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  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 16 mai 2024

Dernière mise à jour : 20 mai 2024





Dans notre précédent article au sujet d’une bastide qui s’est soi-disant effondrée sous le poids des engins de chantier, nous écrivions que les chantiers de démolition sans permis étaient à la mode. Voici donc une autre affaire qui confirme cette tendance.

Le couvent des Capucins à Annecy s’est partiellement effondré, ce qui a justifié une démolition immédiate. La ville, avait cédé à un promoteur le couvent et sa chapelle à un promoteur en 2018, pour un projet de réhabilitation ambitieux, et dans l’acte de vente, elle avait pris soin d’ajouter une clause qui interdisait toute démolition des édifices, dans le but de protection et de valorisation du patrimoine local.

Ce sera désormais au Procureur de la république de statuer sur les suites à donner à cette affaire, mais même si le couvent est reconstruit à l’identique comme le souhaite le Maire, c’est un pan de l’histoire locale qui a été une fois encore rayé de la carte.

Comme nous n’avons pas de correspondant sur place, voici les faits rapportés par la presse locale.

 

 

Article de France 3 Région du 17/04/24


La mairie d'Annecy a fait savoir, vendredi 12 avril, que le couvent des Capucins va être démoli pour des raisons de sécurité, suite à une dégradation du bâtiment. Une décision incompréhensible pour plusieurs élus. Le terrain, appartenant depuis 2018 à un promoteur, est protégé par une clause de sauvegarde du patrimoine.

Un fragment du quartier et de son histoire disparaissent , au moins pour un temps. La mairie d'Annecy (Haute-Savoie) a été informée, qu'"une partie du bâtiment situé à l’arrière" de la chapelle des Capucins, actuellement en travaux, "s’est accidentellement effondrée", a-t-elle fait savoir par communiqué, le 12 avril.

"Constatant la fragilité des murs du reste de ce bâtiment", les responsables du chantier ont décidé "d'engager la démolition sans délai" du reste de l'édifice, "face au risque d'effondrement sur le chantier voisin". Seul le couvent sera détruit : la chapelle, elle, restera intacte.

Le bâtiment devrait être reconstruit

Situé rue du Cran, le site est bien connu des riverains pour avoir été le siège de la communauté des Capucins pendant de nombreuses années. "Ils habitaient là depuis le milieu du XIXe siècle, relate Denis Duperthuy, conseiller municipal de la commune et membre de l'opposition. Les habitants appréciaient beaucoup leur travail."

Pour sauver la propriété, la ville d'Annecy l'a achetée en 2014 auprès de la congrégation religieuse. Mais en 2018, le couvent et la chapelle sont cédés à un promoteur immobilier. Le contrat d'achat du terrain contient notamment une clause de sauvegarde du patrimoine. "Le promoteur pouvait acquérir les lieux, à condition de préserver les deux bâtiments. La destruction du couvent est une violation de ce contrat."


Plusieurs responsables politiques se sont dits "scandalisés" par la décision de la mairie. Dans son communiqué, daté du 12 avril, la ville d'Annecy affirme être "en lien avec le propriétaire afin que le bâtiment effondré soit reconstruit à l’identique". "La préservation du patrimoine de ce lieu étant une priorité, la Ville d’Annecy reste pleinement mobilisée sur le suivi de ce chantier", promet-elle.


Une "erreur de promoteur" ?

Selon Denis Duperthuy, "il y a dû y avoir une erreur de promoteur". "Si le chantier du couvent présentait des failles avant l'effondrement, il aurait dû être stoppé. Je ne comprends pas pourquoi le bâtiment qui tenait encore debout va être démoli : l'aile restante était encore en très bon état. Pour moi, ça pose un problème."

Même son de cloche du côté de Jean-Luc Rigaut, ancien maire d'Annecy. "Plusieurs riverains m'ont dit qu'ils avaient signalé à la mairie la chute d'une partie du bâtiment dès le mercredi 10 avril. Il n'y a pas eu de réaction immédiate. J'ai demandé à ce qu'une enquête interne soit menée pour déterminer si c'était accidentel ou non. On ne démolit pas du patrimoine comme ça."




