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Nous le savions en sortant du Tribunal Administratif, même si au fond de nous-mêmes nous espérions un miracle. Le miracle n’a pas eu lieu, mais nous sommes tout de même satisfaits du résultat de cette audience. Car nous échappons aux 3000 euros de condamnation demandés par le Ministère de la Culture (c’est le sort que réserve le Ministère lorsqu’on tente de sauver le patrimoine des territoires), mais en plus, pour la première fois, le Tribunal reconnaît que l’un de nos deux arguments était recevable. Donc, c’est une très belle avancée pour que la mémoire de « Notre » chapelle Saint-Joseph soit réhabilitée.


 Seul demeure le soit-disant manque d’intérêt architectural avancé par le ministère, alors que pourtant nous avons prouvé à maintes reprises que son intérêt était incontestable. La meilleure preuve étant la tribune signée par plus de 100 professionnels du patrimoine et universitaires du monde entier. Le lien pour prendre connaissance de cette tribune est disponible à la fin de notre article.



 

Donc, comme notre avocat le préconise dans son compte-rendu ci-dessous, nous allons faire appel. Cela ne ramènera pas la chapelle Saint-Joseph, mais si nous arrivons, lors de l’appel, à enfin prouver qu’elle avait un réel intérêt, alors nous aurons fait un énorme pas en avant pour espérer sauver d’autres édifices menacés de démolition.


 Nous avons toujours dit que nous souhaitions que la chapelle Saint-Joseph ne soit pas tombé pour rien et c’est bien pour cette raison que nous poursuivons le combat.



Communiqué de Maître Théodore Catry :



« Le tribunal a décidé de rejeter notre requête, en refusant toutefois la demande de la partie adverse visant à la condamnation d’Urgences Patrimoine au paiement d’une somme de 3000 euros, ce qui signifie qu’il reconnaît l’intérêt juridique du débat qui s’est tenu sur la légalité du refus de mise en instance de classement.


 Et pour cause : le juge administratif reconnaît dans son jugement que la décision de la ministre est partiellement illégale. En effet, celle-ci s’était crue autorisée à refuser notre demande au motif que la mise en instance de classement n’aurait pas d’utilité. Le tribunal a censuré ces motifs en considérant qu’ils « ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent légalement justifier une décision de refus de mise en instance de classement. »


Il relève donc une erreur de droit, fait rare qui confirme le peu de sérieux avec lequel la décision ministérielle a été prise.


Mais le juge a ensuite estimé que cette erreur était rattrapée par le reste de la motivation du refus de mise en instance de classement, à savoir l’absence d’intérêt patrimonial de la chapelle Saint-Joseph. Théorie qu’il avalise malgré nos arguments, le jugement évoquant les transformations de l’ensemble architectural dans lequel l’édifice s’insère, sa désacralisation et son vieillissement.


C’est une interprétation contestable. Nous défendons depuis le début qu’une mise en instance de classement doit être activée dès lors que l’édifice présente un intérêt patrimonial réel, à charge ensuite pour l’administration de mesurer le degré de cet intérêt. La mise en instance n’est pas une préinscription : elle est une mesure conservatoire, de sauvegarde, qui permet le gel de toute menace sur un bien patrimonial en vue d’examiner sereinement la possibilité de le placer sous le régime des Monuments Historiques.


Ce jugement est susceptible d’appel. Je pense que nous devons poursuivre sur cette ligne de défense. »



Nous risquons cette fois de ne pas échapper à la condamnation car notre obstination risque de déplaire, c’est la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin de votre soutien.


Si vous êtes en mesure de faire un petit geste, il sera le bienvenu.


Le jeudi 15 juin 2023 à 10h40, nous serons au Tribunal Administratif de Lille pour tenter de sauver l’honneur de la chapelle Saint-Joseph. Certains penseront que cela ne sert à rien, puisque la chapelle a été démolie. Mais je m’étais engagée à aller jusqu’au bout. J’irai donc jusqu’au bout.



En novembre 2020, nous avions déposé un recours au fond, et les délais d’instruction étant ce qu’ils sont, il aura fallu presque 3 ans pour que notre affaire soit jugée.



