top of page
  • Photo du rédacteur: Urgences Patrimoine Communication et Mécénat
    Urgences Patrimoine Communication et Mécénat
  • il y a 5 jours

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Rodez est une ville charmante, que l’on associe communément à son Musée Soulages, lequel ne saurait détourner le visiteur d’une impressionnante cathédrale fortifiée du plus puissant gothique méridional, avec son clocher campanile flamboyant et la parfaite dissymétrie de sa composition. On lit même sur la tour Sud du massif occidental une curieuse inscription mentionnant les pyramides égyptiennes, qu’en est-il ? Le bâtisseur a modestement enjoint les « masses insensées des pyramides d’Egypte » de disparaître devant les « vraies merveilles du monde ». Juste ça... Alors s’il y a une cathédrale dans cette ville, il doit bien y avoir un évêché ! Là encore le diocèse de Rodez a été bien éclairé en bâtissant un palais intégré aux remparts de la cité, au 17ème siècle dans un style Louis XIII. L’évêché a quitté son palais en 2016, car son entretien lui était trop lourd. Vacant, un temps convoité pour un projet d’hôtel 5 étoiles (1), le palais épiscopal est un lieu endormi. Notons que le Conseil Départemental de l’Aveyron n’a jamais manqué à son devoir d’entretien en tant que propriétaire des lieux, depuis la Révolution.



En 2022, le Conseil Départemental, a lancé un concours à 15 millions d’euros pour réhabiliter ce palais (2). Le projet consiste à en faire une vitrine du département ouvert à tous les publics, avec des espaces muséographiques, gastronomiques, culturels... Jusqu’ici tout va bien et le lieu s’y prête. Un concours d’architecture sur un édifice aussi iconique inscrit Monument Historique a bien sûr attiré les grands noms de l’architecture et les quatre architectes finalistes étaient François Chatillon (ayant restauré le Grand Palais et actuellement en charge du Louvre), Philippe Prost Grand Prix de l’Architecture 2022, venant de remporter le concours pour le réaménagement de la Place de la Concorde à Paris, Michel Goutal (alors en charge du Louvre et du Palais de l’Elysée) et enfin le duo Atelier Novembre & Philippe Donjerkovic, moins connus mais régulièrement salués par la presse architecturale (3).


Un projet ambitieux de restauration, une émulation architecturale au-delà de la sphère locale, cela s’annonçait bien. Alors pourquoi et quand, l’engouement architectural a-t-il cédé la place à la cachotterie ? Le mot cachotterie vous étonne ? Vous étonne-t-il autant que l’absence de communication sur le projet lauréat pour un concours à 15 millions d’euros dans une ville de 30 000 habitants ? Pas d’exposition, aucune présentation du projet dans la presse locale ni publication quelconque. Simplement des articles en disant à la fois trop et pas assez dans la presse locale (4). Trop c’est l’enthousiasme apparent pour une réhabilitation ambitieuse, pas assez c’est l’absence de communication sur le contenu du projet.


Le CAUE de l’Aveyron (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) n’a pas

connaissance du projet, quiconque connaît de près ou de loin des employés du Conseil Départemental de la mairie de Rodez, de la DRAC Occitanie ou des Bâtiments de France, sait que le sujet est devenu épineux. Pourquoi ? Le permis de construire a été déposé et accepté et il peut être consulté à la mairie de Rodez. Depuis, les images du projet ont été publiées sur le site de l’architecte lauréat, l’agence Goutal et Clément (5). Par la suite, les éléments de la consultation des entreprises ont été mis en ligne (6) et ils répondent à nos deux questions : que vont-ils faire du palais épiscopal, et pourquoi le Conseil Départemental ne veut-il pas que ça se sache ?