Article du Dauphiné Libéré du 30/04/2024

 

Chronologie des événements

Jeudi 4 avril

En arrivant sur le chantier, les ouvriers découvrent l’effondrement d’un mur d’1,50 mètre de large sur 25 mètres de long situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Prévenus, le propriétaire et deux bureaux d’études se rendent sur place et établissent que la solidité de l’édifice n’est plus garantie.

En cause : des matériaux hétérogènes, des effritements consécutifs aux dernières intempéries, une dégradation de la capacité portante du sol (au niveau des fondations) et une voûte écroulée car gorgée d’eau.

Lundi 8 avril

Le propriétaire, les bureaux d’études et le coordinateur du chantier réalisent une deuxième visite. Ils notent que le deuxième pignon présente les mêmes pathologies que le premier. Et que l’ensemble est fragilisé.

Face à l’urgence de la situation, le coordinateur ordonne la démolition du pignon restant et l’arrêt du chantier.

Mercredi 10 avril

À 23 h 45, après une journée qui a vu le couvent être partiellement détruit, la Ville d’Annecy reçoit un mail du propriétaire lui faisant part de la situation.

Jeudi 11 avril

Dès la prise de connaissance des faits, un contrôleur de l’urbanisme de la mairie constate, depuis la voie publique, la poursuite de la démolition du couvent. Dans l’après-midi, il pénètre sur le site et demande les rapports des différents bureaux. Pour lui démontrer la précarité de l’édifice, le maître d’ouvrage retire, à main nue, une pierre d’un mur.

Vendredi 12 avril

Le contrôleur réceptionne les documents et prépare un procès-verbal d’infraction. Celui-ci stipule « l’exécution de travaux et d’une démolition non autorisés par des permis de construire ». Il met également en place les modalités de saisine d’un expert indépendant. Dans la soirée, la municipalité effectue sa première communication sur le sujet.

Lundi 15 avril

La direction de l’urbanisme de la Ville finalise le PV et le transmet à la procureur de la République. Le service rédige également un arrêté interruptif de travaux.

Mardi 16 avril

L’arrêté est remis à qui de droit en main propre. Ce même jour, à la demande de la collectivité, le propriétaire, son conseil, l’architecte du projet, les entreprises en charge du chantier et l’architecte des bâtiments de France (ABF) se réunissent pour faire un point de situation. Ils examinent également la sécurisation du site, que la mairie a érigé en priorité.

Mercredi 17 avril

Un arrêté de péril imminent est notifié au propriétaire, lui enjoignant la mise en sécurité des lieux sous 24 heures. Ceci conformément aux préconisations de l’expert. La Ville communique alors une seconde fois. Face au risque d’effondrement du second pignon, qui accentue la dangerosité de la situation, la démolition va à son terme.

Lundi 22 avril

Les équipes municipales et le propriétaire se rendent sur place en compagnie des autres protagonistes pour vérifier la bonne mise en œuvre des travaux de sécurisation. C’est le cas : le couvent n’est plus là et la chapelle est consolidée.

Jeudi 25 avril

Une nouvelle visite de contrôle a lieu avec l’ABF. Les travaux de confortement ont été effectués, l’église est désormais protégée des intempéries.

Lundi 29 avril

Une station de métrologie est installée sur place pour étudier les mouvements de terrain. En conseil municipal, Nora Segaud-Labidi annonce que l’arrêté de péril imminent va être transformé en arrêté ordinaire mais que l’arrêté interruptif, lui, est toujours en vigueur car il est conditionné à la suite des événements.


Et maintenant ?


« Désormais, c’est à la procureur de la République d’apprécier les suites pénales à donner à cette affaire en décidant d’engager, ou non, des poursuites. Voire en saisissant un juge », indique Nora Segaud-Labidi, qui se dit « affectée » par les événements et regrette que « l'équipe municipal précédente n'ait pas classé l'ensemble au titre des bâtiments historiques ».

