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Il ne s’agit ni de châteaux spectaculaires, ni d’églises remarquables, juste de « modestes » maisons à pans de bois, comme il en existait beaucoup, mais comme il en existe de moins en moins. La défiguration des centres anciens est très à la mode. On se réfugie derrière une vétusté ignorée pendant des années et sans crier gare, à grands coups « d’état de péril », on démolit sans la moindre compassion et sans le moindre état d’âme ces petits témoins de l’histoire locale et, souvent, sans le moindre projet derrière, laissant un trou béant en lieu et place, comme pour gommer la trace d’un passé pourtant glorifié à quelques pas de là. La ville d’Alençon montre le mauvais exemple en projetant de façon imminente la destruction de plusieurs de ses maisons « historiques », alors qu’à quelques mètres de là, une maison identique est protégée au titre des Monuments Historiques. Entre incohérences et précipitation, voici le constat que dresse Jean-David Desforges, historien du patrimoine : Au cœur de la ville d’Alençon, quelques terrains vagues coexistent au-côté de maisons en déshérence, comme rue du Château et rue Bonette. En janvier 2020, M. Darcissac, maire d’Alençon, a signé un arrêté de péril imminent pour un ensemble de bâtiments. On pourrait souscrire à l’idée qu’il y ait danger si… si cela ne faisait pas 12 ans que personne ne se préoccupe de ces maisons vides. Les propriétaires sont des octogénaires, le principal vivant à Nantes. A Noël, des squatters ont fait voler en éclats les vieilles vitres. Des tessons de verre jonchent le trottoir. Un premier expert a conclu à des chutes de matériaux, justifiant la sécurisation par la destruction. Un deuxième a vu un trou dans le toit. Le troisième a entériné l’avis des deux autres. C’est implacable sur le plan administratif.

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Rue du Château à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020). Le quartier où se situent ces bâtiments a déjà été bien malmené dans les années 1960-1970. Un mouvement de citoyens avait fini par avoir gain de cause sur le massacre urbain. Cinquante ans après, on recommence. Ces maisons à pans de bois sont édifiées sur de petites parcelles caractéristiques du tissu urbain médiéval intra-muros. Les éléments que j’ai pu observer en façade pour l’une d’elle sont assez comparables à ceux de la maison des Sept Colonnes, en face d’elle dans la rue, inscrite ISMH, et en cours de restauration. Cette maison de la fin du XIVe siècle est un dossier privé qui intéresse beaucoup la ville, du fait de son état et de sa forte valeur symbolique pour l’histoire locale. Ce n’est pas le cas pour ses voisines, en revanche.

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La maison des Sept Colonnes, angle de la rue du Château et de la Grande rue à Alençon (J.-D. Desforges, janvier 2020). Si les pièces de bois de ces maisons sont taillées et marquées comme celles de leur prestigieuse voisine, elles sont cependant en position secondaire. En effet, les façades sur rue ont été frappées d’alignement vers 1760. Nous sommes donc en présence de maisons de la fin du Moyen Âge, partiellement remaniées au XVIIIe siècle. Cela enlève-t-il de l’intérêt à ces constructions ? Non, aucun, du fait qu’Alençon ne possède presque plus de maisons à pan de bois. Elles sont devenues rares. Si l’on regarde les maisons médiévales à façade pans de bois remontées au XVIIIe siècle, nous en faisons vite le tour.


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Les n° 9 et 11, rue du Château à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020).


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Le n° 13, rue du Château à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020).

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Carte de répartition de l’architecture à pans de bois à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020). Ainsi, Grande rue, près de Notre-Dame, le remplissage est en briques. On voit bien une poutre maîtresse sciée apparaître en façade : c'est un indice de transformation entre 1755 et 1770. Les encorbellements ont disparu au profit d’une façade plane, alignée avec ses voisines.

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Le n° 57, Grande rue à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020). Un peu plus loin Grande rue, nous avons une construction contemporaine de la maison des Sept Colonnes. Des éléments en bois conservés à l'intérieur jusqu'à il y a peu, vont d'ailleurs servir de modèles pour reconstituer ce qui y a disparu : les fenêtres à croisées. Là aussi, la façade est remontée avec des pièces de bois médiévales.

