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Cela faisait des années que le Musée de l’Éventail situé dans le 10ème arrondissement de Paris était menacé de disparition. Sa propriétaire, Madame Anne Hoguet, Maître éventailliste et digne héritière d’une collection d’éventails unique au monde, n’avait pas réussi à trouver un accord avec la ville de Paris et était menacée d’expulsion.  Ce qui signifiait que l’inestimable collection risquait d’être dispersée aux enchères.



C’était sans compter sur la volonté du Musée de la Nacre et de la Tabletterie, situé à Méru dans le département de la Somme. Beaucoup de parisiens ont regretté que ce magnifique musée quitte la capitale, mais c’est pourtant un vrai « retour aux sources », car c’est précisément à Méru qu’exerçaient les ancêtres de Madame Hoguet.


 


Inutile une fois encore d’opposer Paris à la province, l’essentiel étant que la collection ne soit pas dispersée aux quatre coins du monde, dans des collections privées.


 


Nous nous réjouissons de ce dénouement heureux et nous saluons l’implication et la détermination de tous les acteurs de ce sauvetage, à commencer par Xavier Bertrand, le Président de la Région Hauts-de-France qui n’a pas ménagé ses efforts pour rendre « l’impossible, possible », ainsi que La Communauté de Communes des Sablons et, bien entendu, l’État, à travers le Fonds National du Patrimoine, pour son soutien « exceptionnel ».


 


Mais cette collection unique valait bien que l’on se batte pour elle.


 


Nous avons été la dernière association à être sollicitée pour venir en aide au Musée, et nous avions d’ailleurs convié Madame Hoguet sur notre stand lors du Salon International du Patrimoine au Carrousel du Louvre en octobre dernier.



Nous tenons tout particulièrement à remercier Monsieur Florentin Gobier, Directeur du Musée, pour sa disponibilité, son enthousiasme et son courage, car mener un tel projet n’était pas chose aisée.


 


Enfin, nous remercions tous les donateurs qui ont fait un geste pour sauver le musée au moment où son avenir était bien sombre.


 


Vive les territoires qui s’engagent pour la sauvegarde du patrimoine.


 



 


  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 22 mai 2023

J’avais écrit ces lignes au lendemain des élections présidentielles en mai 2017. Comme en ce moment tout le monde y va de son « bilan », j’ai trouvé intéressant de republier ce texte, car six ans après on ne peut pas dire que la sauvegarde du patrimoine soit un sujet « prioritaire ». Le sera-t-il un jour ?


 


Pour faciliter la lecture de cet article un peu long, le texte en bleu est celui de 2017, en noir le constat aujourd’hui.



La sauvegarde du Patrimoine, ne fut pas un grand thème de campagne des élections présidentielles, c'est donc avec une certaine fébrilité que nous attendions les orientations du nouveau Président sur le sujet. J'ai pris connaissance des dispositions qui pourraient être prises en faveur de la Culture et j'avoue être un peu soulagée de constater que ce sujet fera partie des "grands chantiers" envisagés par Monsieur Macron.


 


Comme mon implication et mes compétences concernant la Culture se limitent à la sauvegarde du Patrimoine, je ne vais pas me permettre de juger les mesures en dehors de celle-ci.


 


Le Patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel, mérite des mesures d'urgence et sans doute des réformes en profondeur.


 


1/ le Patrimoine ne devrait-il pas avoir un Ministère dédié ou au moins un Secrétariat d'état, en dehors de celui de la Culture, car après plus de trente ans d'abandon manifeste, la tâche me paraît démesurée pour être traitée par un seul Ministre.


 


6 ans plus tard, Stéphane Bern et quelques personnalités politiques, comme le Maire de Versailles, François de Mazières, plaident pour la création urgente d’un secrétariat d’État au patrimoine. Stéphane Bern optant pour un rattachement au Ministère du tourisme, François de Mazières, tout comme nous, au Ministère de la Culture.