L’élue assure qu’elle sera d’ailleurs « attentive à ces évolutions » juridiques et affirme qu'elle pourrait réaliser « un signalement complémentaire » si cela s’avérait nécessaire.

Pour ce qui est des travaux, la maire adjointe informe que le propriétaire a retiré son permis de construire initial et a redéposé un permis modificatif. « Nous sommes en train de l’analyser », indique-t-elle.


Un tailleur de pierres sollicité

Enfin, Nora Segaud-Labidi annonce que la Ville réclame « une reconstruction à l’identique ». Ce qui, à l’écouter, ne relève pas de l’impossible : « 170 pierres sont stockées sur site et le propriétaire a diligenté un poseur de pierres pour travailler, avec l’ensemble des experts, à la reconstitution des chaînes d’angles. » Elle note qu’il devra aussi « trouver des solutions pour les embrasures des fenêtres », qui sont particulières.

« À l’heure actuelle, il n’y a plus de réhabilitation, mais une reconstruction, termine la maire adjointe. A priori pour faire une trentaine de chambres et des salles de séminaires, à la fois dans le nouveau couvent et dans la chapelle. »

 

Est-ce que la thèse d’un effondrement accidentel sur ce type de bâtiment est crédible ?


Au sein du conseil municipal d’Annecy comme dans le voisinage, personne n’imagine qu’un bâtiment datant du milieu du XIXe  ait pu s’écrouler tout seul. Jean-Luc Rigaut, ancien maire, fait remarquer que « lorsqu’un bâtiment s’effondre, il se forme un tas de gravats et des restes de murs. Et lorsque cela est accidentel, toute entreprise et maître d’ouvrage respectueux attend le résultat de l’expert pour déblayer le terrain ». Or, rien de tout cela ne s’est produit. Denis Duperthuy, lui, constate que « jusqu’à présent, aucune photo de l’effondrement accidentel – qui pourrait attester de son ampleur – n’a été fournie par le promoteur ».

Selon nos informations, c’est un manque de protection qui aurait conduit à ces problèmes. « Quand on bosse sur un site patrimonial d’importance, on doit prendre toutes les précautions nécessaires. Protéger tout ce qui doit l’être, et notamment les fondations », fait savoir un expert. Qui estime qu’à l’évidence « il y a eu un manquement à ce niveau-là ».




 Crédits photographiques :

Photos 1 et 3 : Géronimo Architectes

Photo 2 : Le Dauphiné Libéré/Jean-Baptiste Serron


Nous vous avions prévenu, dans notre précédent article consacré à la « rénovation » du Muséum d’Histoire Naturelle, que ce projet serait en quelque sorte le « feuilleton de Noël ».


 


Que les choses soient claires, nous ne sommes pas de « vieux réacs » opposés à la moindre touche de modernité, ni à une muséographie plus dans l’air du temps.


 


En revanche, nous sommes en droit de constater que ce projet au budget pharaonique de près de 70 millions d’euros, mériterait de nombreux ajustements, afin d’unir passé, présent et avenir, sans jamais les opposer. Patrimoine et modernité peuvent parfaitement cohabiter, à condition de respecter un certain équilibre.



 




En lisant les nombreux commentaires sous notre première publication, nous avons pu constater que de nombreuses personnes n’ont pas compris ce qu’il allait vraiment advenir de cet ensemble patrimonial d’exception.


 


Les « sachants » qui portent ce projet du « pôle Beauvoisine » (comme si le mot Musée était devenu grossier) vous diront que nous ne comprenons rien, parce que, justement, nous ne faisons pas partie des « sachants ».



La première question que nous, « les petits, les sans grades » estimons, néanmoins, avoir le droit de poser, en prenant connaissance du projet retenu, est :


 


Pourquoi les bâtiments des anciennes facultés ne font pas partie du projet?


