Nous vous avions prévenu, dans notre précédent article consacré à la « rénovation » du Muséum d’Histoire Naturelle, que ce projet serait en quelque sorte le « feuilleton de Noël ».
Que les choses soient claires, nous ne sommes pas de « vieux réacs » opposés à la moindre touche de modernité, ni à une muséographie plus dans l’air du temps.
En revanche, nous sommes en droit de constater que ce projet au budget pharaonique de près de 70 millions d’euros, mériterait de nombreux ajustements, afin d’unir passé, présent et avenir, sans jamais les opposer. Patrimoine et modernité peuvent parfaitement cohabiter, à condition de respecter un certain équilibre.
En lisant les nombreux commentaires sous notre première publication, nous avons pu constater que de nombreuses personnes n’ont pas compris ce qu’il allait vraiment advenir de cet ensemble patrimonial d’exception.
Les « sachants » qui portent ce projet du « pôle Beauvoisine » (comme si le mot Musée était devenu grossier) vous diront que nous ne comprenons rien, parce que, justement, nous ne faisons pas partie des « sachants ».
La première question que nous, « les petits, les sans grades » estimons, néanmoins, avoir le droit de poser, en prenant connaissance du projet retenu, est :
Pourquoi les bâtiments des anciennes facultés ne font pas partie du projet?
Lors du Conseil Municipal du 4 novembre 2019, voici ce que l’on peut lire dans le procès-verbal :
* Développement et attractivité - Équipements culturels – Musées - Projet de rénovation du Muséum d'Histoire Naturelle et du Musée des Antiquités - Version consolidée du Programme Scientifique et Culturel du nouveau Pôle muséal Beauvoisine : approbation - Demande de subventions : autorisation (Délibération n° C2019_0518 - Réf. 4430)
Le transfert des musées de la Ville de Rouen et des musées du Département, situés sur le territoire de la Métropole Rouen Normandie, et la création de la Réunion des Musées Métropolitains ont mis fin à une séparation des établissements qui entravait depuis des décennies leur développement.
Le projet spécifique relatif au Musée des Antiquités et au Muséum d’Histoire Naturelle, situés dans l’ancien couvent des « Visitandines », et plus globalement à l’ensemble du site comprenant, les bâtiments de l’ancienne faculté de médecine, de l’ancienne faculté de pharmacie, le petit bâtiment dit « du square », l’Hôtel des sociétés savantes et le square André Maurois, au-delà d’une rénovation ordinaire, est aussi celui d’une opportunité historique pour penser un nouveau musée, qui rassemble ce qui était divisé et donne un sens accru à la présentation des collections.
En effet, il est aujourd’hui possible d’appréhender dans leur globalité les interactions entre les phénomènes, les êtres, les espèces, les sociétés, à l’échelle de la planète. Ce constat conduit à s’interroger sur la place des activités humaines dans cet équilibre global, sur l’ampleur des évolutions nécessaires, mais aussi sur toutes les opportunités qui s’offrent à nous de préserver, ensemble, notre héritage commun. Ainsi, réunies et confrontées aux expressions contemporaines, les collections du Muséum d’Histoire Naturelle et du Musée des Antiquités permettront de mieux appréhender les grands défis qui se posent à l’humanité, et notamment les enjeux environnementaux.
Le rôle du musée est en effet de conserver un patrimoine reconnu collectivement et à travers le temps pour sa qualité et son importance fondamentale, d’en permettre l’accès le plus large possible aux populations d’aujourd’hui comme aux générations futures. Dans sa mission de transmission de biens, matériels ou immatériels, issus du patrimoine culturel comme naturel, le musée participe à l’éducation, au développement de la sensibilité et de l’esprit critique, et favorise sur un territoire les conditions d’une émancipation du citoyen. La présentation des collections, des expositions, la programmation culturelle au sens large (colloques, conférences, animations, médiations...), sont autant d’interventions dans l’espace public par lesquelles le musée affirme un engagement éthique et citoyen.
Il se pose comme un lieu ouvert aux lectures, aux échanges, aux interrogations, mobilise les
connaissances et les compétences pour contribuer à un « vivre ensemble » basé sur des valeurs communes. Son exemplarité est un élément de rayonnement, d’attractivité, qui active, dans son environnement immédiat et au-delà, les conditions d’une vie intellectuelle et économique harmonieuse, favorisant la prospérité…
Comment ne pas être d’accord avec tout ça et avec la présentation de cette description idyllique du projet, qui réunissait enfin ce qui avait été séparé depuis de trop nombreuses années ?
Or, dans le communiqué de presse d’octobre, il est clairement dit que la restauration du patrimoine ne concerne en aucun cas les bâtiments qui jouxtent d’à peine une vingtaine de mètre la façade du Muséum, comme il est indiqué dans cet extrait du communiqué.