PSi j’ai choisi ce jour pour publier cet article, c’est que le 5 juin 2020, après 15 jours d’une mobilisation sans précédent, je pensais que la chapelle était sauvée, et que les pelleteuses ne s’approcheraient jamais d’elle.



J’avais lancé l’alerte le 20 mai à 11 heures du matin très exactement, et à partir de ce moment-là, nuit et jour, j’ai travaillé sans relâche en espérant un miracle. Oui, un miracle, puisque les délais de recours étaient dépassés depuis un an et que, localement, de manière très étonnante, personne n’avait rien tenté au moment où il en était encore temps. Alors pendant 15 jours, nous avons fait du bruit, toujours plus de bruit. Pétition, articles dans la Gazette, repris en suite par la presse locale et même nationale.



Tellement de bruit, que le 5 juin au soir, je recevais un message d’Adrien Goetz, célèbre historien de l’art et écrivain, membre de l’Académie des Beaux-Arts, m’indiquant que Franck Riester, alors Ministre de la Culture, venait de publier un communiqué de presse pour exprimer sa volonté de trouver une alternative à la démolition de notre pauvre chapelle.


Un peu plus tard dans la soirée, Stéphane Bern me laissait un message sur ma boite vocale, m’indiquant que nous avions gagné ! À cette époque-là, nous étions en contact pour un autre dossier et dès que j’avais lancé l’appel à mobilisation, il fut le premier à rejoindre « la fronde » à nos côtés.



L’Université Catholique de Lille, et plus particulièrement Junia, l’école d’ingénieurs porteuse du projet de démolition, s’était dite ouverte à la discussion avec le Ministre. Effectivement, à ce moment-là, nous pouvions réellement savourer la victoire et, moi, j’allais enfin pouvoir dormir un peu, ce qui n’avait pas été le cas pendant ces 15 jours intenses.



Hélas, c’était sans compter sur le remaniement ministériel et l’arrivée de Roselyne Bachelot rue de Valois.



La passation de pouvoir entre cette dernière et Franck Riester a eu lieu le 10 juillet, le jour même du rendez-vous qui devait réunir tous les protagonistes de « l’affaire Saint-Joseph » au ministère. Le rendez-vous n’a jamais été reporté et la suite, on la connaît.


Roselyne Bachelot a refusé la demande de mise en instance de classement, seule mesure qui pouvait sauver la chapelle. Malgré nos deux recours en référé et notre pourvoi en cassation, il n’y a rien eu à faire, et Saint-Jo est tombée.


 


Maître Théodore Catry, qui est notre avocat dans ce dossier depuis le début, nous explique la teneur de ce nouveau recours :


 

"Bien que la chapelle soit aujourd'hui détruite, la question de la légalité du refus de classement qui a privé le monument de protection restait en suspens. Le tribunal administratif de Lille vient de fixer cette affaire à l'ordre de l'audience du 15 juin prochain. Ce sera l'occasion de déterminer si la mise en instance de classement se décide sur la base de critères objectifs relatifs à la rareté et la fragilité du bien, comme nous le défendons, ou si elle se prend au bon vouloir des politiques en place. Ce qui a été, et sera toujours si c'est le cas, une menace permanente sur notre patrimoine en péril."


 


Nous savons que nous avons 99,9% de chance de perdre encore une fois devant la justice, et d’être à nouveau condamnés à une lourde amende, comme ce fut le cas lors de notre second recours. Mais, peu importe, la chapelle Saint-Joseph mérite tous les sacrifices et si le miracle se produisait, alors ce serait un petit pas pour nous et un grand pas pour le patrimoine.

 


Car il est très inquiétant de voir se reproduire ce genre d’affaire sur l’ensemble du territoire, nous privant chaque jour un peu plus de nombreux témoins de notre mémoire collective, au profit de constructions sans âme et sans caractère, comme nous pouvons le voir sur cette triste photo.



Aujourd’hui, je fais un rêve. Celui de pouvoir vous annoncer dans quelques semaines que la justice s’est montrée juste envers le patrimoine. Alors certes, la chapelle est à jamais perdue, mais ce serait tellement bien qu’on reconnaisse, même à titre « posthume », que son avenir ne devait pas être celui qu’elle a connu. Gardons dans nos mémoires ce beau souvenir d’elle, grande, et magnifique…




Il y a de tristes coïncidences dans l’histoire. Près de deux ans après la démolition de « notre » Chapelle Saint-Joseph à Lille, c’est autour d’une chapelle éponyme d’être en proie à la promotion immobilière au Mans.


