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Urgences Patrimoine souhaite se mobiliser de façon concrète pour la valorisation et la sauvegarde du patrimoine funéraire et travaille depuis quelque temps sur de nombreux projets en collaboration avec des spécialistes du sujet. Bien évidemment, les tombes des soldats morts pour la France sont un volet important de ce patrimoine. Malgré l’activisme sur l’ensemble du territoire du Souvenir Français, il existe de nombreux problèmes qu’il est grand temps de mettre en lumière, afin de faire avancer la cause et essayer de changer les choses qui peuvent l’être. Le devoir de mémoire ne doit pas se limiter à une simple formule linguistique, mais il doit être un engagement fort de chacun d’entre nous.



Nous savons que le chemin sera long avant que des changements notables soient opérés, mais il est temps de se poser les bonnes questions, afin d’obtenir les bonnes réponses.



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Il est justement question de réponses dans cet article rédigé par Maître Marine Le Bihan, qui revient sur l’intervention de plusieurs députés à l’Assemblée Nationale qui souhaitaient voir les plaques commémoratives des soldats morts pour la France obtenir le statut de biens culturels. Ils ont donc interrogé Madame la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ainsi que Madame la ministre de la culture.



La réponse est sans appel : la dimension mémorielle de ces plaques n’est pas suffisante pour être considérée comme un bien culturel.



Comme nous l’écrivions un peu plus haut : le chemin va être long …



Les plaques funeraires des morts pour la France ne sont pas des biens culturels


— Maître Marine Le Bihan


Le Souvenir français est une association loi 1901 fondée en 1887 qui a pour vocation d’honorer la mémoire de ceux qui sont morts pour la France. Elle a pour objet de conserver cette mémoire, d’animer la vie commémorative, et de transmettre le flambeau du souvenir aux générations successives.



Depuis plusieurs années, cette association s’alarme de la vente sur Internet de plaques mémorielles issues de vols sur des tombes en déshérence ou supprimées de « Morts pour la France ».


Ainsi, en mars 2019, le Souvenir Français dénonçait la mise en vente sur eBay et Le Bon Coin de trois plaques provenant de cimetières. L’une de ces plaques avait été fixée sur une croix en fer sur la tombe de Maxime Fleur, un résistant fusillé le 7 juillet 1944 à l’âge de 22 ans et enterré aux côtés de trois camarades exécutés en même temps que lui. Heureusement, l’association avait pu récupérer la plaque.



Relayant l’inquiétude du Souvenir Français, plusieurs députés ont interrogé Madame la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ainsi que Madame la ministre de la culture au sujet de ces plaques à haute valeur symbolique et présentant un intérêt historique voire esthétique.



Certes, le vol et le recel de plaques mémorielles sont punissables, s’agissant d’infractions prévues, respectivement, aux articles 311-1 et 321-1 du code pénal.



Mais, eu égard à la haute valeur symbolique de ces plaques, le Souvenir Français souhaiterait que leur soit reconnu le statut de biens culturels, au sens de l’article 1er alinéa 1er du code du patrimoine qui définit le patrimoine matériel comme « l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ».



Si un tel statut leur était accordé, les plaques funéraires des « Morts pour la France » bénéficieraient d’un régime de protection renforcé. Ainsi, leur nature de bien culturel serait une circonstance aggravante en cas de vol, et l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) serait compétent pour poursuivre les infractions portant atteinte à ces plaques.



Dans une réponse publiée au Journal Officiel du 13 avril 2021, c’est Madame la ministre déléguée chargée des anciens combattants qui s’est prononcée.



Rappelant que la qualité de bien culturel provient, soit du caractère exceptionnel d’un bien, soit de sa très grande représentativité, elle estime que le grand nombre de plaques funéraires et leur production en série ne militent pas pour une protection particulière.



Selon la formule employée par Madame la ministre, « la seule dimension mémorielle [...] ne constitue pas un critère suffisant pour les qualifier de bien[s] culturel[s] ».



Celle-ci tient à toutefois à préciser que, s’agissant de plaques prélevées illicitement sur des tombes de « Morts pour la France », même sans statut de biens culturels, leur vente demeure naturellement prohibée, et ceux qui tentent de les mettre en vente peuvent être poursuivis pour vol ou recel.



Ce combat pour la protection des plaques mémorielles en rappelle un autre : le 4 avril 2019, une proposition de loi relative à la protection des drapeaux des associations d’anciens combattants a été adoptée en première lecture par le Sénat. A ce jour cependant, le texte n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Nous avons déjà publié ce précieux document. Toutefois, comme suite à l’article publié hier, nous le mettons à nouveau en ligne.


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Pour tous les passionnés et les amateurs de patrimoine funéraire, mais également les associations et les collectivités territoriales, ce riche document, mis en ligne par le Ministère de la Culture, vous sera d’une aide précieuse et apportera des réponses à vos questions.



