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Il y a de tristes coïncidences dans l’histoire. Près de deux ans après la démolition de « notre » Chapelle Saint-Joseph à Lille, c’est autour d’une chapelle éponyme d’être en proie à la promotion immobilière au Mans.


 


Même si, pour le moment, aucun permis de démolir ne semble être acté, le projet est très abouti, comme on peut le voir sur le visuel du cabinet d’architecte en charge de de la « défiguration » du quartier.


 


Si nous ne pouvons pas lui jeter la pierre — car il a simplement répondu à un appel d’offre — on peut lui reprocher de ne pas avoir su intégrer l’existant et ainsi conserver l’âme du quartier.


 


À ce stade, nous ignorons si les sœurs propriétaires des lieux ont émis l’idée de conserver l’édifice ou non dans le projet. Toujours est-il que leur choix a été de sacrifier ce témoin de l’histoire collective.




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Nous sommes toujours très en colère contre les élus démolisseurs, mais nous le sommes encore plus lorsque c’est l’institution catholique elle-même qui pratique la politique de la « Tabula Rasa ».


 


Heureusement, l’alerte a cette fois été donnée très tôt, ce qui nous laissera plus de temps pour les recours légaux. En tout cas, comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois l’issue sera plus heureuse.


 


En attendant, voici l’article de l’auteur de la pétition qui a été lancée pour dire « non à la démolition de la Chapelle Saint-Joseph au Mans », qui résume parfaitement la situation. Nous vous invitons d’ailleurs à signer cette pétition en fin d’article.


 


Alors comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois, l’issue sera plus heureuse.


 

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Au Mans, il est une chapelle que nul voyageur quittant la gare ne peut manquer. A l’angle de l’avenue du général Leclerc et de la rue Gastelier, la chapelle Saint-Joseph domine le quartier de la gare depuis la moitié du XIXème siècle. A cette époque, l’évêque du Mans et le curé de Notre-Dame de la Couture concèdent un terrain au Sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loir qui y établissent, en 1864, un pensionnat pour jeunes filles.



Tout au long du XXème siècle, l’école connaîtra plusieurs difficultés, notamment du fait de la loi de séparation des Église et de l’État et de la Seconde guerre mondiale. Toutefois, l’école tient bon, de nombreux bâtiments sont construits au gré des années et l’établissement scolaire que nous connaissons aujourd’hui prend son véritable essor dans les années 1970. L’établissement a alors toutes les infrastructures pour prospérer dans l’enseignement catholique : des locaux et une chapelle.


 

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La chapelle est construite sur le terrain donné aux sœurs au XIXème siècle. De style néo-roman, surmontée d’une grande croix celtique, dotée d’un grand portail en bois sculpté, elle fait partie du quotidien de l’ensemble des Manceaux dans la mesure où l’édifice se situe dans l’artère principale conduisant à la gare. La messe publique y est encore dite l’été, en particulier par le chanoine de la cathédrale du Mans, Daniel Sesbouë, jusqu’au milieu des années 2010. Désormais, seuls les élèves et l’administration de l’École-Collège Saint-Joseph savent ce qui est fait des lieux puisque la chapelle n’est plus ouverte au public, l’édifice accusant de sérieuses faiblesses structurelles.


 


En effet depuis de très nombreuses années, la chapelle subit les affres du temps sans que les tenants du lieu n’aient pris les mesures qui s’imposaient pour la préservation de ce lieu emblématique du quartier de la gare ayant vu passer de très nombreux Manceaux.


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Au cœur du problème, logiquement, l’administration scolaire, affectataire des locaux, et les sœurs de Ruillé-sur-Loir, propriétaires des lieux. Par incidence, le diocèse du Mans, qui depuis des dizaines d’années n’a pas cru bon de se pencher sur la préservation du patrimoine dont il a déjà la charge. En témoigne le chantier pharaonique de l’installation de la fameuse croix de Goudji dans le chœur de la cathédrale, une enveloppe à 100 000 euros pour un diocèse qui peine à mobiliser pour le denier. En témoigne encore la destruction de la chapelle du Centre de l’Etoile, l’ancienne maison diocésaine ayant déménagé à la nouvelle et coûteuse Maison Saint-Julien réalisée pour la bagatelle de 9,5 millions d’euros dont on s’est aperçu, après coup, que la nouvelle chapelle était trop petite. L’argument financier n’est clairement pas plausible concernant l’état désastreux de la chapelle Saint- Joseph, celui de l’absence totale de vision l’est.