Plusieurs éléments du projet interrogent d’emblée en consultant les images mises en ligne sur le site de l’architecte ; la bizarrerie prenant la place d’une ancienne toiture d’ardoises, c’est une verrière derrière des guirlandes de lauzes ? C’est bien ça ? L’avant-cour avec sa calade est lourdement modifiée, pourquoi ? Que devient le jardin remarquablement conservé depuis le XVIIème siècle ? Il nous est possible d’en savoir plus sur la nature des travaux envisagés puisque la consultation des entreprises

a été publiée. Après avoir téléchargé le dossier de consultation des entreprises, quelques surprises méritent d’être dévoilées tant que le permis de construire peut encore être révoqué :

- Insistons sur l’inutilité et la bizarrerie de la toiture vitrée derrière des serpentins de lauzes, cela au coeur d’un Site Patrimonial Remarquable où il est quasiment inenvisageable d’insérer un châssis de toiture. Cette intervention contemporaine consiste à remplacer une charpente en bois du XVIIème siècle et sa toiture d’ardoises par des combles vitrés, pour profiter d’un vis-à-vis à l’Est impasse Cambon, et d’apports lumineux au Nord judicieucement diminués par des lauzes suspendues par une structure métallique. Tout cela pour aménager un espace de 80m2 dans des combles, cette petite audace se confond hélas avec le ridicule...



à gauche : Image de concours - vue depuis le jardin - source : https://www.gcarchitectes.com/projets/rodez
à gauche : Image de concours - vue depuis le jardin - source : https://www.gcarchitectes.com/projets/rodez

à droite : Image de concours

- vue depuis le comble aménagé - source : https://www.gcarchitectes.com/projets/rodez

ps : la suspension de lauzes sur des cables aussi minces est techniquement impossible.

à gauche : Toiture à transformer - état actuel

à droite : dessin en élévation de la toiture vitrée avec ses guirlandes d’ardoises - source : dossier de consultation des entreprises publié sur : https://www.francemarches.com/appel-offre/13joue002295652025-2025-restructuration-palais-episcopal




- L’avant-cour est lourdement modifiée. Au lieu de restaurer la calade, le projet prévoit de créer un dallage contemporain avec des lignes obliques entre lesquelles la calade sera réinsérée. Le charme de cette calade sera rompu par l’ajout de ce dessin et de ces dalles raides. Cette idée joint l’inutile au désagréable.



Calade de l’avant-cour d’honneur - état actuel
Calade de l’avant-cour d’honneur - état actuel

Image de concours - plan projeté de l’avant-cour avec des lignes obliques
Image de concours - plan projeté de l’avant-cour avec des lignes obliques

A noter que tous les éléments de la consultation des entreprises (plans, façades, descriptif des travaux...) sont disponibles en ligne et peuvent être téléchargés gratuitement. Il suffit de créer un compte sur la plateforme de marché public :https://www.francemarches.com/appel-offre/13joue002295652025-2025-restructuration-palais-episcopal


- L’avant-cour n’est pas juste transformée au sol, on y accède désormais pas une dizaine de marches, le prix à payer pour ne pas être importuné par les personnes en fauteuil roulant, les poussettes et les personnes âgées quand vous viendrez découvrir le palais départemental.



- Plusieurs baies à croisées de la façade sur rue sont réduites en niches minuscules sans cohérence apparente avec l’architecture démonstrative du palais. Les baies actuelles, réalisées en pierre de taille dans les années 1930 sont identiques aux baies situées à l’Est de la porte d’entrée. Ce ajout vieux d’un siècle n’est pas dévalorisant au point qu’il faudrait dépenser des dizaines de milliers d’euros pour l’effacer. Un tel sacrifice pour des petites niches est incompréhensible.



- Dernier point : le projet prévoit de modifier le jardin en supprimant les buis formant les largeurs des quatre rectangles, l’allée centrale sera plantée et deux allées seront créées au coeur des quatre rectangles. Ce jardin ayant conservé ses quadrilatères de buis depuis le XVIIème siècle a un intérêt patrimonial et esthétique à mettre en valeur au lieu de rompre avec des siècles d’histoire. Le jardin du Palais de la Berbie (ancien Palais épiscopal d’Albi) est aujourd’hui remarquable car il met en valeur sa richesse historique.