 


Mais peu importe le rattachement, l’essentiel serait qu’il existe. Il a d’ailleurs déjà existé puisque de mars 2000 à mai 2002, sous la présidence de Jacques Chirac et du gouvernement Jospin, Michel Duffour sera Secrétaire d'État au Patrimoine et à la décentralisation culturelle. Après cette date, on n’entendra plus jamais parler de Secrétariat d’État au patrimoine et, en vingt ans, pas moins de onze ministres se sont succédés au Ministère de la Culture -- ce qui fait une moyenne inférieure à deux ans par mandat.


 


La question est : comment peut-on réformer et développer une politique ambitieuse en faveur du patrimoine quand on exerce si peu de temps ? Et la réponse est : on ne fait rien, ou du moins, pas grand-chose.


 


 2/ Ne serait-il pas temps de redonner une réelle valeur à ce que l'on appelle communément "le petit Patrimoine", qui est pourtant celui qui fait le charme et l’intérêt de nos beaux paysages de France. Celui de nos territoires, souvent oubliés par nos instances Parisiennes et qui pourtant contribuent au rayonnement touristique du pays ?


 


Ne supportant plus l’appellation « petit patrimoine » que nous trouvions trop réductrice, nous avons fait le choix de le nommer : « patrimoine de proximité ». C’est plus clair et cela permet, au moins au niveau du langage, de ne pas dénigrer un patrimoine incontournable, à savoir celui qui nous entoure et qui fait de la France ce qu’elle est.


Pour le reste, ne rêvons pas.


 


Depuis six ans, rien n’a été fait pour mettre en valeur et surtout pour protéger de la folie démolisseuse nos châteaux, nos églises et autres patrimoines, qui ne bénéficient d’aucune protection au titre des Monuments Historiques.


 


Pire, lors du plan relance Culture en 2020 doté de 614 millions d’euros en faveur du patrimoine, le patrimoine de proximité s’est vu gratifié de zéro euro.


 


Les édifices protégés MH ont reçu 40 millions d’euros, ce qui n’est tout de même pas grand-chose, et le reste est allé, comme d’habitude, à ce que Madame Roselyne Bachelot nomme « les grands opérateurs », nous rappelant au passage que l’Opéra Garnier n’était pas à Montauban et qu’il était tout à fait légitime de préférer financer les « têtes de gondoles », plutôt que les modestes édifices de province.


 


La Loi ELAN de 2018 a également facilité la démolition des immeubles de nos centres anciens, puisque désormais, les Architectes des Bâtiments de France ne peuvent émettre qu’un avis simple, à savoir, un avis qui n’aura aucune valeur s’agissant d’un projet de démolition. Nous n’ouvrirons pas le débat sur l’isolation par l’extérieur qui est un casse-tête pour tous les propriétaires de patrimoines non protégés, et enfin, il nous faudrait un livre entier, et pas un simple article, pour dénoncer les défigurations de nos paysages de province à grand coup d’éoliennes, antennes relais ou autres méthaniseurs. En quelques années, sous couvert d’écologie, on massacre purement et simplement des dizaines de villages, qui finissent par ne plus ressembler à rien.


 


Il est important de rappeler une fois encore, que les touristes du monde entier ne viennent pas chez nous pour visiter des champs d’éoliennes, des parkings ou des zones pavillonnaires, mais bel et bien pour visiter des lieux chargés d’histoire…De notre histoire…


3/Consciente que l'état ne pourra pas engager toutes les sommes nécessaires à la restauration des édifices en grand péril, il faudrait davantage d'implication et de mobilisation citoyenne. Pour se faire, il faut donner un peu plus de pouvoir aux associations locales ou nationales, grandes ou petites, mais qui bien souvent peuvent réaliser de grandes choses.


 


Sujet tout à fait d’actualité avec « l’affaire » de la chapelle des Augustins à Montagnac. (voirnotre précédent article).