 


Lors du Conseil Municipal du 4 novembre 2019, voici ce que l’on peut lire dans le procès-verbal :


 


* Développement et attractivité - Équipements culturels – Musées - Projet de rénovation du Muséum d'Histoire Naturelle et du Musée des Antiquités - Version consolidée du Programme Scientifique et Culturel du nouveau Pôle muséal Beauvoisine : approbation - Demande de subventions : autorisation (Délibération n° C2019_0518 - Réf. 4430)


 


Le transfert des musées de la Ville de Rouen et des musées du Département, situés sur le territoire de la Métropole Rouen Normandie, et la création de la Réunion des Musées Métropolitains ont mis fin à une séparation des établissements qui entravait depuis des décennies leur développement.


 


Le projet spécifique relatif au Musée des Antiquités et au Muséum d’Histoire Naturelle, situés dans l’ancien couvent des « Visitandines », et plus globalement à l’ensemble du site comprenant, les bâtiments de l’ancienne faculté de médecine, de l’ancienne faculté de pharmacie, le petit bâtiment dit « du square », l’Hôtel des sociétés savantes et le square André Maurois, au-delà d’une rénovation ordinaire, est aussi celui d’une opportunité historique pour penser un nouveau musée, qui rassemble ce qui était divisé et donne un sens accru à la présentation des collections.


 


En effet, il est aujourd’hui possible d’appréhender dans leur globalité les interactions entre les phénomènes, les êtres, les espèces, les sociétés, à l’échelle de la planète. Ce constat conduit à s’interroger sur la place des activités humaines dans cet équilibre global, sur l’ampleur des évolutions nécessaires, mais aussi sur toutes les opportunités qui s’offrent à nous de préserver, ensemble, notre héritage commun. Ainsi, réunies et confrontées aux expressions contemporaines, les collections du Muséum d’Histoire Naturelle et du Musée des Antiquités permettront de mieux appréhender les grands défis qui se posent à l’humanité, et notamment les enjeux environnementaux.


 


Le rôle du musée est en effet de conserver un patrimoine reconnu collectivement et à travers le temps pour sa qualité et son importance fondamentale, d’en permettre l’accès le plus large possible aux populations d’aujourd’hui comme aux générations futures. Dans sa mission de transmission de biens, matériels ou immatériels, issus du patrimoine culturel comme naturel, le musée participe à l’éducation, au développement de la sensibilité et de l’esprit critique, et favorise sur un territoire les conditions d’une émancipation du citoyen. La présentation des collections, des expositions, la programmation culturelle au sens large (colloques, conférences, animations, médiations...), sont autant d’interventions dans l’espace public par lesquelles le musée affirme un engagement éthique et citoyen.


 


Il se pose comme un lieu ouvert aux lectures, aux échanges, aux interrogations, mobilise les


connaissances et les compétences pour contribuer à un « vivre ensemble » basé sur des valeurs communes. Son exemplarité est un élément de rayonnement, d’attractivité, qui active, dans son environnement immédiat et au-delà, les conditions d’une vie intellectuelle et économique harmonieuse, favorisant la prospérité…


 


Comment ne pas être d’accord avec tout ça et avec la présentation de cette description idyllique du projet, qui réunissait enfin ce qui avait été séparé depuis de trop nombreuses années ?


 


Or, dans le communiqué de presse d’octobre, il est clairement dit que la restauration du patrimoine ne concerne en aucun cas les bâtiments qui jouxtent d’à peine une vingtaine de mètre la façade du Muséum, comme il est indiqué dans cet extrait du communiqué.




