nord, en particulier au XIXe siècle.



Roubaix, ne l’oublions pas, arbore fièrement le label « Ville d’Art et d’Histoire », avec pour étendard, son riche passé industriel. Et c’est justement un témoin de ce riche passé qui est menacé de démolition aujourd’hui, et ce afin de construire une résidence pour étudiants.


 


Souvent, l’argument pour détruire un témoin important de la mémoire collective est son état très dégradé. Or, dans le cas qui nous occupe, il nous semble qu’aucun désordre structurel majeur n’est à déplorer. Donc, sauf à être en proie à une crise de « démolitionnite aigüe », nous ne comprenons absolument pas le motif de cette destruction, d’autant qu’une fois réhabilité, ce bâtiment ferait une magnifique résidence pour étudiants.



 


À croire que nos jeunes ne méritent pas d’étudier dans des lieux chargés d’histoire, ce qui leur permettrait peut-être d’avoir un regard bienveillant plus tard sur le patrimoine. Au lieu de ça, on leur démontre une fois encore que le patrimoine des territoires est « jetable ».



Nous ne le répèterons jamais assez, à l’heure où l’on nous invite un peu plus chaque jour, à réparer au lieu de jeter, et de surtout donner une seconde vie aux objets, pourquoi ne pas faire de même pour le patrimoine ?  La jeunesse d’aujourd’hui est très soucieuse de l’avenir de la planète, alors les tonnes de déchets générés par les chantiers de démolition devraient être contraires à leurs idéaux.


 


Tout cela pour dire que cet ensemble immobilier ne doit pas finir sous les pelleteuses, mais plutôt espérer un avenir flamboyant !


 


Nous publions ici la lettre ouverte du collectif de sauvegarde qui en appelle aux instances locales et nationales, afin de sursoir à ce projet qui n’a aucun sens.


 


Merci de signer la pétition en fin d’article.




 Lettre ouverte :


 


Madame la ministre de la Culture, monsieur le Directeur Régionale des affaires culturelles, madame la sous-préfète dédiée à Roubaix, monsieur le maire de Roubaix,


 


22-24 rue du Château à Roubaix, non à la démolition prenez vos responsabilités.


 


Le traitement infligé à l’immeuble du 22-24, rue du Château est un scandale. La ville laisse démolir pour permettre à un investisseur, Vinci Immobilier, d'y construire une résidence étudiante. Ceci est en contradiction flagrante avec les engagements renouvelés par la ville dans le cadre du Label Ville d’Art et d’Histoire.


 


Pourquoi cet immeuble est-il précieux ? Il est situé dans une rue historique qui jouxte l’Hôtel de ville et la Médiathèque et qui a vu naître André Diligent.


 


Quant à l’immeuble lui-même, de style néo-classique, il est la dernière « maison de fabrique », borne témoin unique de l’industrie textile à Roubaix avant 1840.


 


Un rapport rédigé sur cet immeuble de la rue du Château rappelle: « Nous sommes ici en plein centre- ville au cœur du site patrimonial remarquable (SPR) attribué par l'état en 2001 ; plusieurs entreprises dont la maison de confection textile Thieffry Frères fondée en 1837 sont installés dans ces immeubles. Ils avaient été érigés pour une activité économique ; ils sont à compter parmi les plus anciens dans ce quartier et dans la ville, datant des années 1840 ; il s'agit d'un ancien comptoir de négoce contemporain de l'église notre dame et de la filature Delattre, présentant des décors similaires et de grande qualité. Il fait partie d'un petit corpus de bâtiments, certains prestigieux et protégés, érigés pour et par des personnalités de l'histoire de la ville ; ils sont des témoins précieux de ce qui a fait la réputation de la ville, une cité qui s'est développée à la cadence de sa population laborieuse.»


 


Que s’est-il passé ? Ce bâtiment est promis à la démolition à la suite d’un enchaînement d'erreurs et de négligences.


 


  • Nous sommes surpris du peu d’attention de l’ABF quant à ce bâtiment emblématique de Roubaix: maison de « fabricant », qualité d’une architecture néo-classique devenue localement rare, belle cour intérieure...

  • Les services du patrimoine en mairie ainsi que l’élue en charge à l’époque du patrimoine ont été contournés afin d’accélérer le permis de construire

  • Les élus d’opposition sont intervenus à 3 reprises lors des Conseils Municipaux. L’élu en charge de cette politique a rejeté la demande de préempter sous le double prétexte du coût et de l’absence de projet. Or à plusieurs reprises, a Ville a préempté des bâtiments en vue d’un projet à venir, comme la friche Hibon, le bowling ou la Banque de France, et elle pouvait solliciter l’EPF pour acquérir cet immeuble. Elle avait d’ailleurs, en 2021, préempté un autre bâtiment de la rue avec le motif d’y construire... une résidence étudiante. Le patrimoine industriel de Roubaix est protégé par plusieurs dispositifs impulsés par l’état qui a le devoir d’en faire respecter l’esprit. Ce patrimoine donne de la valeur à cette commune et constitue un bien commun. L’irresponsabilité, l’amateurisme et la connivence avec les promoteurs sont condamnables. Aujourd'hui, une pétition citoyenne tourne sur le site change.org pour s’opposer à la démolition, et elle a recueilli 1100 signatures, ce qui témoigne d’une forte mobilisation de tous horizons.

