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Alors qu’aux Invalides on s’apprête à restaurer le tombeau de Napoléon, à Rouen on l’envoie aux oubliettes.



Si Sainte-Hélène est bien connue pour être la terre d’exil de Napoléon Bonaparte, il se pourrait bien que Rouen se positionne sur ce « même créneau ».



Le Maire de Rouen souhaite remplacer la statue équestre de Napoléon sur la place de l’Hôtel de ville par une « figure féminine », mettant ainsi fin à 155 ans de règne de l’Empereur.


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Certes, la statue retirée de son piédestal en juillet dernier est bien partie en convalescence pour soigner ses fragilités dues aux usures du temps, mais une fois restaurée, elle devait retrouver son emplacement d’origine. C’est ce qui avait été clamé haut et fort par le maire de Rouen.



Certaines « mauvaises langues » avaient vu dans ce retrait une volonté de faire disparaître définitivement Napoléon de cette place pour faire dans le « politiquement correct »mais, naïvement sans doute, nous n’y avons pas cru une seconde. Au contraire, nous avons même cru que suite aux événements qui conduisaient bon nombre de statues par terre dans le monde entier, cette mesure était une façon de mettre l’œuvre en sécurité.



Nous nous sommes trompés.



Alors cette restauration était-elle l’alibi d’une éviction préméditée ? C’est tout à fait possible.

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Pour rappel, cette statue du sculpteur Vital-Dubray,avait été érigée en 1865 et inaugurée en grandes pompes. Le bronze utilisé provenait des canons de la guerre d’Austerliz : tout un symbole.


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La question qui se pose aujourd’hui est : les élus ont-ils le droit de vie ou de mort sur le patrimoine de leur commune ? Certes, les Rouennais doivent être consultés, mais visiblement pas pour dire « stop ou encore » à Napoléon, mais pour choisir la « figure féminine » qui le remplacera.



Certes, il ne faut pas être contre la modernité et la mise en place d’œuvres contemporaines qui un jour seront-elles aussi considérées comme patrimoniales, mais mettre au rebut les statues emblématiques d’une ville pour les remplacer sur la seule volonté d’un élu nous semble totalement inopportun, voire provocant.



Le Président Macron dans une de ses allocutions avait bien affirmé qu’en France on ne déboulonnerait aucune statue. Alors à moins que l’information nous ait échappée, mais, jusqu’à preuve du contraire, Rouen est bien encore en France.



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Certes, la volonté du maire fraîchement nommé est de faire de Rouen la capitale de la Culture, mais nous ne sommes pas certains que faire table rase du passé de la ville soit une bonne stratégie. D’autant que cette place de l’Hôtel de Ville est immense et que Napoléon pourrait parfaitement cohabiter avec des œuvres contemporaines. Patrimoine et modernité sont des mots qui peuvent aller très bien ensemble, à partir du moment où l’on respecte l’identité propre des œuvres.



Une ville ne doit pas rester figée, elle doit pouvoir s’enorgueillir de s’enrichir culturellement au fil des ans. Mais s’enrichir, c’est ajouter quelque chose et, en aucun cas, retirer l’existant. D’autant que sur l’ensemble du territoire, nous avons perdu de nombreuses statues en bronze pendant la guerre, fondues pour récupération sous le gouvernement de Vichy.



Alors cette décision unilatérale nous semble surréaliste de nos jours, même si le maire évoque la possibilité d’installer l’œuvre de Vital-Daubray dans un autre quartier de Rouen.



De plus, n’oublions pas que ce genre de « fantaisie » a un coût. L’extraction du piédestal toujours en place, son déplacement, et les fondations pour l’accueillir risque de se faire à grands frais. Alors même que la ville a du mal à entretenir son remarquable patrimoine, qu’elle a été contrainte de vendre plusieurs de ses églises, nous ne sommes pas certains que les contribuables Rouennais voient d’un bon œil ce tripatouillage.


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Si Napoléon venait à disparaître de sa place, l’on pourra toujours se consoler en contemplant la médaille éditée pour l’inauguration de la statue le 14 août 1865.



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Alors qu’en Martinique, le 22 mai est le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, deux statues à l’effigie de Victor Schœlcher ont été vandalisées. L’une à Fort-de-France et l’autre dans la commune de Schœlcher.



Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la statue érigée à l’entrée du bourg de Schœlcher est victime de la haine de certains, puisqu’en 2013, elle avait été endommagée et criblée d’inscriptions calomnieuses. Sa restauration datait de 2014.



Que chacun ait des convictions différentes au sujet de Schœlcher est un fait, mais s’en prendre à une statue et donc, à la culture et au patrimoine d’un territoire, n’est pas un acte de courage, mais un acte d’une infinie bêtise.



Bêtise qui va faire engager des dépenses importantes pour les restaurations et ce sont les communes qui paieront, donc indirectement les contribuables. Comme si la crise que nous traversons n’était pas suffisamment pénible, certains viennent rajouter à cela des provocations « gratuites » dont on se passerait bien.



Notons que ces actes surviennent alors même qu’en Guadeloupe, le Musée Schœlcher à Point-à-Pitre achève sa campagne de restauration.



Le grand Aimé Césaire au sujet de Schœlcher : « Victor Schœlcher, un des rares souffles d’air pur qui ait soufflé sur une histoire de meurtres, de pillage, d’exactions ».



Aimé Césaire, Introduction à Esclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schœlcher, P.U.F., 1948.



La Fondation pour pour la Mémoire de l'Esclavage condamne ces actes dans un communiqué de presse paru ce jour:



En ce 23 mai qui est depuis 2017 la journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage, Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage, et Romuald Fonkoua, président du conseil scientifique, condamnent la destruction de deux statues de Victor Schoelcher à Fort-de-France, ville fondatrice de la Fondation, et à Schoelcher hier, 22 mai, jour-anniversaire de l'abolition en Martinique.



La figure de Victor Schoelcher appartient à l'histoire du combat pour la liberté et l'égalité. Ce combat a réuni les personnes réduites en esclavage, qui n'ont cessé de se révolter contre leur état, et l'ont fait encore le 22 mai 1848 en Martinique, et des militants abolitionnistes comme Victor Schoelcher qui ont mis ce combat au cœur du projet républicain.



Nier cette histoire va à l'encontre de l'émancipation des femmes et des hommes, par la culture, par la sécurité économique, par la reconnaissance des droits humains, qui est toujours un sujet d'actualité aux Antilles, dans toute la France et dans le monde.



L’artiste Joby Bernabé rappelait encore hier l'importance de ne pas dissocier le combat des marrons de celui de Victor Schoelcher lors Live Facebook organisé par la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage à l'occasion de la célébration du 22 mai en Martinique.



Le fondement de l'action de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage est de rassembler les mémoires, en transmettant l'histoire de l'esclavage et ses conséquences qui restent encore aujourd'hui trop mal connues.



Elle fait siens ces mots d'Aimé Césaire et invite chacun.e à les réentendre :



« Ainsi donc évoquer Schoelcher, ce n'est pas invoquer un vain fantôme. C'est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive. Que son œuvre soit incomplète, il n'est que trop évident. (...) Il a apporté aux noirs des Antilles la liberté politique. S'il n'a pu la compléter par leur accès à la propriété et à la sécurité économique, du moins a-t-il créé une contradiction saisissante qui ne peut pas ne pas faire éclater le vieil ordre des choses : celle qui fait du moderne colonisé à la fois un citoyen total et un prolétaire intégral. »



Aimé Césaire, Esclavage et colonisation, 1948

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