 


Il y aurait encore beaucoup à dire sur la manière dont l’Église gère ses biens, à n’en pas regretter le Concordat de 1802 dans la mesure où l’État se montre souvent plus respectueux des pierres édifiées par des générations de Français que l’Église catholique. Là n’est cependant pas la question.


 Il s’agit tout bonnement de démolir l’actuelle chapelle pour, d’après le diocèse, rebâtir « un nouveau lieu de culte ouvert sur le quartier et l’établissement qui sera reconstruit en lieu et place de la chapelle vouée à une démolition inéluctable . » Un tel mépris du patrimoine commun des manceaux tant en termes d’urbanisme, de style que de pauvreté de la dimension spirituelle ne peut être qu’inacceptable.


 


En termes d'urbanisme d'abord, car l'aseptisation et l'uniformisation grandissantes des grands centres urbains nuit profondément à l'attractivité de quartiers entiers qui finissent tous inéluctablement par être délaissés au profit d'un hypercentre toujours plus gentrifié, là où se trouvent les « belles pierres » à forte plus-value immobilière que la majorité des citoyens aiment. En outre, la faible identification des lieux conduira nécessairement à une absence d'appropriation par les citoyens de leur quartier puis sa désertification, renforçant la fracture sociale vécue par les habitants d'un quartier sans centre de gravité ni intérêt patrimonial.


 


En termes esthétiques ensuite, car un tel projet soulève de fortes interrogations en matière de respect de l'identité propre du quartier au sein duquel se côtoient d'anciennes maisons bourgeoises, des hôtels particuliers du XVIIIème siècle, l'hôtel Concordia et le square Léon Bollée, traduisant des styles s'harmonisant largement dans un bel ensemble immobilier. Le projet présenté par le cabinet DELAROUX, loin de l'objectif de moderniser l'ensemble, le dénature en profondeur car ne s'inscrivant pas en cohérence avec celui-ci, à plus forte raison que l'imagerie 3D nous présente un bâtiment vu et revu ne tirant pas son épingle du jeu de la création contemporaine. Une réfection de la chapelle, qui en a bien besoin car délaissée par les administrations scolaires successives, marquerait le signe d'une volonté de faire coexister durablement dans la cité différentes époques dialoguant entre elles, plutôt que parcelliser et diviser toujours plus le patrimoine manceau.


Il y a quelques années, un projet de réaménagement a été évoqué par les affectataires des lieux afin de remettre aux normes les installations de l’école Saint-Joseph, parmi lesquelles la chapelle. Il a été décidé d’emblée de la vouer à la démolition. Enterré depuis, le projet a resurgi en octobre 2022 avec un article du Maine libre traduisant les intentions concrètes de l’administration scolaire et des sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loire à l’horizon 2023. Ces intentions doivent être concrétisées par le cabinet Delaroux, architecte local, qui a délivré à la presse un dessin 3D de ce que serait le futur de la chapelle Saint-Joseph.

En termes spirituels enfin, car le projet ne permet pas de marquer pertinemment le rayonnement de la présence catholique au sein du quartier de la gare que la chapelle Saint-Joseph, par son architecture néo-romane du XIXème siècle, opère depuis de si nombreuses années. La destruction de la chapelle, en plus de traduire une aversion pour le patrimoine commun des manceaux, marquerait aussi une hostilité envers le besoin de l'Église d'habiter la société en se faisant reconnaître « au premier coup d'œil » par les citoyens dont la plupart conserve un sens aigu de l'iconographie chrétienne.


 


Ainsi, une pétition est lancée pour alerter le diocèse et faire connaître au plus grand nombre, particulièrement aux familles qui souhaiteraient scolariser leurs enfants à l'école Saint-Joseph, les projets de l'établissement. Il est demandé de suspendre a minima la destruction de la chapelle pour lui donner une nouvelle jeunesse méritée respectueuse du patrimoine commun des Manceaux tant historique que spirituel.


 


Le patrimoine commun vaut mieux que la somme de tous les intérêts individuels.


 

Alban Philippe, manceau


 


C’est à l’occasion de la fête des Mousquepierres, l’association locale de sauvegarde de la chapelle Saint-Martin de Maintru, qu’Aurélien Ratieuville, dirigeant de l’entreprise Maçons d’Aôtefois, et plusieurs membres de son équipe sont venus restaurer bénévolement le calvaire érigé devant la chapelle Saint-Martin.


