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Allons nous assister à un nouveau patrimonicide, ou le bon sens l’emportera-t-il? C’est la question qui nous anime depuis quelques jours, suite à la découverte d’une peinture murale médiévale dans l’ancienne boucherie de Saint-Maixent-l’École.



Nous avions, il y a quelques semaines, évoqué l’avenir incertain du bâtiment, menacé de démolition au profit d’un projet immobilier. C’était sans compter sur l’acharnement de l’Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs (ADANE), dont la présidente, Marie-Claude Bakkal-Lagarde, est également déléguée départementale d’Urgences Patrimoine.



Depuis 2019, cette dernière surveille le projet de démolition de très près, car elle trouve inconcevable la démolition de cette boucherie, qui arbore encore fièrement son enseigne datant du XIXe.



Cet acharnement a été heureux, car l’édifice avait bien des secrets à livrer. En effet, très discrètement, à l’abri des regards, une peinture murale du XVe siècle attendait sans doute l’âme bienveillante qui viendrait la sauver. Enfin… la sauver reste une hypothèse, puisque la municipalité minimise la découverte et s’obstine à vouloir démolir l’édifice pour créer des logements sociaux.



D’ailleurs, malgré l’autorisation donnée par l’actuel propriétaire à l’ADANE pour aller sécuriser les lieux, les adhérents se sont fait « sortir » par la police municipale.




Pourtant, il n’y avait pas effraction, puisqu’il y avait autorisation, mais visiblement, à Saint-Maixent-l’École, la municipalité préfère le béton aux édifices médiévaux, même quand ces derniers possèdent un intérêt artistique et historique majeur. Intérêt qui pourrait-être un vecteur de développement économique et touristique pour la commune. Mais il est vrai que les touristes adorent visiter des logements sociaux et des parkings, c’est bien connu !



En attendant de savoir qui aura le dernier mot, voici un résumé de « l’affaire de la boucherie ».



Découverte exceptionnelle d’une peinture murale du XV e siècle à Saint-Maixent-l’École.



Depuis 2019, des grilles sécurisent les passants. Sa devanture en bois interpelle. L’enseigne ne fait aucun doute, on peut lire « boucherie Griffier ». Fondée vers 1876, ses caves voutées, d’époque médiévale, servirent d’abri à 50 personnes contre les bombardements aériens lors de la seconde guerre mondiale. Dans sa cour, entourée de hauts murs de 7 à 8 m, se trouve un bâtiment ruiné, éventré, sans toiture.



Précisons que « notre boucherie » est plus ancienne que la boucherie Pinson de Chartres, construite en 1892 et inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques depuis le 4 octobre 2006.




S’inquiétant du sort de cet établissement, en mars 2020, l’Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs (ADANE) se fait communiquer l’arrêté de péril ordinaire et contacte le propriétaire résidant à l’étranger. C’est la période de confinement, il ne donne pas suite.



Mais la présidente Marie-Claude Bakkal-Lagarde et des adhérents entament alors des recherches historiques et envisage son acquisition. Récemment, le risque n’étant pas totalement levé, l’affaire devient urgente. Consulté, le 15 septembre, le nouveau maire M. Stéphane Baudry indique à l’ADANE porter un projet immobilier de 3 logements sociaux, consistant en la démolition totale du bâti existant, dont les éléments médiévaux conservés en retrait de la façade sur la rue, avec construction d’un ensemble neuf. Il a confié ce dossier à l’Immobilière Atlantic Aménagement (IAA) pour acheter le lieu et demandé l’avis de l’architecte des bâtiments de France (ABF) sur l’opportunité de conserver les façades situées dans le périmètre protégé de l’abbatiale.



Mais la découverte exceptionnelle pour notre territoire n’a pas pignon sur rue ! Une photographie faite à partir d’un mur mitoyen fit sa révélation. Retravaillée avec un logiciel photographique, la peinture murale polychrome laisse apparaitre deux personnages partiellement visibles sous un badigeon de chaux blanche, lessivé par la pluie depuis plusieurs années. En haut, portant son nimbe crucifère et tenant dans sa main gauche le globe terrestre, on reconnait aisément le Christ sauveur du monde.



L’ADANE informe la DRAC de Nouvelle Aquitaine le 27 septembre, l’annonce au propriétaire actuel, le 2 octobre 2021. Simultanément, elle sollicite Mme Alexandra Sobczak-Romanski présidente d’Urgences patrimoine, qui transmet le cliché à Mme Sabine de Freitas, spécialiste et restauratrice de peinture murales médiévales (Conservatoire Muro dell’Arte) .