 


Même si, pour le moment, aucun permis de démolir ne semble être acté, le projet est très abouti, comme on peut le voir sur le visuel du cabinet d’architecte en charge de de la « défiguration » du quartier.


 


Si nous ne pouvons pas lui jeter la pierre — car il a simplement répondu à un appel d’offre — on peut lui reprocher de ne pas avoir su intégrer l’existant et ainsi conserver l’âme du quartier.


 


À ce stade, nous ignorons si les sœurs propriétaires des lieux ont émis l’idée de conserver l’édifice ou non dans le projet. Toujours est-il que leur choix a été de sacrifier ce témoin de l’histoire collective.




Nous sommes toujours très en colère contre les élus démolisseurs, mais nous le sommes encore plus lorsque c’est l’institution catholique elle-même qui pratique la politique de la « Tabula Rasa ».


 


Heureusement, l’alerte a cette fois été donnée très tôt, ce qui nous laissera plus de temps pour les recours légaux. En tout cas, comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois l’issue sera plus heureuse.


 


En attendant, voici l’article de l’auteur de la pétition qui a été lancée pour dire « non à la démolition de la Chapelle Saint-Joseph au Mans », qui résume parfaitement la situation. Nous vous invitons d’ailleurs à signer cette pétition en fin d’article.


 


Alors comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois, l’issue sera plus heureuse.


 

 


Au Mans, il est une chapelle que nul voyageur quittant la gare ne peut manquer. A l’angle de l’avenue du général Leclerc et de la rue Gastelier, la chapelle Saint-Joseph domine le quartier de la gare depuis la moitié du XIXème siècle. A cette époque, l’évêque du Mans et le curé de Notre-Dame de la Couture concèdent un terrain au Sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loir qui y établissent, en 1864, un pensionnat pour jeunes filles.



Tout au long du XXème siècle, l’école connaîtra plusieurs difficultés, notamment du fait de la loi de séparation des Église et de l’État et de la Seconde guerre mondiale. Toutefois, l’école tient bon, de nombreux bâtiments sont construits au gré des années et l’établissement scolaire que nous connaissons aujourd’hui prend son véritable essor dans les années 1970. L’établissement a alors toutes les infrastructures pour prospérer dans l’enseignement catholique : des locaux et une chapelle.


 


La chapelle est construite sur le terrain donné aux sœurs au XIXème siècle. De style néo-roman, surmontée d’une grande croix celtique, dotée d’un grand portail en bois sculpté, elle fait partie du quotidien de l’ensemble des Manceaux dans la mesure où l’édifice se situe dans l’artère principale conduisant à la gare. La messe publique y est encore dite l’été, en particulier par le chanoine de la cathédrale du Mans, Daniel Sesbouë, jusqu’au milieu des années 2010. Désormais, seuls les élèves et l’administration de l’École-Collège Saint-Joseph savent ce qui est fait des lieux puisque la chapelle n’est plus ouverte au public, l’édifice accusant de sérieuses faiblesses structurelles.


 


En effet depuis de très nombreuses années, la chapelle subit les affres du temps sans que les tenants du lieu n’aient pris les mesures qui s’imposaient pour la préservation de ce lieu emblématique du quartier de la gare ayant vu passer de très nombreux Manceaux.



Au cœur du problème, logiquement, l’administration scolaire, affectataire des locaux, et les sœurs de Ruillé-sur-Loir, propriétaires des lieux. Par incidence, le diocèse du Mans, qui depuis des dizaines d’années n’a pas cru bon de se pencher sur la préservation du patrimoine dont il a déjà la charge. En témoigne le chantier pharaonique de l’installation de la fameuse croix de Goudji dans le chœur de la cathédrale, une enveloppe à 100 000 euros pour un diocèse qui peine à mobiliser pour le denier. En témoigne encore la destruction de la chapelle du Centre de l’Etoile, l’ancienne maison diocésaine ayant déménagé à la nouvelle et coûteuse Maison Saint-Julien réalisée pour la bagatelle de 9,5 millions d’euros dont on s’est aperçu, après coup, que la nouvelle chapelle était trop petite. L’argument financier n’est clairement pas plausible concernant l’état désastreux de la chapelle Saint- Joseph, celui de l’absence totale de vision l’est.


