Si les démolitions sont un véritable fléau, la défiguration de nos paysages l’est tout autant. Entre champs de panneaux photovoltaïques (nouvelle tendance très à la mode depuis quelque temps), méthaniseurs et champs d’éoliennes terrestres ou en mer, rien n’épargne nos territoires. Si les grandes agglomérations sont relativement à l’abri de ces types de projets, nos territoires ruraux et maritimes sont de plus en plus impactés. Alors, oui, nous entendons bien les voix des écologistes qui brandissent ces solutions comme des solutions d’avenir pour notre pauvre planète, mais pourquoi s’acharner à vouloir tout défigurer, et surtout imposer de nombreuses nuisances aux habitants de ces territoires, qui sont des victimes impuissantes de ces pseudos solutions écologiques.
Sans parler de l’impact sur le tourisme, qui est pourtant l’un des moteurs de notre économie.
Vous avez déjà vu des touristes se presser pour visiter un champ de panneaux photovoltaïques, respirer le bon air d’un méthaniseur, ou s’émerveiller devant un bel alignement d’éoliennes ? Nous, pas.
Toute cette mouvance de la bien-pensance écologiste devrait plutôt se mobiliser contre la recrudescence des chantiers de démolition qui génèrent des millions de tonnes de déchets.
En attendant, voici un bel exemple de défiguration d’un territoire, et d’un combat de tous les instants, porté par l’association Les Gardiens du Large :
Industrialisation massive de la mer côtière par l’éolien maritime, une nouvelle Urgence Patrimoine !
Les lecteurs de la Gazette du Patrimoine le savent bien, la sauvegarde du patrimoine est un combat incessant et parfois un rocher de Sisyphe ; et ce patrimoine, légué par nos ancêtres et que nous avons à transmettre aux générations futures est non seulement immobilier, mais aussi paysager et naturel (biodiversité). Or, nos littoraux, paysages et sites maritimes remarquables sont aujourd’hui menacés par un tsunami de cinquante zones industrielles éoliennes, aimablement appelées parcs, à faible distance des côtes.
Ainsi, au sud de la Bretagne, le parc dit de Saint-Nazaire (en fait plus proche de la péninsule de Guérande) comprend 80 éoliennes de 180 mètres de hauteur, entre 12 et 20 km des côtes. Pour Bretagne-Sud, en cours d’appel d’offre, ce seraient 62 éoliennes de 260 m (Tour Montparnasse 210 m), entre 15 et 22 km de Belle-Île et 29 km de Groix. La superficie de chacun de ces parcs est au moins équivalente à celle de Belle-Île et la hauteur des éoliennes bien supérieure à son point culminant (70m) !
Les ravages visuels sont déjà massifs et le seront encore plus. Ainsi Michelle Quellard, maire du Croisic : « Notre côte n’a plus rien de sauvage...La vue que l’on en a a bien changé, l’horizon face mer est obstrué par un site de 78 km2 » ; Marie-Catherine Lehuede, maire de Batz-sur-Mer: «Les éoliennes, qui devaient être à peine perceptibles, sont aujourd’hui trop visibles de la côte. En tant que citoyens batziens, nous sommes tristes de voir la ligne d’horizon dénaturée sur l’ensemble de notre littoral ». Nombre d’autres élus locaux regrettent maintenant un choix dont les conséquences ne peuvent sûrement pas être compensées par la taxe éolienne que l’Etat leur a fait miroiter et estiment avoir été dupés par les photomontages des maîtres d’œuvre minorant de façon éhontée l’impact des éoliennes. Dans un avis conjoint avec l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts a justement qualifié ces pratiques de « simulacres d'intégration plastique ». (Quelle place pour les éoliennes dans le mix énergétique français ? février 2022)
Et ne parlons pas des études d’impacts sur la biodiversité, simulacres elles aussi, qui ont lieu après le choix des zones et sont réalisées en un temps record par des cabinets rémunérés par les promoteurs éoliens qui peuvent en changer à tout moment. (voir à ce sujet le remarquable dossier de Sea-Shepherd intitulé Les Vents de la Colère)
Parmi les paysages exceptionnels qui seront fortement impactés, mentionnons le golfe du Morbihan et la baie de Quiberon, qui figurent dans le classement international des 43 plus belles baies du monde, aux côtés des baies de Rio et d’Along ; des îles, telles Hoëdic, qui a illustré l’été dernier une campagne de promotion du tourisme dans le métro parisien et qui voit maintenant son horizon barré par une ligne d’éoliennes ; de nombreux sites remarquables de Belle-Île, telles les aiguilles de Port Coton immortalisées par Monet et le fort de la Pointe des Poulains, dernière résidence de Sarah Bernhardt ; de Groix, telles les falaises de Pen Men-Beg Melen, seule réserve naturelle à intérêt minéralogique de France. Quant à l‘atterrage, les travaux de la ligne haute tension de connexion au réseau national affecteraient soit le site des Menhirs du Sud- Morbihan, proche de Carnac et qui fait l’objet d’une demande d’inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco, soit la zone littorale dunaire proche d’Erdeven, qui a obtenu le label Grands Sites de France.