« La mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel publie un nouveau volume de la collection Documents & Méthodes, fruit d’une collaboration avec la cellule Patrimoine du service des Cimetières de la Ville de Paris. […] Vocabulaire, décryptage des symboles et de l’ornementation funéraire, analyse des formes, exemples d’études de cimetières, protections patrimoniales et tentatives de plans de gestion, expériences de valorisation des bâtiments et des tombeaux, transformations en jardin public à l’occasion du passage au zéro phyto… sont autant de sujets abordés dans ce manuel. Sa vocation est d’apporter aux professionnels du patrimoine, comme aux gestionnaires des collectivités territoriales, aux associations locales, comme aux étudiants, des outils pour mieux comprendre ce patrimoine et lui permettre de trouver sa juste place parmi les marqueurs du territoire. »



DUHAU Isabelle, GROUD Guénola (dir.), Cimetières et patrimoine funéraire. Étude, protection, valorisation. Paris, Ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines, 2020, 365 p. (Documents & Méthodes, ISSN 1150-1383 ; 12). ISBN : 978-2-11-162044-5.



Télécharger le document PDF en cliquant ICI.

Même si depuis quelques années le patrimoine funéraire connaît un regain d’intérêt, le constat alarmant d’Anaïs Poitou pose des questions.


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Anaïs Poitou est étudiante en Master Patrimoine à l'université de Rouen. Suite à sa Licence d’Histoire, elle a choisi le domaine patrimonial pour élargir son champ d’étude ; et plus particulièrement le patrimoine funéraire pour lequel elle porte un grand intérêt.



Aller dans un cimetière, c’est marcher entre les tombes dans le silence et dans le respect. Parfois, c’est pour rendre visite à un être cher. D’autres fois, c’est pour admirer certaines pierres tombales dans le calme. Pour le visiteur qui passe, les pierres tombales témoignent d'une absence, mais pour les proches des défunts, cette absence fait partie de la mémoire et de l’affect. Au cœur des cimetières, c’est avant tout l’absence du monde des vivants que l’on remarque.



Tout comme l’architecture des villes, l’architecture funéraire n’a pas cessé d’évoluer depuis de nombreux siècles, que ce soit pour les grandes élévations monumentales ou encore pour les pierres tombales. Les manières de procéder aux adieux avec le défunt ont aussi évolué : si l’inhumation fut longuement favorisée en France avec la religion chrétienne, la crémation semble aujourd’hui la surpasser en nombre depuis quelques décennies. Ce changement apporte de nombreuses modifications au cœur des cimetières car les colombariums remplacent les tombes et accueillent des cendres et non des corps : le paysage funéraire que nous connaissons est en pleine mutation. Par leur histoire mais aussi en raison de leur place au cœur de notre passé, les cimetières font partie de notre patrimoine, et chacun d’entre eux, peu importe la région ou même le pays, reflète l’histoire de nos ancêtres encore visibles dans le paysage de ces lieux.

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On compte un certain nombre d'élévations funéraires entourées de clôtures en pierre ou en métal. Ces clôtures se situent autour des concessions pour en démarquer le territoire mais aussi pour éviter qu'on ne marche dessus. Nous pouvons aussi retrouver les nombreuses croix chrétiennes servant à situer une tombe et à témoigner de sa condition religieuse. Les élévations funéraires peuvent être très basses à l’horizontale, des pierres tombales simples composées d’un unique monolithe recouvrant le défunt, avec une stèle servant à reconnaître l’emplacement du caveau. Certaines stèles peuvent être très hautes, voire surélevées par de hautes décorations comme une croix, ce qui est rarement le cas pour les plus modestes. La plupart des décorations funéraires datant du XIXe siècle suivent d’ailleurs un courant décoratif se rapprochant de l’Antiquité, comme on peut le voir avec les urnes ou encore avec les obélisques que l’on peut trouver sur certaines pierres tombales.

Si les formes diffèrent selon les régions, c’est aussi le cas pour les matériaux qui ne sont jamais les mêmes : on privilégie par exemple le grès en Alsace, alors qu’en Bretagne on utilise du granit. De nombreux cimetières furent transformés en cimetières-parcs afin d’accueillir les proches dans un cadre plus agréable, avec des arbustes, arbres et plantations mis en valeur. Mais aujourd’hui, on remarque que, pour la plupart, ces plantations misent en place au XIXe et XXe siècles ont disparu du fait de leur non-entretien. Aujourd’hui, très peu d’entre-elles restent visibles.



Le paysage naturel et minéral que nous connaissons dans nos cimetières fait partie de nos vies, mais il y eut un certain bouleversement au XIXe siècle. On trouve associés des tombeaux temporaires et d’autres qui perdureront, des petits tombeaux comme des tombeaux monumentaux : ils font partie du paysage depuis leur mise en place. Aujourd’hui, la concession perpétuelle tend à disparaître en raison du manque d’entretien et de l’effondrement de bien des tombes. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, une industrie funéraire s’est mise en place et on trouve généralement dans les parties les plus récentes de nos cimetières une sorte de « style » funéraire avec une simple dalle et une pierre tombale, souvent diversifiée par la couleur de la pierre. Au chapitre de la personnalisation, les pierres tombales ne sont plus vraiment gravées avec de longues épitaphes individualisées, car on y appose désormais de petits objets en marbre ou du mobilier funéraire rappelant la mémoire du défunt. L’apparition des columbariums mais aussi des jardins du souvenir au XIXe apporte une modification aux cimetières, suite à la légalisation de la crémation. Néanmoins, de nombreuses tombes du passé furent relevées pour abandon ou encore pour délabrement, ce qui explique qu’on en trouve de moins en moins — même dans le cas de concessions dites perpétuelles.

