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Ce n’est hélas pas la première fois que l’église de ce paisible village d’une centaine d’âmes, située dans le département du Calvados, est victime d’actes de vandalisme. Déjà en 2017, à plusieurs reprises, des personnes mal intentionnées avaient déplacé les bancs, et s’en étaient pris à certains objets de culte, puis, lors d’un autre épisode, avaient découpé un tableau à l’aide d’un cutter.

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Cette fois, dans la nuit du dimanche 3 mai, c’est un incendie volontaire qui a dégradé l’édifice. Le combustible utilisé serait probablement du fioul qui s’est embrasé, en détruisant une des portes d’accès à l’église. Si les dommages ont été limités grâce à l’intervention rapide des pompiers, l’installation électrique a souffert et l’intérieur est maculé de noir de fumée, ce qui nécessitera un important nettoyage et une surveillance de la structure puisque certaines pierres ont été exposées à de fortes températures. La même nuit, à quelques kilomètres de là, un tracteur a été incendié sur le même mode opératoire. Hasard ou coïncidence, l’enquête qui a été ouverte nous en apprendra peut-être un peu plus dans les semaines à venir.


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Quoiqu’il en soit, cet incendie a fortement choqué les habitants du Marais-La-Chapelle, qui ne comprennent pas pourquoi quelqu’un s’en prend à ce patrimoine communal depuis plusieurs années.



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Victor Hugo qui fit la guerre aux démolisseurs serait bien consterné de nos jours. Je n'imagine pas son chagrin face à Notre-Dame, ravagée par les flammes. La cathédrale, qu'il sauva avec Viollet-le-Duc et Lassus, est un symbole, comme son combat. N'oublions jamais ces hommes, comme lui, comme Alexandre Lenoir et d'autres encore à qui l'on doit une prise de conscience patrimoniale puis l'élaboration d'un cadre législatif dans l'espoir de sauver ou à tout le moins de préserver les témoignages de notre grand passé. L'indignation de Hugo, le travail acharné des grands restaurateurs du XIXe siècle à nos jours sont nôtres. Notre combat pour le patrimoine, quel qu'il soit, n'est ni vain ni d'arrière-garde.



Non seulement, aujourd'hui, un nombre impressionnant d'églises nécessitent des restaurations, mais en plus certaines sont de plus en plus vandalisées voire pillées. De très beaux objets liturgiques, accumulés au fil des siècles, faisaient la gloire de l'église Saint-Saturnin-de-Séchaud à Port d'Envaux en Charente-Maritime, connue pour être une sorte de musée d'art religieux.


C'est le samedi 22 février 2020 que l'église a été profanée. Monsieur le Maire du village indique « qu'il y a eu effraction par une petite fenêtre qui donne sur la sacristie. Des objets de culte d'une grande valeur ont été dérobés, notamment dans une armoire, avec pratiquement l'intégralité du trésor emporté. Ils ont fracturé les tabernacles des autels pour en voler les calices ».



Le Père Feliho, curé de la paroisse, le maire et les villageois sont, bien sûr, sous le choc. De tels actes n'étaient plus arrivés depuis des dizaines d'années. Une messe de réparation sera célébrée le 2 mars à 18h30, l'église ayant été profanée.


Si vous pouvez vous y rendre, vous verrez surgir soudain, quittant Port-d'Envaux en direction du hameau de Saint-Saturnin-de-Séchaud, au bout de la ligne droite, l'aimable façade gothique flamboyant, œuvre délicate du XIXe siècle, de cette charmante église qui est tel un précieux écrin. L'abside, le chœur, le carré du transept à coupole sur trompes et les croisillons sont romans bien que très remaniés. On peut estimer que l'ensemble des vestiges romans actuellement visibles, dont les bras du transept font également partie, remonte aux premières décennies du XIIe siècle. Si une église antérieure a existé, il n'en reste rien.


On va du transept à la nef par des passages étroits comparables à ceux de l'Abbaye-aux-Dames de Saintes, de Geay et surtout à ceux du Berry. La nef possède des voûtes d'ogives du XIIIe siècle. Au chevet, des arcatures alternent avec les fenêtres. Sur la souche romane du clocher carré a été monté un étage gothique à baies trilobées. A l'aide d'une chambre de refuge à créneaux et meurtrières, l'église a été fortifiée au XVe siècle.