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Le n° 79, Grande rue à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020). Toujours Grande rue, regardons à présent ce Monument Historique, qui ferme la Cour Cochon, daté du milieu du XVe siècle. L'étage a été remanié vers 1755-70. La structure est un mélange de pièces en place et d'assemblages du XVIIIe siècle.

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Le n° 137, Grande rue à Alençon (J.-D. Desforges, mars 2020). Mais comment argumenter que ce sont des maisons transformées à la même période ? Avec cet assemblage formant le panneau sous les fenêtres, qui se retrouve dans trois des exemples connus, rue du Château puis Grande rue, est-il nécessaire d'en écrire davantage ? Mêmes charpentiers, même époque, même problématique. Pour la maison couverte d'un enduit rue du Château, et dont on devine les pans de bois, regardons les baies, avec un linteau un peu cintré. Là aussi, nous sommes dans les années 1755-1770. Ce serait dommage de découvrir un pan de bois intéressant le jour de la destruction, n'est-ce pas ?

A gauche, le 157, Grande rue (MH) et à droite, le 13, rue du Château (J.-D. Desforges, mars 2020). Sur l’arrière, en second rideau, une grande bâtisse des années 1770-1780 se dresse encore. Nous n’avons pas eu confirmation du fait qu’elle serait aussi touchée par l’arrêté de péril imminent. Alors que faire ? Puisque des fonds publics sont engagés pour ces maisons, pourquoi ne pas les sécuriser ? Un architecte y verrait-il un chantier insurmontable ? Pourquoi détruire et créer une friche pour les 50 ans qui viennent alors que la maison des Sept Colonnes en face, va retrouver son lustre ? Nous sommes face à une stratégie urbaine déséquilibrée dans la même rue, en face à face. Une maison est restaurée, deux autres sont détruites. La maison visée par toutes les attentions va se retrouver dans une semaine face à un terrain vague, un véritable « coin à pisse » et décharge sauvage comme on en voit d’autres à moins de 100 m, perdurant depuis des décennies. Ces maisons ont une place, une histoire, un rôle à jouer dans notre environnement. Donc non, ne les démolissons pas. Bien que les jours soient comptés avant le début du chantier de démolition, une pétition a été lancée par « Les amis du vieil Alençon », afin d’interpeler les services de la culture et bien entendu, la municipalité. Merci de signer et de partager le plus possible ici.


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Nous l’avions déjà évoqué dans une publication le 3 février dernier et nous avions fait part de nos inquiétudes quant à la menace de démolition pesant sur cette maison art déco surnommée « La Chapelle » par les habitants du quartier, même si elle n’a jamais eu une quelconque fonction religieuse. Il s'agit d'un bâtiment situé dans le quartier de la rue des Soupirants et de la rue Edgard Quinet. Il fut érigé dans les années 1930 sous la direction de l’architecte Roger Poyé. Cet architecte est l’auteur de plusieurs édifices de la ville, protégés au titre des monuments historiques (Bourse du Travail [photo ci-dessous], Maternité, école du P'tit Quinquin).

Si certains internautes avaient jugé cet édifice « sans intérêt », pour d’autres, et notamment pour bon nombre de Calaisiens, ce patrimoine qui est un peu le leur ne doit en aucun cas être livré aux engins de démolition. Jugé en « mauvais état » par la commune qui ne veut engager aucun frais, l’édifice devrait pourtant être démoli. Mais un collectif a lancé une pétition afin de dénoncer la disparition prochaine de cette maison, et entend bien obtenir sa sauvegarde. À l’origine de cette initiative, deux enseignantes pour qui le devoir de mémoire passe par le respect du patrimoine bâti. L’édifice n’est pas grand et son état ne semble pas être aussi calamiteux que le prétend la ville. Ville qui rappelons- le, s’est vu décerner le label « Ville d’art et d’Histoire » très récemment. Peut-on prétendre à ce label quand on veut démolir certains éléments architecturaux emblématiques de la ville ? C’est une grande question et pourtant, il semblerait que oui. Hasard du calendrier, la Région Hauts-de-France lançait le 3 avril sa nouvelle édition du « Printemps de l’Art Déco ». 12 communes y participent (virtuellement pour des raisons de confinement), mais Calais manque à l’appel. Aidons le collectif en signant la pétition ici. Lire notre article du 3 février 2020 sur le même sujet.