 


Il y aurait encore beaucoup à dire sur la manière dont l’Église gère ses biens, à n’en pas regretter le Concordat de 1802 dans la mesure où l’État se montre souvent plus respectueux des pierres édifiées par des générations de Français que l’Église catholique. Là n’est cependant pas la question.


 Il s’agit tout bonnement de démolir l’actuelle chapelle pour, d’après le diocèse, rebâtir « un nouveau lieu de culte ouvert sur le quartier et l’établissement qui sera reconstruit en lieu et place de la chapelle vouée à une démolition inéluctable . » Un tel mépris du patrimoine commun des manceaux tant en termes d’urbanisme, de style que de pauvreté de la dimension spirituelle ne peut être qu’inacceptable.


 


En termes d'urbanisme d'abord, car l'aseptisation et l'uniformisation grandissantes des grands centres urbains nuit profondément à l'attractivité de quartiers entiers qui finissent tous inéluctablement par être délaissés au profit d'un hypercentre toujours plus gentrifié, là où se trouvent les « belles pierres » à forte plus-value immobilière que la majorité des citoyens aiment. En outre, la faible identification des lieux conduira nécessairement à une absence d'appropriation par les citoyens de leur quartier puis sa désertification, renforçant la fracture sociale vécue par les habitants d'un quartier sans centre de gravité ni intérêt patrimonial.


 


En termes esthétiques ensuite, car un tel projet soulève de fortes interrogations en matière de respect de l'identité propre du quartier au sein duquel se côtoient d'anciennes maisons bourgeoises, des hôtels particuliers du XVIIIème siècle, l'hôtel Concordia et le square Léon Bollée, traduisant des styles s'harmonisant largement dans un bel ensemble immobilier. Le projet présenté par le cabinet DELAROUX, loin de l'objectif de moderniser l'ensemble, le dénature en profondeur car ne s'inscrivant pas en cohérence avec celui-ci, à plus forte raison que l'imagerie 3D nous présente un bâtiment vu et revu ne tirant pas son épingle du jeu de la création contemporaine. Une réfection de la chapelle, qui en a bien besoin car délaissée par les administrations scolaires successives, marquerait le signe d'une volonté de faire coexister durablement dans la cité différentes époques dialoguant entre elles, plutôt que parcelliser et diviser toujours plus le patrimoine manceau.


Il y a quelques années, un projet de réaménagement a été évoqué par les affectataires des lieux afin de remettre aux normes les installations de l’école Saint-Joseph, parmi lesquelles la chapelle. Il a été décidé d’emblée de la vouer à la démolition. Enterré depuis, le projet a resurgi en octobre 2022 avec un article du Maine libre traduisant les intentions concrètes de l’administration scolaire et des sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loire à l’horizon 2023. Ces intentions doivent être concrétisées par le cabinet Delaroux, architecte local, qui a délivré à la presse un dessin 3D de ce que serait le futur de la chapelle Saint-Joseph.

En termes spirituels enfin, car le projet ne permet pas de marquer pertinemment le rayonnement de la présence catholique au sein du quartier de la gare que la chapelle Saint-Joseph, par son architecture néo-romane du XIXème siècle, opère depuis de si nombreuses années. La destruction de la chapelle, en plus de traduire une aversion pour le patrimoine commun des manceaux, marquerait aussi une hostilité envers le besoin de l'Église d'habiter la société en se faisant reconnaître « au premier coup d'œil » par les citoyens dont la plupart conserve un sens aigu de l'iconographie chrétienne.


 


Ainsi, une pétition est lancée pour alerter le diocèse et faire connaître au plus grand nombre, particulièrement aux familles qui souhaiteraient scolariser leurs enfants à l'école Saint-Joseph, les projets de l'établissement. Il est demandé de suspendre a minima la destruction de la chapelle pour lui donner une nouvelle jeunesse méritée respectueuse du patrimoine commun des Manceaux tant historique que spirituel.


 


Le patrimoine commun vaut mieux que la somme de tous les intérêts individuels.


 

Alban Philippe, manceau


 


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