 


Mais il ne faut pas s’en étonner puisque les choses ont été actées lors du Conseil Municipal du 13 décembre 2021


 


Extrait :


 


PROJET DE DÉLIBÉRATION


RÉUNION DU CONSEIL DU 13 DÉCEMBRE 2021


 


Renforcer l'attractivité du territoire - Equipements culturels – Musées Rénovation du Pôle Beauvoisine - Programme de rénovation du pôle Beauvoisine : approbation - Lancement d'un concours de maîtrise d’œuvre - Demandes d'aides financières de la Région Normandie au titre du contrat de Métropole et d’autres cofinanceurs éventuels (Etat, FEDER)


 


Depuis le 1er janvier 2016, les musées de la Ville de Rouen et du Département de Seine-Maritime présents sur le territoire ont été transférés à la Métropole Rouen Normandie. Avec la création de la Réunion des Musées Métropolitains (RMM), la Métropole Rouen Normandie affiche une volonté politique forte et des ambitions importantes pour le développement des musées. Cette décision a une incidence toute particulière pour l’ensemble des musées transférés, notamment pour le Muséum d’Histoire Naturelle (collections de naturalia et collections ethnographiques) et le Musée des Antiquités (collections d’archéologie locale et extra-territoriale - Grèce, Egypte, Mésopotamie..., et collections d’objets d’art du Moyen Age et de la Renaissance).


 


Ces deux musées sont situés sur la rive droite de Rouen, en connexion immédiate avec


l’hyper-centre de la ville. Ils se trouvent ainsi placés au sein du projet d’aménagement urbain


« Cœur de Métropole » et de la création du « Quartier des Musées ».


Le Museum et le Musée des Antiquités, tous deux fondés au XIXe siècle, occupent   aujourd’hui des locaux vétustes, datés pour partie du XVIIe siècle (cloître classé au titre des Monuments Historiques), du XIXe et du XXe siècle.


 


Formalisé dans la fiche action 1.36 « Réunion des Musées Métropolitains - Création d'un pôle Muséal » du Contrat de Métropole, le projet de rénovation de ces deux équipements ambitionne de les regrouper au sein d’un équipement muséal unique, articulé sur un Projet Scientifique et Culturel validé par délibération du 4 novembre 2019. ( ??? Le projet validé incluait la réhabilitation des anciens bâtiments des facultés, si nous avions bien lu le compte rendu du 4 novembre 2019)


 


Dans ce cadre, un marché de programmation visant à étudier les possibilités et conditions techniques de rénovation a été notifié le 19 mars 2019 au groupement AG Studio programme / H3 Energies / Archipat / Cofitec Ingenierie.


 


Le déroulement de ces études, menées en collaboration avec le Service des Musées de France et la DRAC, a fait émerger un projet permettant de rétablir les fonctions vitales des musées et d’accroître les surfaces, en particulier pour les collections et l’accueil des publics.



Le scénario retenu se caractérise par les points majeurs suivants :



Réf dossier : 7488


 


N° ordre de passage : 8


 


• Déploiement du programme sur l’actuel bâtiment des musées, l’Hôtel des Sociétés savantes et le bâtiment du square (reconstruit), Ce qui signifie que l’actuel bâtiment va être démoli.


• Ambition énergétique forte,


• Aménagement des abords extérieurs (jardin du square Maurois et allée Poussin),


• Les bâtiments des facultés Médecine et Pharmacie ne sont pas inclus dans ce scénario et font seulement l’objet de renforcements structurels conservatoires.



 




Faculté de Pharmacie avant



 




Faculté de Pharmacie aujourd’hui


 


Voilà ! Aucun argument pour justifier cette décision, mais une chose est certaine, il y aura un véritable « choc visuel », lorsque d’un côté nous aurons une structure flambant neuve avec sa « magnifique » tour moderne de trois étages et, de l'autre côté, seulement séparés de quelques mètres, les bâtiments abandonnés des anciennes facultés, qui n’ont pas connu de campagne de restauration depuis près de 60 ans. À moins que, et c’est ce que nous redoutons le plus, ils ne soient purement et simplement détruits, pour laisser place à un « espace végétalisé », car dans l’extrait du communiqué de presse ci-dessus, il est question de la création d’un parvis côté rue Beauvoisine, et nous ne voyons pas comment créer ce parvis sans démolir quoi que ce soit, au vu de la configuration actuelle des lieux.