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Depuis plusieurs années, la ville de Béziers a engagé une politique de restauration de son habitat ancien afin de rendre son cœur de ville attractif, en favorisant la réoccupation de logements vacants. Le conseil municipal de la ville de Béziers a notamment approuvé en 2008 les objectifs poursuivis par la convention pluriannuelle du Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (P.N.R.Q.A.D) : rénover le bâti existant, améliorer la qualité de vie, renforcer l’attractivité commerciale, restaurer la confiance et le bien-être, etc. C’est dans ce contexte, que l’Association pour la Protection du Patrimoine Biterrois (APPB), fondée en septembre dernier, a, parmi ses objectifs, la volonté profonde de s’assurer de la qualité des futurs aménagements qui seront engagés pour le bien-être des biterrois et de leur patrimoine architectural (privé ou public) et historique. Le projet qui nous occupe, est situé dans le Site Patrimonial Remarquable de la ville de Béziers (235 hectares). En janvier 2019, le journal municipal de la ville de Béziers met en avant une première esquisse d’une future résidence dans le quartier Saint-Jacques : 59 logements contemporains dessinés par un architecte de renom, le montpelliérain François Fontès.


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Sur le fond, il est difficile de s’opposer au projet. Le quartier a besoin d’être redynamisé et cette construction vient s’implanter sur un ancien îlot vétuste détruit en 2015, il faut donc requalifier cet espace. Le bât blesse en ce qui concerne l’accès à ces futurs appartements. Il est prévu de faire monter les voitures par la rue de la Tible, une rue étroite, en pente et peu adaptée à la circulation. Pour faciliter l’accès aux futurs propriétaires, 4 maisons vont alors être détruites ! A l’origine, une seule maison était concernée. Ces démolitions sont prévues dans les semaines qui viennent alors qu’aucun permis de construire n’a encore été déposé pour l’immeuble en question. Pourtant d’autres possibilités existent, que ce soit par la rue des Capucins ou le boulevard Jean Macé. Pour la mairie, cette perspective n’est pas réalisable. Effectivement, cela ne l’est pas si le projet reste tel quel… mais on préconise seulement de repenser l’accès aux parkings.


Ce quartier a déjà subi moult dégradations du même type par le passé, encore récemment, avec des résultats peu probants, il faut l’avouer (voir photo ci-dessous).

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Il est fondamental que les projets immobiliers, quels qu’ils soient, s’adaptent à leur environnement urbain, architectural et historique, et non l’inverse. Dans le cas présent, on ne respecte pas ce « principe ». Qui plus est, l’avis des habitants du quartier n’a jamais été pris en compte alors que ceux-ci sont les premiers concernés. Aujourd’hui, cette tribune offerte par La Gazette du Patrimoine, permet de témoigner de cette situation qui n’est pas isolée à Béziers et en France. Au nom de la qualité de vie et de la modernisation nécessaire, on justifie bien trop régulièrement la destruction. Cela témoigne de l’absence d’une véritable politique à l’échelle des quartiers. Ces derniers doivent être délimités, puis requalifiés dans leur ensemble, pour conserver une unité et une authenticité. Il est également fondamental de faire émerger une vision partagée pour le bon devenir d’un territoire. En 2020, au sein de son Site Patrimonial Remarquable, à moins de 500m de deux Monuments Historiques que sont la cathédrale Saint-Nazaire et Saint-Celse et l’église Saint-Jacques, aux abords de la Via Domitia, il est aberrant de voir la ville prendre une telle décision. Un équilibre architectural et pittoresque de cet ancien quartier risque d’être rompu pour faciliter la circulation automobile d’une « nouvelle population » qui ne vit pas actuellement dans cet endroit et de fait n’y est pas attachée. Comme mis en avant dans le journal de la ville, « ce qui se fait de mieux » — la « modernité » et « un architecte de renom » — ne doit pas devenir un argument pour se débarrasser d’un patrimoine laissé à l’abandon depuis des décennies. Il est à noter que des maisons similaires non loin de là ont été préservées et restaurées. Il faut donc assumer l’héritage des précédentes municipalités et relancer une réelle politique d’aménagement urbain pour le bien de la population et non pour des intérêts privés. Hadrien Ginouvez Président de l’Association pour la Protection du Patrimoine Biterrois (APPB)

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