Mme de Freitas confirme la datation du XV e siècle. Elle souligne le caractère exceptionnel du fragment et précise la scène. Elle représente Saint Christophe tenant son bâton pour faire franchir le fleuve au Christ sauveur du monde. La peinture s’étend à gauche où l’œuvre est encore recouverte de chaux. À l’écart de la scène un visage apparait. Ce pourrait être celui de l’ermite. La spécialiste transmet sa note technique à la DRAC qui diligente une visite des lieux en présence du maire.




Sensible au patrimoine, le propriétaire des lieux, qui vit en Angleterre, mandate l’ADANE pour sécuriser les lieux et faire le nécessaire en vue de la restauration-reconstruction. Cette autorisation d’accès de l’ADANE est déposée en mairie le mercredi 13 octobre et confirmée par le propriétaire par mail adressé au maire le dimanche soir, en réponse au sien.



Le maire continue pourtant ses démarches en faveur de « son » projet immobilier et somme le propriétaire de vendre à IAA sous menace de pénalités. Malgré l’intérêt que porte alors la DRAC à l’ensemble de l’îlot face au portail occidental de l’abbatiale, il semble s’obstiner à vouloir minimiser l’importance de cette découverte.



Lundi après-midi, alors que les adhérents de l’ADANE sécurisent l’intérieur menant à la peinture, leur activité est interrompue et ils sont extraits de la propriété manu militari par la police municipale.



Suite à cet épisode, la venue de la spécialiste des peintures murales prévue le lendemain a été annulée. Madame de Freitas devait venir faire les préconisations en vue de protéger l’œuvre des intempéries après retour et conclusions de la DRAC. Annulation judicieuse, puisqu’un policier municipal gardait la porte interdisant tout accès.



Au-delà de ces péripéties, on serait tenté de dire que des peintures murales du XVe siècle ne sont pas rares dans les églises. Certes, mais ici, il ne s’agit pas d’un édifice religieux mais d’une résidence privée ou une halte pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, avec un petit oratoire.



Nous sommes donc devant une découverte rare d’une grande valeur historique et patrimoniale. Qui plus est, la ville ayant subit les ravages des guerres de religion, l’abbaye presque entièrement détruite, fut reconstruite, cette peinture reste alors le seul témoin connu de l’époque précédent ces événements.



Quel avenir pour ce lieu ? Comment préserver ce patrimoine ? Les questions fusent et restent en suspend. L’hiver arrive, la tempête Aurore des jours passés et les suivantes, ou bien de malencontreuses décisions, ruineront irrémédiablement peut-être cette découverte exceptionnelle.



Informations complémentaires :


Mme Marie-Claude Bakkal-Lagarde Présidente fondatrice de l’ADANE


(Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs)


11 rue de l’Aumônerie 79260 La Crèche


Mail : adane@laposte.net


Urgences patrimoine:


L’hallali avait sonné la semaine dernière pour le château de la Rochepot, car, malgré l’incroyable mobilisation des habitants de la commune, il n’y a eu aucune réaction de la part du Ministère des finances, principal créancier dans cette triste affaire, ni de la part du Ministère de la culture, qui aurait pu préempter une grande partie des objets emblématiques de cette vente. Afin de conserver l’intégrité du château, il suffisait le vendre le contenu en même temps que le contenant, mais cette solution simple n’a même pas été envisagée.



En France, on préfère vendre « à la découpe », sans se préoccuper des conséquences directes que cette vente pouvait avoir. Hélas, comme il s’agissait ici d’une décision de justice, les ministères qui auraient pu se manifester ont eu un parfait alibi pour ne surtout rien faire.



Entre parenthèses, que les âmes bien pensantes qui criaient haut et fort que cette vente permettrait avant tout de payer les « ardoises » laissées par le propriétaire aux artisans locaux regardent la réalité en face : le principal créancier est l’État, et il est peu probable qu’il reste une seule miette pour les petits indépendants.



Quoi qu’il en soit, nous savions que « la messe était dite » vendredi dernier, à la lecture de ce courrier, transmis par un de nos amis, Siegfried Boulard-Gervaise, « candidat acquéreur » potentiel de l’édifice.




C’est donc la mort dans l’âme que nous avons assisté impuissant, au dépeçage en règle du Château de La Rochepot, en union de pensées avec les membres du collectif « Sauvons les Meubles » qui, dans un communiqué, avaient annoncé la fin de la mobilisation:



« Nous restons organisés afin de suivre l'évolution et l'avenir de notre magnifique château. Toute action menée à partir de ce soir ne résulte en rien du collectif. Nous ne serons pas présents demain sur le lieu de vente, afin de ne pas entraver le travail de maître Muon. »



Ce communiqué avait été envoyé par Romuald Pouleau, créateur du collectif, à l'attention de la sous-préfète.