 




Pourtant, le projet initial, qui rassemblait l’ensemble des bâtiments des Musées et des facultés, nous semblait idéal. On pouvait alors envisager de faire un « musée du musée », avec ses vitrines anciennes, ses étiquettes écrites à la main, et recevoir le public pour des conférences dans un amphithéâtre qui n’avais pas bougé depuis le XIXe siècle.




 


Comme l’écrivait si bien Anatole France : « ne perdons rien du passé, ce n’est qu’avec le passé qu’on fait l’avenir. » Avec cette politique de la tabula rasa, il semblerait que certains élus de Rouen n’aient pas conscience de cela.


 


À suivre ….


 




Signer la pétition : https://bit.ly/411cqMd


 



 


Comme beaucoup d’habitants de la métropole de Rouen, nous n’avions jusqu’alors pas prêté attention au projet « Beauvoisine », sachant qu’il serait l’un des emblèmes pour la candidature de Rouen en tant que Capitale de la Culture 2028. Nous avions plutôt tendance à faire confiance aux professionnels qui portaient ce projet, mais nous aurions dû être plus vigilants, car lorsqu’un maire envisage de déboulonner la statue de Napoléon devant son Hôtel de Ville, il n’y a rien de surprenant à vouloir détruire un des fleurons du patrimoine Rouennais, en le transformant en un temple de la virtualité, au détriment des collections et de toute la muséographie qui font du Muséum d’Histoire Naturelle, l’un des derniers Musées tout droit sorti du XIXe siècle.


 


Certes il faut vivre avec son temps, et nous ne nous sommes jamais opposés à l’apport de quelques extensions modernes et à la mise à disposition du public d’outils numériques innovants, à condition de ne pas dénaturer un lieu, une Histoire et toute son infrastructure au nom d’une pseudo modernité, fort coûteuse de surcroit, puisque le montant global du projet flirte avec les 70 millions d’euros.


 


C’est Frédéric Épaud, Membre de la Commission Régionale de l’Architecture et du Patrimoine de Normandie et Directeur de recherche au CNRS, qui nous a alerté, afin que nous puissions agir ensemble contre ce projet qui sonne plus comme un nouveau patrimonicide que comme un projet culturel respectueux.


 


Nous laissons donc la parole à Frédéric Epaud, qui nous fait par de ses inquiétudes quant à l’avenir de ce musée d’exception.



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Les Normands connaissent bien le Muséum d’histoire naturelle de Rouen, avec ses salles de zoologie, de botanique, de paléontologie, de minéralogie, entres autres, avec ses animaux naturalisés provenant de la ménagerie de la foire Saint-Romain, et ses collections d’objets préhistoriques et ethnographiques, qui font voyager le visiteur dans le temps et sur tous les continents.



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Fondé en 1828 dans un ancien couvent du XVIIe siècle, ce Muséum a été un lieu majeur des sciences naturelles au XIXe siècle destiné à l’enseignement, la recherche et la pédagogie, en fonctionnant avec les facultés de Médecine, de Pharmacie, et l’observatoire situés à proximité.  Il fut rapidement l’un des plus remarquables établissements scientifiques français en raison de la richesse de ses collections.


 


Ce Muséum est l’un des rares en France à conserver sa muséographie d’origine, avec des collections qui ont été enrichies au cours des deux siècles passés et qui témoignent de l’histoire des sciences et de l’évolution du regard de la société sur son environnement.


 


Au-delà de la richesse des collections, ce Muséum a su préserver l’esprit des lieux et l’ambiance du XIXe siècle, avec l’ensemble de ses vitrines d’origine en verre soufflé, ses étiquettes écrites à la main par les premiers conservateurs, ses vieux planchers qui craquent, et les anciens escaliers en bois qui donnent à ce lieu un charme unique, une atmosphère sans pareil, qui ont inspiré de grands écrivains comme Gustave Flaubert, Jules Michelet, Guy de Maupassant et plus récemment Philippe Delerm.