Quant à la biodiversité, ce ne sont pas moins de 6 zones Natura 2000 proches qui pourraient être affectées : l’archipel Houat Hoedic, (habitat des oiseaux marins), Groix (faune caractéristique des habitats rocheux), Belle-Île (faune et flore prioritaires à distribution européenne très restreinte), la Presqu’île de Rhuys-Golfe du Morbihan (hivernage et migration des oiseaux européens), la baie de Quiberon (directive oiseaux et diversité pélagique), la Ria d’Etel (faunes et flores subtidales particulières).
Cette richesse patrimoniale particulièrement forte explique l’opposition très vive de M. François Goulard, ancien ministre, ancien Secrétaire d’Etat à la Mer et alors Président du Conseil Départemental du Morbihan à ce projet Bretagne Sud : «Il s’agirait d’un préjudice considérable pour notre région ; pour les pêcheurs, qui perdraient l’accès à une ressource très riche ; pour le tourisme, en raison de la perte d’attractivité d’une nature défigurée… Ce projet serait un crime contre une nature d’une beauté insurpassable. Transformer la mer côtière en zone industrielle est tout bonnement insensé ». Ou, plus récemment, lors d’un colloque du Cérémé (Centre d’Etudes des Réalités écologiques et du Mix Energétique) : « Implanterait-on des éoliennes dans le parc du château de Versailles ? »)
Malheureusement, trop d’élus locaux et nationaux sont, au prétexte de lutter contre le changement climatique et par ignorance, prêts à accorder aux promoteurs de l’industrie éolienne en mer des passe-droits qui seraient refusés à n’importe quelle autre industrie. En fait, les projets massifs d’éolien off shore sont nuisibles pour le climat (en raison d’un back-up fossile indispensable), économiquement aberrants, dangereux pour la sécurité d’approvisionnement et ravageurs pour nos paysages, la biodiversité et l’économie locale, en particulier la pêche. Ils n’ont aucune raison de bénéficier d’une « Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur » exorbitante du droit commun, ni besoin d’accélération : ce qui s’impose surtout, c’est un moratoire !
Ces superbes paysages marins sont le patrimoine du peuple français, un patrimoine qui a bénéficié d’efforts importants de conservation, et dont nous pensions que nul ne pourrait nous l’enlever. Comme l’a écrit l’Académicien Jean-Marie Rouart, nous sommes « reliés à eux par un mystérieux cordon ombilical », ils nous font cadeau d’une « idée de l’harmonie, de la paix, d’un équilibre qui sont un privilège… Ces paysages ont des vertus nourricières: le lien immémorial que l’homme entretient avec eux lui confère un équilibre, un sens de la beauté, et un respect de la vie irremplaçables. » (La mort du paysage français, Le Figaro, 06/11/2022). L’horizon libre, cette vue, cette sensation immémoriale, va disparaitre d’une grande partie de nos littoraux.
Si le littoral et les paysages terrestre bénéficient de lois de protection spécifiques, il n’en va pas de même du paysage maritime, et de ce point de vue, la Montagne Sainte Victoire et les Aiguilles de Port Coton ne sont pas sur un pied d’égalité ! C’est pourquoi la mobilisation de la société civile et des associations de défense du patrimoine et des milieux naturels contre ce tsunami d’usines éoliennes qui menace nos côtes est essentielle. Les Gardiens du Large remercient Urgence Patrimoine pour son soutien et pour nous avoir permis de mieux faire connaitre aux défenseurs du patrimoine ce nouveau et redoutable défi.
Éric Sartori membre de l’association Les Gardiens du Large
L’association Les Gardiens du Large, particulièrement implantée sur Quiberon, Belle-Île, Groix et la côte du Morbihan, a pour but d'œuvrer pour la protection et la conservation (paysage, biodiversité, activités traditionnelles et économiques) des espaces maritimes & littoraux français et le respect des engagements climatiques. A ce titre, elle est tout particulièrement opposée à toute implantation