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Aujourd’hui, de moins en moins de monde se déplace au cimetière pour aller rendre hommage aux défunts, excepté peut-être lors de la Toussaint. Les pratiques ont énormément changé, car au XIXe et au XXe siècles, il était courant de rendre hommage à ses proches en se rendant régulièrement au cimetière. De nos jours, les élévations funéraires semblent aujourd’hui suivre une norme — celle de l’industrie funéraire.


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J’ai toujours aimé me rendre dans les cimetières afin d’y passer du temps et observer les tombes, leurs évolutions et les bribes d’histoire que l’on peut observer sur ces « dernières demeures. » Depuis quelques années, je mène des recherches concernant mes ancêtres dans le cadre de la généalogie et les cimetières se trouvent au cœur de mes découvertes, dans la majeure partie des cas. L’année dernière, j’ai passé un long moment à me perdre dans le cimetière monumental de Rouen sans y croiser aucun visiteur et j’ai trouvé cela dommage : ce cimetière est l’un des rares espaces verts de la ville de Rouen.

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Je me suis toujours intéressée aux cimetières et au patrimoine funéraire. C’est un patrimoine que je trouve sous-estimé et très souvent en mauvais état ; un patrimoine qui a besoin d’être entretenu et rénové. J’ai toujours apprécié de me balader dans les cimetières, que ce soit en France ou ailleurs car ils nous permettent d’en découvrir beaucoup sur une culture, une région ou un pays. Mais au cours de mes nombreuses balades qui se concentrent principalement autour des cimetières normands, j’ai fait un constat alarmant : de très nombreuses tombes sont dans un état d’abandon total et certaines d’entre elles sont même au bord de l’affaissement ou de l’écroulement. Ma dernière visite au cimetière d’Evreux, pour aller fleurir les tombes, s’est d’ailleurs révélée être une désagréable surprise : j’y ai trouvé de nombreux caveaux pratiquement ouverts dans la partie la plus ancienne du cimetière.


Les concessions à perpétuité misent en place au XIXe siècle avaient pour but de conserver leurs places ad vita aeternam. Mais, depuis plusieurs décennies, leur état d’abandon pousse les administrations des cimetières à les relever, afin de libérer leurs places pour de nouvelles concessions. Cette manière de faire est immorale vis-à-vis du défunt qui a payé sa place pour « passer sa mort » à l’endroit de son choix. Mais si ces sépultures sont aujourd’hui menacées, c’est parce que bien souvent les familles ont disparu, ou bien les descendants ont déménagé et ont oublié qu’ils avaient des ancêtres dans tel ou tel cimetière. Ces abandons, qu’ils soient volontaires ou non, sont une catastrophe pour les cimetières, car certaines tombes se retrouvent alors dans un état déplorable. Si certains secteurs sont visités régulièrement dans les parties les plus récentes des cimetières, d’autres comme les plus anciennes sont souvent abandonnés. En effet, de nombreux cimetières ont été agrandis avec le temps et sont devenus de véritables pôles de biodiversité où la nature a repris ses droits en recouvrant les tombes de racines et de mousse dans les secteurs les plus anciens. Si cela est une preuve que la nature reste toujours maîtresse des lieux, il est triste de voir la dégradation de tombes de cette manière pour cause de non entretien, car il suffit parfois d’un bon décapage pour qu’une tombe soit comme neuve.


Malheureusement, pour la grande majorité des cas, mes différentes visites me prouvent que notre patrimoine funéraire tombe en ruine. Le non-entretien et l’abandon de nombreuses tombes depuis des décennies est de plus en plus visible, que ce soit pour les tombes des illustres comme pour les tombes d’inconnus. Si la nature ajoute parfois un caractère romantique à quelques pierres tombales, la mousse ne fait que détériorer et fragiliser la pierre. Certaines inscriptions sur les dalles comme sur les pierres tombales sont devenus illisibles avec le temps. Dans le cadre de la généalogie, c’est parfois un véritable calvaire pour les recherches. Ce constat alarmant concerne tous les cimetières, qu’ils soient petits ou grands ou qu’ils se situent dans les villes comme dans les campagnes. Même les grands cimetières labellisés Cimetière Remarquable d’Europe tels que ceux de Paris, de Lyon, de Rennes ou de Rouen, mériteraient un regain d’intérêt qui pourrait leur être salvateur, notamment le cimetière monumental de Rouen.

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