Mais il ne faut pas s’en étonner puisque les choses ont été actées lors du Conseil Municipal du 13 décembre 2021
Extrait :
PROJET DE DÉLIBÉRATION
RÉUNION DU CONSEIL DU 13 DÉCEMBRE 2021
Renforcer l'attractivité du territoire - Equipements culturels – Musées Rénovation du Pôle Beauvoisine - Programme de rénovation du pôle Beauvoisine : approbation - Lancement d'un concours de maîtrise d’œuvre - Demandes d'aides financières de la Région Normandie au titre du contrat de Métropole et d’autres cofinanceurs éventuels (Etat, FEDER)
Depuis le 1er janvier 2016, les musées de la Ville de Rouen et du Département de Seine-Maritime présents sur le territoire ont été transférés à la Métropole Rouen Normandie. Avec la création de la Réunion des Musées Métropolitains (RMM), la Métropole Rouen Normandie affiche une volonté politique forte et des ambitions importantes pour le développement des musées. Cette décision a une incidence toute particulière pour l’ensemble des musées transférés, notamment pour le Muséum d’Histoire Naturelle (collections de naturalia et collections ethnographiques) et le Musée des Antiquités (collections d’archéologie locale et extra-territoriale - Grèce, Egypte, Mésopotamie..., et collections d’objets d’art du Moyen Age et de la Renaissance).
Ces deux musées sont situés sur la rive droite de Rouen, en connexion immédiate avec
l’hyper-centre de la ville. Ils se trouvent ainsi placés au sein du projet d’aménagement urbain
« Cœur de Métropole » et de la création du « Quartier des Musées ».
Le Museum et le Musée des Antiquités, tous deux fondés au XIXe siècle, occupent aujourd’hui des locaux vétustes, datés pour partie du XVIIe siècle (cloître classé au titre des Monuments Historiques), du XIXe et du XXe siècle.
Formalisé dans la fiche action 1.36 « Réunion des Musées Métropolitains - Création d'un pôle Muséal » du Contrat de Métropole, le projet de rénovation de ces deux équipements ambitionne de les regrouper au sein d’un équipement muséal unique, articulé sur un Projet Scientifique et Culturel validé par délibération du 4 novembre 2019. ( ??? Le projet validé incluait la réhabilitation des anciens bâtiments des facultés, si nous avions bien lu le compte rendu du 4 novembre 2019)
Dans ce cadre, un marché de programmation visant à étudier les possibilités et conditions techniques de rénovation a été notifié le 19 mars 2019 au groupement AG Studio programme / H3 Energies / Archipat / Cofitec Ingenierie.
Le déroulement de ces études, menées en collaboration avec le Service des Musées de France et la DRAC, a fait émerger un projet permettant de rétablir les fonctions vitales des musées et d’accroître les surfaces, en particulier pour les collections et l’accueil des publics.
Le scénario retenu se caractérise par les points majeurs suivants :
Réf dossier : 7488
N° ordre de passage : 8
• Déploiement du programme sur l’actuel bâtiment des musées, l’Hôtel des Sociétés savantes et le bâtiment du square (reconstruit), Ce qui signifie que l’actuel bâtiment va être démoli.
• Ambition énergétique forte,
• Aménagement des abords extérieurs (jardin du square Maurois et allée Poussin),
• Les bâtiments des facultés Médecine et Pharmacie ne sont pas inclus dans ce scénario et font seulement l’objet de renforcements structurels conservatoires.
Faculté de Pharmacie avant
Faculté de Pharmacie aujourd’hui
Voilà ! Aucun argument pour justifier cette décision, mais une chose est certaine, il y aura un véritable « choc visuel », lorsque d’un côté nous aurons une structure flambant neuve avec sa « magnifique » tour moderne de trois étages et, de l'autre côté, seulement séparés de quelques mètres, les bâtiments abandonnés des anciennes facultés, qui n’ont pas connu de campagne de restauration depuis près de 60 ans. À moins que, et c’est ce que nous redoutons le plus, ils ne soient purement et simplement détruits, pour laisser place à un « espace végétalisé », car dans l’extrait du communiqué de presse ci-dessus, il est question de la création d’un parvis côté rue Beauvoisine, et nous ne voyons pas comment créer ce parvis sans démolir quoi que ce soit, au vu de la configuration actuelle des lieux.
Pourtant, le projet initial, qui rassemblait l’ensemble des bâtiments des Musées et des facultés, nous semblait idéal. On pouvait alors envisager de faire un « musée du musée », avec ses vitrines anciennes, ses étiquettes écrites à la main, et recevoir le public pour des conférences dans un amphithéâtre qui n’avais pas bougé depuis le XIXe siècle.
Comme l’écrivait si bien Anatole France : « ne perdons rien du passé, ce n’est qu’avec le passé qu’on fait l’avenir. » Avec cette politique de la tabula rasa, il semblerait que certains élus de Rouen n’aient pas conscience de cela.
À suivre ….
Signer la pétition : https://bit.ly/411cqMd
Nous contacter : urgences.patrimoine@gmail.com