L'intérieur de l'église est un véritable musée d'art liturgique, notamment du XIXe siècle. Statues, candélabres, lustres, vitraux, autels sont des exemples parfaits de la magnifique production d'un temps où le style gothique avait été remis à l'honneur. Le mobilier de grande qualité, le bronze, les marbres, les peintures ont été employés avec justesse et créent une ambiance de solennité exceptionnelle. La chaire aux élégantes colonnettes de marbre de différents coloris fait l'admiration des visiteurs. La statue de Jeanne d'Arc, au-dessus, est particulièrement réussie. A l'entrée du chœur, vous pourrez voir le chapiteau des trois âges de la Vie, œuvre des frères Arnold, sculpteurs originaires de Saintes. La voûte du chœur présente, elle, une somptueuse décoration néo-classique à caissons peints en trompe-l’œil du plus bel effet.




Si vous vous déplacez , vous remarquerez aussi que le clocher est surmonté du drapeau français. Il date de la Seconde République (1848-1852), la commune étant une des rares à avoir conservé ce symbole de l'élan patriotique de cette époque.

Dans ce délicieux village, dont la devise est « Sol omnibus lucet » (le soleil brille pour tout le monde), vous ne manquerez pas la prévôté où l'on gardait les larrons reconnus coupables sur les villages alentour, la chaussée romaine (reconstruite au XIIe siècle, Saint-Louis l'aurait emprunté en 1242) immortalisée par Delacroix dans son tableau «La Bataille de Taillebourg» et le Fief de la Tour, maison forte du XIVe siècle, face à l'église. Pendant la Guerre de Cent Ans, y logeait le sénéchal anglais nommé par le Roi d'Angleterre et chargé de la justice.


Vous pouvez retrouver Saint-Martin-de-Séchaud dans mon livre La Charente-Maritime pour les Curieux, aux Éditions Le Passage des Heures à Saint-Savinien.


François Hagnéré

Historien de l'art et de l'architecture

Rochefort, le 27 février 2020.


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Crédits photographiques : François Hagnéré

  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak-Romanski
    Alexandra Sobczak-Romanski
  • 21 févr. 2020

Il y a quelques jours, un énième acte de vandalisme a eu lieu dans une église du Nord, à Herlies. Comme nous le constatons assez souvent, ce sont des jeunes qui sont responsables des dégradations. Sans doute désœuvrés, ils n’ont trouvé rien de mieux à faire que de tirer à la carabine à plomb dans les vitraux, dont un plus particulièrement.

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Certains verront des provocations contre les chrétiens or, bien souvent ce sont des actes « gratuits » perpétrés par de très jeunes gens qui n’ont pas forcément la culture du patrimoine et encore moins du patrimoine religieux. Posons-nous alors la question quant aux responsabilités qui conduisent à de tels comportements. Si le patrimoine en général et le patrimoine religieux en particulier étaient mieux entretenus et valorisés, alors nous observerions sans doute une baisse sensible de ces actes. Car quel exemple est donné à cette jeunesse désœuvrée ? Des églises fermées car trop dégradées, des châteaux rasés pour construire des zones pavillonnaires, des ponts et autres « ouvrages d’art » démolis pour laisser place à des structures modernes, et ne parlons pas des cimetières qui parfois ressemblent à des champs de ruines. Si l’on additionne tout cela, alors ne soyons pas étonnés du résultat. Un pays qui ne respecte pas son patrimoine, et encore moins ses morts, ne peut imposer qu’il soit respecté.

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Alors si nous voulons faire cesser en partie ces actes de vandalisme « gratuits », il faut montrer l’exemple à nos jeunes et faire en sorte que le mot patrimoine puisse avoir du sens pour eux. « Relevons nos pierres pour relever la tête », c’est une évidence. Et surtout éduquons pour ne pas avoir à rééduquer. Lire l’article de La Voix du Nord ici.

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Crédits photographiques : photos 1 et 2 : La Voix du Nord ; photo 3 : Ouest France.

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