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Membre d’Urgences Patrimoine, Aurélien était venu visiter la chapelle lors de la signature de notre convention avec les Mousquepierres et c’est très spontanément qu’il avait proposé de prendre en charge, gracieusement dans le cadre du mécénat de compétences, la restauration du calvaire.



Il l’a dit, ils l’ont fait !!!



L’équipe était intervenue une première fois quelques jours avant afin de préparer le chantier et c’est donc en public, sous une chaleur accablante , que les généreux artisans ont réalisé la réfection du petit édifice. Il ne manquera plus qu’un petit nettoyage de la pierre et le calvaire aura retrouver toute sa superbe.


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Afin de faire connaître leur savoir-faire, une démonstration de taille de pierre était organisée parallèlement, et le public a pu découvrir que ce formidable métier n’est pas exclusivement exercé par des hommes.


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Cette opération s’inscrit dans le cadre de notre dispositif « Un Geste à l’Édifice », qui permet de restaurer des petits éléments du patrimoine pour lesquels il n’existe aucun budget.



Jusqu’alors, ce sont essentiellement des tableaux oubliés de nos petites églises rurales qui ont bénéficié des bons soins de nos généreux artisans, donc ce calvaire est une première. Souhaitons qu’il y en ait beaucoup d’autres.



Au nom d’Urgences Patrimoine, nous remercions ces généreux artisans qui offrent leur temps et leur savoir-faire, pour la sauvegarde du petit patrimoine des territoires.


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Bien évidemment, tout reste à faire pour la chapelle Saint-Martin, mais grâce au dynamisme de l’association Les Mousquepierres, sous l’impulsion de son président, Damien Colin, et du soutien d’Urgences Patrimoine dans le cadre de l’opération « 1001 chapelles », les choses sérieuses devraient commencer très prochainement, avec l’aide précieuse de Maçons d’Aôtefois, dont la restauration du bâti ancien normand est la spécialité.



À suivre …



C’est la députée des Alpes-Maritimes, Madame Laurence Trastour-Isnart qui a interpelé la ministre de la culture, Madame Roselyne Bachelot, au sujet des démolitions du patrimoine Français.


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Sa question avait été publiée au Journal Officiel le 12 janvier 2021. La ministre a fait connaître sa réponse le 13 avril, soit trois mois et une démolition plus tard, puisqu’entre temps « notre » chapelle Saint-Joseph est tombée. Ce qui en premier lieu prouve bien que le patrimoine est tout sauf un sujet de premier plan, puisqu’il faut trois mois pour obtenir une réponse à une question.


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Enfin, une réponse : pas vraiment. Car Madame Bachelot botte en touche, en faisant certes une longue description des faits, notamment pour la Chapelle, mais ouvre son parapluie en mettant en avant l’intérêt de l’État pour les Monuments Historiques.



Or la question posée était bien plus générale. Il s’agissait bien d’une interrogation liée aux démolitions du patrimoine français et non sur les mesures d’accompagnement de la sauvegarde des Monuments Historiques. Aussi nous demandons-nous ce que viennent faire le plan de relance et le loto dans une réponse concernant les démolitions.



Là où nous sommes d’accord, c’est qu’il est impossible de protéger au titre des Monuments Historiques l’ensemble du patrimoine des territoires, car une protection induit des aides financières de l’État et il lui serait totalement impossible de tout financer.



En revanche, il serait peut-être temps de trouver un compromis pour protéger certains édifices de la démolition sans pour autant être obligé de « passer à la caisse ».



Se réfugier sans cesse derrière la sacro-sainte appellation « Monument Historique » finit par autoriser sans impunité le « patrimonicide » auquel nous assistons impuissants. Car il ne se passe pas un jour, sans que nous soyons alertés d’un projet de démolition quelque part en France. Souvent, la réponse des « démolisseurs » est la même : l’édifice n’était pas classé, donc n’avait aucun intérêt.


Peut-être n’avait-il aucun intérêt sur le plan national, mais localement, inscrit dans un ensemble architectural cohérent il en avait forcément. C’est ce que nous avions essayé de démontrer pour la chapelle Saint-Joseph, puisqu’elle faisait écho au Palais Rameau situé juste en face, réalisé par le même architecte, mais qui lui, avait « la chance » d’être classé.