 


Nous demandons donc à la ville, à l’Etat, au ministère de la Culture de mettre en œuvre les mesures de sauvegarde qui s’imposent en gelant cette opération. C’est affaire de volonté politique. Par exemple, en 1995, le nouveau maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, a stoppé d’extrême justesse la démolition de l’usine LU, qui deviendra le magnifique « Lieu Unique », réinventé par l’architecte Patrick Bouchain, qui a conduit la rénovation de la Condition Publique.



Désormais, chacun est devant ses responsabilités.


 


Michel David, Conseiller municipal, initiateur de la pétition.


Jean-François Boudailliez, ex-adjoint à la culture, Président de métropole.label.le


Véronique Lenglet, ancienne conseillère déléguée au patrimoine de Roubaix


Xavier Lepoutre


Gilles Maury, président de la Société d’émulation de Roubaix, maitre de conférences ENSAPL, architecte.


 



  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 23 janv. 2023

Ça y est, « la vague Bachelot , qui vient de déferler, se calme et, dans quelques jours, il n’en restera qu’un peu d’écume… Car, comme d’habitude, il ne faut qu’une quinzaine de jours pour être frappé d’amnésie quand il s’agit de l’avenir du patrimoine religieux.



Mais avant toute chose, un regret : celui de n’avoir pas entendu notre « nouvelle » Ministre de la Culture, Madame Rima Abdul Malak, prendre la défense de nos pauvres clochers, ou tout du moins, s’insurger contre les délires démolisseurs de celle qu’elle a remplacée.


 


Nous aurions pourtant apprécié que Madame Abdul Malak s’exprime, comme l’a immédiatement fait la Ministre des sports, Madame Amélie Oudéa-Castéra, au sujet des propos de Noël Le Graët concernant Zinédine Zidane. Certes, Zidane es, dit-on, au foot ce que Notre-Dame de Paris est au patrimoine et il était normal que la Ministre des sports réagisse immédiatement. Mais alors pourquoi la Ministre de la Culture n’a pas fait de même alors qu’il a été question, au même moment, de détruire sans sourciller les petits témoins de notre identité culturelle. Et n’oublions pas que, même quand ils sont « moches », nos clochers n’en restent pas moins les marqueurs forts de l’identité de nos territoires.



Ah mais oui, c’est vrai : les hautes sphères de l’État sont au chevet de Notre-Dame, ce qui semble leur conférer une immunité totale concernant l’avenir du patrimoine religieux.



Alors, faut-il alors brûler nos églises pour qu’elles aient soudain un intérêt ?


 


De tels propos de ma part vont en faire bondir certains, mais pourtant, c’est la vérité que je vais illustrer par un exemple : en avril 2021, un terrible incendie ravageait la petite église de Romilly-La-Puthenay dans le département de l’Eure. Toute la presse écrite et audiovisuelle avait relaté les faits, nous renvoyant directement aux terribles images de Notre-Dame en flammes.



Une église qui brûle, est une tragédie. Alors pourquoi une église démolie n’en est pas une ? C’est la question que je me pose, car en juillet 2021, à 140 kilomètres plus loin, dans le département de la Seine-Maritime, on détruisait l’église de Puisenval dans le silence le plus total.



Pas un seul média, même local, n’a relayé l’information. Vous vous dites peut-être que cette église était une église du XIXe « sans intérêt », comme dirait Madame Bachelot. Et bien pas du tout, l’édifice était présent depuis le XIe siècle (donc antérieur à Notre-Dame), mais rien, pas un mot. Donc, pour s’émouvoir du sort d’une église ou d’une chapelle en France, il faut qu’elle brûle, mais omerta totale s’agissant d’une démolition. Nous avons pu le constater d’ailleurs lors de la démolition de « notre » chapelle Saint-Joseph à Lille. Rares ont été les médias à relayer les images de sa démolition : encore une fois « pas de vagues », silence ça tombe !!!


 


Autre exemple et non des moindres : le cas de l’église du Sacré-Cœur de Denain. Qui parmi vous a entendu parler du projet de démolition de cette grande église du XIXe ? Pas grand monde. Et pour cause : l’affaire est sortie en même temps que le projet de démolition du Château de Louvroil en juillet 2022. Buzz total pour ce dernier, qui doit être rasé pour faire place à une enseigne Aldi. Toute la presse s’est emparée du sujet, ce qui a permis à la pétition en ligne de dépasser les 40.000 signatures. Celle contre la démolition du Sacré-Cœur dépasse péniblement les 1500 et, à part la presse locale, qui a relayé l’info ? Personne.