 


Dans le dédale des salles et des escaliers qui montent jusque dans les charpentes du vieux couvent, sur les toits du vieux Rouen, on est émerveillé par les milliers de fossiles étranges, les insectes exotiques, les animaux sauvages prêts à se réanimer, les centaines de spécimens de la flore locale ou provenant de l’autre côté de la planète. Ici, le temps s’est arrêté il y a plus d’un siècle.


 


Parcourir ce vieux Muséum est comme faire un voyage à la Belle Epoque, dans l’univers fantastique de Jules Verne, de Sherlock Holmes ou de Harry Potter. On flâne dans une ambiance d’un charme désuet et poétique en découvrant des animaux étranges, des masques de sociétés africaines, des silex taillés préhistoriques, et bien d’autres curiosités venues du monde entier, souvenirs d’expéditions lointaines des explorateurs-aventuriers du XIXe siècle, et qui continuent d’émerveiller les petits comme les plus âgés.



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Car c’est bien cette authenticité qui fait toute la magie de ce lieu, le charme suranné et romantique des anciennes vitrines et des parquets sur lesquels ont marché des générations et des générations de Rouennais depuis son ouverture au public en 1834. C’est la mémoire du lieu et son ancienneté qui en font son succès aujourd’hui auprès d’un très large public.


 


Les autres Muséums en France ont presque tous été rénovés avec une présentation des collections et un cadre architectural plus contemporains comme celui de Cherbourg, qui est en voie de modernisation. Celui de Rouen est donc l’un des seuls à être conservé dans son état d’origine, avec son atmosphère, son charme d’antan et son cadre architectural, ce qui en fait toute sa valeur patrimoniale et aussi son attrait.



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Il a su aussi s’adapter à notre époque en se rendant plus pédagogique, comme avec le rajout en 1959 d’une salle de dioramas d’une qualité saisissante. Après d’importants travaux de remises aux normes en 2006 (rajout d’un ascenseur, d’un escalier de secours, de système d’évacuation des fumées…), sa réouverture en 2007 a vu une fréquentation de 80 000 visiteurs, et depuis près de 50 000 par an (dernières données de 2018), ce qui témoigne de l’attachement des rouennais à ce musée de Muséum.



La précédente direction avait aussi dans les années 2010, valorisé les collections ethnographiques selon le principe du Muséum durable et responsable.  Il s’agit donc d’un Muséum qui est aux normes, qui plaît énormément au grand public justement pour son ambiance vieille époque.



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Pourtant, ce Muséum va être entièrement détruit dans le cadre de la construction du pôle muséal Beauvoisine qui a l’objectif de « repenser dans leur intégralité les collections du musée des Antiquités et du Muséum autour d’un nouveau parcours », avec une modernisation assumée « pour répondre aux attentes de la majorité des visiteurs actuels ».


 


Toutes les salles du XIXe siècle, toute la muséographie d’origine ainsi que les anciennes vitrines vont être supprimées pour une nouvelle scénographie contemporaine, avec une présentation high-tech, de nouvelles vitrines, excepté la salle de l’évolution qui sera conservée à titre de « relique » mais avec de nouvelles collections, et sans son magnifique escalier en colimaçon du XIXe siècle qui sera démonté, n’étant « pas aux normes ».


 

Les planchers et plafonds à la française en bois, pourtant en très bo état, seront remplacés par des dalles béton, les vieux escaliers comme celui à balustre du XVIIe siècle, remplacés par des escalators, et l’ensemble des vitrines d’origine et les menuiseries, envoyés à la benne pour laisser place à un ensemble résolument contemporain.



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Le Musée ne fêtera donc pas en 2028 son 200e anniversaire mais bien son enterrement, pour ne pas dire son assassinat.


 


Ce projet « pôle muséal Beauvoisine », au coût pharaonique de 70 millions d’euros, prévoit aussi la construction d’une tour de 3 étages qui va dominer les toitures en plein quartier ancien, la pose d’une verrière sur le cloître, aussi élégante que celle d’une galerie commerciale, et la construction d’une cafétéria, là encore de style contemporain en plein milieu du parc arboré, là aussi totalement inadapté à l’environnement architectural.