Bien évidemment, cet argument n’a pas retenu l’attention du ministère de la culture qui a considéré la chapelle comme « non remarquable ». Non remarquable ? Pourtant n’oublions pas que plus de 100 universitaires et professionnels du patrimoine avaient signé une tribune pour plaider la cause de Saint-Joseph et avaient démontré son indiscutable intérêt architectural. Lire l’article ICI.



Profitons de cet article pour rappeler les propos de Madame Martine Aubry, Maire de Lille et grande amie de Madame Bachelot : « Les experts ont donné leur accord pour que l’édifice soit démoli, donc personne de peut contester cet accord. » En fait, quand Madame Aubry parle d’expert, elle fait référence à la seule architecte des Bâtiments de France qui a délivré un avis conforme au projet de démolition. C’est donc sur l’avis d’une seule et même personne que 130 d’histoire locale ont été anéantis en quelques jours.


Peut-être serait-il judicieux, de ne pas se contenter de l’avis d’une seule personne lorsqu’il s’agit de démolir ? Car « l’extermination » du patrimoine des territoires ne peut dépendre d’un avis régalien motivé parfois par des raisons qui nous échappent.



Cependant, tous les ABF ne se rendent pas complices de cette « tabula rasa » actuelle, car dans le cas de la maison de la Maison Berweiller à Sierck-les-Bains, c’est en grande partie grâce à l’avis de l’ABF et du soutien de la DRAC que l’édifice va sans doute s’inscrire dans l’avenir.


Au passage, il est important de rappeler qu’Urgences Patrimoine est à l’origine de la mobilisation en faveur de la Maison Berweiller et que, sans cette alerte, elle serait déjà probablement démolie. Cette alerte aura permis une forte mobilisation locale et l’appui de l’ensemble des associations nationales de sauvegarde du patrimoine.



Une parenthèse à ce sujet : les choses avancent doucement à Sierck-Les-Bains, mais désormais, la DRAC et la commune font cavaliers seuls au mépris de l’association locale qui n’a pourtant jamais ménagé ses efforts. Encore une fois, le simple citoyen, aussi engagé soit-il, doit laisser place « aux experts » sans broncher, même quand la genèse de l’action de sauvegarde est de sa propre initiative. (Nous publierons prochainement un article complet sur l’avancée de cette affaire, c’est édifiant.)



Toujours est-il que nous aimerions bien entendre un jour Madame la ministre de la culture s’exprimer sur l’avenir du « petit patrimoine des territoires », celui qui ne bénéficie d’aucune protection et qui est la première victime de la promotion immobilière, qui, au nom de la modernité emporte avec elle des centaines de témoins de notre histoire collective dans l’indifférence générale.



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Nous nous permettons de rappeler à Madame la ministre, qu’il n’y a pas de grand ou de petit patrimoine. Il y a LE patrimoine.



La photographie suivante prise au milieu des gravats encore fumants de Saint-Joseph résume parfaitement la situation : on brasse beaucoup d’air autour de cet épineux sujet, mais aucune mesure concrète n’est prise. Si c’est juste à cause d’un manque d’idées, nous avons un grand nombre de propositions de lois qui résoudraient bien des problèmes et qui ne coûteraient pas cher à l’État. Mais dans les « hautes sphères » on se garde bien d’écouter la voix d’une association citoyenne.

En tout cas, nous profitons de cet article pour remercier Madame Laurence Trastour-Isnart d’avoir posé cette question à Madame Bachelot, car il est rare qu’un parlementaire s’intéresse à cette cause. C’est d’ailleurs en raison de ce manque d’intérêt que nous avions publié une annonce sur Le Bon Coin, afin de trouver un parlementaire courageux qui porterait la voix du patrimoine, au moment où nous tentions tout pour sauver la chapelle. Certes, c’était un trait d’humour dans le fracas d’un dur combat, mais en tous les cas Madame s’est exécutée et elle a bien porté la voix de Saint-Joseph à l’Assemblée. Il aura fallu trois mois et la démolition de la chapelle pour que Madame la ministre de la culture réponde… à côté.


Enfin, Madame Bachelot aurait pu rajouter pour étayer ses propos concernant toutes les procédures qu’Urgences Patrimoine a intenté pour sauver la chapelle Saint-Joseph, que l’État nous a condamné à payer 1000 euros pour avoir eu l’outrecuidance de défendre ce que nous estimions être un élément du patrimoine national, ce qui a suscité l’indignation générale, à commencer par Stéphane Bern, le Monsieur Patrimoine d’Emmanuel Macron, très présent et nous l’en remercions lors de ce combat.



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