La vente aura duré près de douze heures. La cérémonie funèbre fut orchestrée par Maître Muon, commissaire-priseur à Beaune.De mémoire, nous n’avions jamais assisté à une vente aussi triste et aussi longue. En général, ce sont 80 lots à l’heure qui sont dispersés lors des ventes publiques, or là, nous étions sur une moyenne de 50 lots. Visiblement en Bourgogne, il n’y a pas que les escargots qui sont lents !



Bien entendu, sans grande surprise, les prix se sont envolés. Certains ont d’ailleurs explosés. Comme par exemple celui d’une série de casseroles en cuivre pour laquelle il a fallu dépenser 1000 euros alors que, dans n’importe quelle vente aux enchères publiques, ce genre de chose a du mal à trouver preneur à 100 euros.



Fébrilement et toujours très naïvement, nous pensions que le Ministère de la Culture allait (pour une fois) nous surprendre. Nous avions d’ailleurs reçu un petit message nous annonçant cette surprise. Heureusement que nous avons gardé cette information pour nous, car en la diffusant, nous aurions été totalement décrédibilisés.



Le Ministère a donc brillé une fois de plus par son absence, en se fendant tout de même de l’acquisition des plâtres de l’artiste Xavier Schanosky (1867-1915), classés monuments historiques.



En revanche, les souvenirs historiques du Président Sadi Carnot n’ont pas eu le bonheur d’intéresser le Ministère.



Nous avons quand même eu une petite satisfaction. Celle d’assister à la vente, via internet, en compagnie de notre ami Siegfried Boulard-Gervaise, notre « candidat repreneur », qui s’est porté acquéreur d’une quinzaine de lots, dans l’espoir de les voir revivre un jour dans leur écrin d’origine. Si tel était le cas, la grande tapisserie des Flandres, les lits de la chambre chinoise chère à la famille Carnot, ou encore les superbes chiens de Fô, pourraient alors retrouver leur place en Bourgogne, après une période d’exil en lieu sûr.


PRiches de cette expérience, nous pouvons affirmer une fois encore qu’il est plus prudent de faire confiance à des passionnés engagés qu’à un ministère qui n’a de culture que le nom.



Cette triste affaire aura également permis de confirmer que les médias ne répondent présents que lorsqu’il est trop tard. Dès qu’Urgences Patrimoine a été saisie par le collectif « Sauvons les meubles », nous avions tenté d’alerter les médias nationaux. France 2 et TF1 se sont tout de même fendus d’un reportage, mais trop tard, beaucoup trop tard.



La pression médiatique aurait pu tout changer, mais c’est tellement plus simple de compter les morts que de tenter de réanimer un blessé.



Nous savons hélas que La Rochepot ne sera pas le dernier patrimoine à subir le même sort. Rassurons-nous, il nous restera toujours Versailles et Chambord.



En France, seuls les « grands opérateurs », comme les nomme notre chère Ministre de la Culture, sont soutenus. Les autres peuvent-être rasés, abandonnés, dépouillés ; cela n’intéresse pas nos édiles, alors qu’ils sont pourtant de magnifiques ambassadeurs de nos territoires. Demandez donc au Ministère de la Culture où se trouve La Rochepot sur une carte, nous ne sommes pas certains d’avoir spontanément la bonne réponse….



Nous dédions cet article à Romuald Pouleau, fils et petit-fils des régisseurs de La Rochepot qui aujourd’hui pleure le château qui l’a accompagné toute sa vie durant…



Le collectif « sauvons les meubles » s’est mobilisé une fois encore pour dire non au pillage du Château de la Rochepot.



Romuald Pouleau, membre du collectif et amoureux de « son » château, a souhaité à cette occasion accomplir un geste fort. Devant la presse, il a rendu sa carte d’électeur, puisque les pouvoirs publics ont « abandonné » l’édifice et que la majorité des élus a malheureusement réagit trop tardivement.



Il semblerait que personne ne se préoccupe vraiment du sort de l’édifice, alors qu’il est un des plus beaux joyaux du patrimoine Bourguignon. Qu’on ne nous parle plus « d’attractivité des territoires », si d’un revers de la main on envoie aux oubliettes les représentants les plus illustres de cette attractivité.



Mais nous savons que dans les « hautes sphères », on ne se préoccupe guère du patrimoine des territoires. Tant que le Louvre et la Tour Eiffel brilleront, le reste peut attendre. Décidément, nous allons finir par croire que Paris, ce n’est pas la France.



En tout cas, nous sommes admiratifs de cette mobilisation locale et nous comprenons mieux que quiconque la déception de toutes ces personnes si attachées à leur commune et à leur patrimoine.


À moins d’un miracle, la vente aura bien lieu dimanche…



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