Notre propos ne s’oppose pas à toutes les transformations proposées, car une restauration ambitieuse implique nécéssairement des adaptations aux nouveaux usages et aux attentes évolutives de la société en matière de sécurité, d’accessibilité et de sensibilité architecturale. Par exemple la passerelle envisagée au- dessus de la porte d’entrée présente des avantages fonctionnels et elle s’intègrera bien à l’architecture du palais. Si l’ouverture au public du palais et de son jardin nous apparaît souhaitable, nous nous opposons à des interventions inutiles et peu heureuses, à savoir :


- le comble vitré et ses guirlandes d’ardoises, impliquant la démolition d’une charpente du XVIIème siècle,

- la création d’un dallage altérant la calade de l’avant-cour,

- la création d’un escalier d’entrée dans l’avant-cour d’honneur,

- la recomposition du jardin en rupture avec son caractère patrimonial,

- l’inutile effacement à grands frais des baies à croisées pour des niches dérisoires.


Ces interventions traduisent une volonté de porter l’empreinte des années 2020, en rupture avec avec le caractère architural et historique du lieu. Ces marques contemporaines seront perçues comme des balafres portées par la vanité d’un duo maîtrise d’ouvrage / maîtrise d’oeuvre. Nous sommes étonnés de découvrir le projet retenu alors que ce lieu exceptionnel peut être mis en valeur dans la continuité du caractère architectural de ce palais, de son avant-cour et de son jardin. Le projet proposé

par le duo Atelier Novembre & Atelier Donjerkovic semble constituer un bon exemple de valorisation des éléments remarquables existants. Ce projet aurait lui aussi porté la marque de notre époque, mais il tirait profit de la calade de l’avant-cour, des charpentes existantes et du jardin. Les travaux requis pour restaurer le palais et pour l’adapter à son nouvel usage muséal seront déjà nécessairement ambitieux ; faut-il absolument que la marque de notre temps se trouve dans la rupture et la vanité ?



Plutôt que d’appuyer notre propos par des exemples de vanités architecturales ayant mal vieilli, nous préférons citer des restaurations exemplaires proches du Palais Episcopal, sensibles à la richesse architecturale et historique d’édifices remarquables.

Citons d’abord le magnifique Musée Fenailles à Rodez, aménagé dans les années 2000 par les architectes DUBOIS & AMIOT. La cage d’escalier, les fenêtres et les intérieurs de l’Hôtel Jouéry (Renaissance) ont été minutieusement restaurés et une jonction contemporaine contenant les circulations verticales liant les deux parties du musée porte la marque de son temps, dans la continuité des éléments architecturaux existants.

La restauration du Château de Bournazel avec son jardin Renaissance est célèbre en France et au-delà pour avoir magnifié et restitué la grandeur de ce lieu, avec une création contemporaine judicieusement intégrée : un auditorium de 150 places.




Avant qu’il ne soit trop tard, nous nous opposons aux interventions lourdes et inutiles malmenant et dénaturant un lieu emblématique.

La démolition inutile d’une charpente en bon état du XVIIème siècle, c’est non !

La toiture vitrée avec des guirlandes d’ardoises, (a fartiori dans un Site Patrimonial Remarquable où cela est

strictement interdit), c’est non !

Le dallage supplantant la calade, c’est non !

L’escalier à l’entrée de l’avant-cour la rendant impraticable par les personnes à mobilité réduite, c’est non !

Le remplacement de plusieurs baies à croisées par de minuscules niches faussement anciennes, c’est

encore non !


L’effacement du caractère historique du jardin, surtout pas !

Le réglement du Site Patrimonial Remarquable et celui du Plan Local d’Urbanisme s’appliquent pour tous, y compris pour le Conseil Départemental de l’Aveyron.


Subscribe
bottom of page