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Ne sont pas concernés dans ce projet les bâtiments des facultés de pharmacie et de médecine situés dans la cour, et qui sont pourtant dans un état déplorable, pour n’avoir jamais été entretenu par la ville. Ces bâtiments renferment un grand amphithéâtre en bois du XIXe siècle, le plus ancien de Normandie (qui aurait pourtant été bien utile pour des conférences) et les anciennes salles de cours du XIXe siècle, restées intactes depuis plus d’un siècle. Le devenir des bâtiments est là aussi menacé puisque la ville envisageait il y a peu de les vendre à des promoteurs privés, comme ce qui a été fait récemment pour quatre églises pourtant classées ou inscrites aux monuments historiques en plein centre historique.



Mais le scénario le pire reste la possible démolition de cet ensemble de bâtiments.


 


Concernant la nouvelle muséographie, les collections du Muséum et du musée des antiquités vont être fusionnées pour « décloisonner les disciplines », tout en les rattachant à de nouvelles thématiques. Il s’agira d’un musée « comme à la maison » fondé sur l’hospitalité, sur l’émotionnel et le ressenti du visiteur devant l’objet en le déconnectant du texte explicatif, et sur l’idée d’apprendre en s’amusant selon des concepts scénographiques très à la mode.



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Ce projet est censé promouvoir la candidature de Rouen pour la capitale européenne de la Culture de 2028. Avec un coût exorbitant de 70 millions d’euros (et qui en coûtera certainement 10 de plus avec les avenants), ce futur pôle Beauvoisine se veut « sobre et vertueux, en prise avec l’urgence social-écologique ». Pourtant, il n’est pas du tout économique, et encore moins écologique puisque l’on nous parle aujourd’hui de démolitions, qui au passage semble concerner certaines structures en bois du XVIIe siècle. Sans parler de la construction de la tour en plein quartier historique, avec des dalles béton...



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C’est un projet digne des années 70 qui se veut radicalement contemporain, pour se mettre à l’heure de l’uniformisation numérique du XXIe siècle, et finalement ressembler à tous les autres musées d’aujourd’hui, par choix idéologique du moderne contre l’ancien, alors que le Muséum de Rouen possède un charme unique et une authenticité irremplaçable. Il s’agit ni plus ni moins d’un massacre patrimonial et culturel inadmissible.



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Pourtant, un autre projet est possible, tel que l’avait envisagé l’ancienne direction du Muséum. Le coût de la restauration du Muséum du XIXe siècle en le préservant tel qu’il est, avec l’intégration des bâtiments de Médecine et de Pharmacie avec son amphithéâtre (3400 m² en tout), la pose d’une verrière sur le cloître, pourquoi pas de style Art nouveau plus adapté au cadre architectural, sont évalués selon nos estimations entre 15 et 20 millions d’euros « seulement », hors collections.


 


Il s’agirait de restaurer le Muséum en respectant l’esprit des lieux, et en conservant sa muséographie, avec ses vitrines, et surtout son ambiance du XIXe siècle. L’intégration au projet des bâtiments de Médecine et de Pharmacie offrirait de nouveaux espaces pour la muséographie contemporaine tout en conservant l’amphithéâtre pour des conférences. De même, l’espace vide existant entre l’hôtel Beauvoisine et le cloître pourrait servir à compléter par une construction neuve le Muséum, mais sans le remplacer.



Il est donc possible de conserver ce Muséum tout en apportant une scénographie contemporaine dans de nouveaux espaces, et sans gaspiller l’argent du contribuable de façon outrancière.


 


Mais pour cela, il faudrait que les élus prennent conscience de la valeur inestimable de ce Muséum et de cet ensemble de bâtiments qui font partie de l’histoire de la ville de Rouen depuis deux cents ans, et qui appartiennent désormais à l’identité culturelle et patrimoniale des Normands.


 


Frédéric Epaud


Membre de la Commission Régionale de l’Architecture et du Patrimoine de Normandie


Directeur de recherche au CNRS


 



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