Alors certains diront : restaurer une église, ça coûte trop cher. Donc il faut se résigner. Sauf que, dans le cas de Denain, c’est un budget de près de 3 millions d’euros qui est alloué à la démolition. Les professionnels de la restauration du patrimoine ne me contrediront certainement pas si je dis, qu’avec 3 millions d’euros, on peut en faire des restaurations sur un édifice qui ne présente pas de désordres structurels majeurs. Enfin, réjouissons-nous, le permis de démolir n’est pas encore déposé, ce qui nous laisse toute latitude pour déposer un recours le moment venu.


 


En attendant, pour résumer : d’un côté on nous dit qu’il faut protéger le patrimoine religieux français, à grands coups de rapports, de tribunes, ou autres publications dans les journaux nationaux, et, de l’autre, on choisit de se murer dans le mutisme le plus total quand les pelleteuses pointent le bout de leur nez.


 


Alors l’action, c’est pour quand ? Sans doute quand plus personne ne sera frappé d’amnésie.


 


Souvenez-vous, en juillet 2015, Dalil Boubakeur, alors recteur de la Grande Mosquée de Paris avait suggéré que certaines chapelles abandonnées pourraient occasionnellement devenir des lieux de prière pour les musulmans. Une pétition en ligne avait alors été lancée par feu Denis Tillinac, et avait été signée par une grande majorité de la classe politique, Nicolas Sarkozy en tête, ainsi que par bon nombre d’intellectuels. Nous aurions aimé une telle mobilisation lors de la démolition de Saint-Joseph, mais seuls des universitaires du monde entiers sont venus plaider la cause de l’édifice. Donc, en substance, cela signifie que céder une église pour un autre culte c’est mal, mais la démolir c’est bien…


 


Pourtant, l’argument des signataires de la pétition était à chaque fois sensiblement le même : « nos clochers font partie de notre patrimoine, ils sont les témoins de notre histoire collective et de nos racines chrétiennes. » Bien évidemment, je suis tout à fait d’accord avec cet argumentaire. Sauf que lorsqu’il s’agit de démolir, une église ou une chapelle ne serait plus un témoin de notre histoire et de nos racines chrétiennes?


 


Il est évident que tous les signataires de cette pétition ont effectivement été frappés d’amnésie depuis.




Un an plus tard, le 26 juillet 2016, le Père Hamel est sauvagement assassiné dans son église. À nouveau, nous sommes tous catholiques et fiers de l’être et nos églises sont, ce jour-là, plus que jamais, les symboles de notre fierté. C’est à ce moment-là qu’Yves Jégo lance l’idée d’une loi interdisant purement et simplement la destruction de notre patrimoine religieux. Cette proposition avait alors recueilli tous les suffrages, mais comme d’habitude, quelques semaines plus tard, l’amnésie a encore frappé et plus personne n’en a reparlé. Précisons tout de même, qu’Yves Jégo a été le seul « politique », à avoir soutenu notre combat contre la démolition de Saint-Joseph. J’avais d’ailleurs lancé un appel à tous les « parlementaires courageux », via une annonce sur le Boncoin, afin qu’ils se mobilisent contre la démolition de la chapelle, mais aucune réponse.




Cela dit, peut-être que leur « démobilisation » était due au fait que la chapelle Saint-Joseph allait être démolie par l’institution catholique elle-même, comme se fut le cas pour l’église Notre-Dame-des-Anges à Belfort en 2016, ou comme cela risque d’être le cas au Mans, avec la chapelle Saint-Joseph (décidemment) au cœur d’un projet de restructuration d’un établissement d’enseignement catholique.


 


Mais, au fait, elle dit quoi l’institution catholique par rapport à la destruction de son patrimoine? Et bien souvent, elle dit « qu’il faut vivre avec son temps, et que de toute façon, l’Église, ce ne sont pas les bâtiments, mais les fidèles. »  D’ailleurs, il est important de rappeler que certains Diocèses sont experts en démolitions. N’oublions pas que les édifices construits après 1905 sont propriétés des Diocèses et pas des communes.


 


Ce fut par exemple le cas à Saint-Jean-de-Monts, où la chapelle Sainte-Thérèse et la chapelle de Goëlands ont fini broyées, au prétexte qu’elles ne correspondaient plus aux normes. Sans commentaires…


 


Mais là encore, cela ne fera pas la une du journal télévisé et puis c’est l’institution catholique qui est à l’origine de la démolition. Donc, c’est une affaire interne. Inutile d’en faire état.




Je vais m’arrêter là, car je sais bien que les articles trop longs ennuient tout le monde, mais je crois que ce petit « pense-bête », pour rafraîchir la mémoire des amnésiques, peut être utile.


 


Et sinon, on se penche quand sérieusement sur le sujet de l’avenir du patrimoine religieux, ou plutôt non, on agit quand ?


 


À quand une vraie politique du « zéro blabla, zéro gravât » plutôt que celle de la tabula rasa?


 


 Alexandra Sobczak-Romanski

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