 


Alors que Madame Bachelot (encore elle), nous a fait la morale en début d’année au sujet du patrimoine religieux en « conseillant » aux citoyens de se relever les manches s’ils voulaient sauver leurs églises. Et bien dans le cas qui nous occupe, le propriétaire et l’association de sauvegarde risques d’être condamnés pour ça.


 


Autre exemple : il y a 4 ans, on nous a formellement interdit d’exfiltrer une statue qui était rongée par les insectes, afin de la faire restaurer gracieusement par un artisan qualifié membre de notre réseau. Résultat, la statue est toujours dans son église, fermée au public pour des raisons de sécurité, et elle va finir par être réduite en poussière, si ce n’est déjà fait. Donc, en conclusion, en 2023, on préfère perdre un objet mobilier ou un édifice, si les restaurations ne sont pas suivies par les services de la culture.


 


Nous n’avons aucune idée du nombre d’objets qui disparaissent tous les ans, faute de restauration d’urgence, mais ils doivent être nombreux.


 


Quant au « pouvoir » des associations, s’agissant de lutter contre les démolitions, il est quasi nul. La plupart du temps, elles sont déboutées, car en règle générale, il y a toujours un ABF qui a fini par signer un avis conforme, et la justice ne tient compte que de cet avis, même si les éléments présentés par les défenseurs du patrimoine sont probants et attestent du bien fondé de l’opposition à la démolition. En conclusion : pouvoir = zéro.


 


 4/ En termes de démolitions, la "veille" de l'état doit être plus approfondie, car si la majorité des Architectes des Bâtiments de France font un travail formidable, dans certains cas, ils ne peuvent pas intervenir, et laissent toute latitude aux élus "démolisseurs", peu sensibles au Patrimoine de leur commune. Il serait là aussi judicieux de rendre obligatoire une concertation publique, afin que les administrés puissent faire entendre leur voix, s'agissant de la destruction d'un bien commun.


 


Sur ce point-là, inutile de s’attarder, car le terme « concertation publique » semble être un gros mot dans notre beau pays de France. Pourtant, le patrimoine est réellement un bien commun, et tous les habitants d’une commune devraient avoir leur mot à dire lorsqu’un édifice fait l’objet d’un projet de démolition. D’autre part, une commission indépendante devrait être mise en place pour émettre un avis quant à la pertinence d’un projet de démolition. Sous l’impulsion du Préfet, elle pourrait être constituée d’élus, de représentant de la population et de représentants des associations de sauvegarde locales. Mais ne rêvons pas, en France, on ne peut pas mélanger « les torchons et les serviettes ».  


 


 5/Ne pas hésiter à encourager et développer toutes les initiatives éducatives et de sensibilisation à la fois auprès des élus, ainsi qu'auprès des jeunes, qui seront les futurs acteurs de la sauvegarde du Patrimoine.


 


On ne peut pas dire que le patrimoine soit un sujet prioritaire dans l’enseignement primaire et secondaire. Quelques enseignants cependant résistent au « wokisme ambiant », mais ils sont hélas très peu nombreux. Le patrimoine, pour certains, est le sujet de prédilection des réactionnaires qui sentent la naphtaline, mais entre-nous, je préfère sentir la naphtaline que le souffre. Un pays qui ne reconnaît pas ses racines est un pays perdu. Bon, réjouissons-nous : il y a une certaine volonté à développer les Masters Patrimoine dans toutes les FAC de France, le problème reste les programmes qui orientent bien plus les étudiants vers des métiers de médiations culturelles que de sauvegarde du patrimoine. D’ailleurs, nombreux sont les étudiants de cette filière qui trouvent assez normal qu’on détruise à grands coups de pelleteuses tous les édifices qui ne sont plus vraiment « politiquement correct », à savoir, le patrimoine religieux.


Mais ne nous aventurons pas sur un terrain trop glissant.


Quant à la sensibilisation auprès des élus, sauf si j’ai raté quelque chose, il n’y a aucune démarche dans ce sens. Enfin si, quelques rapports mettant en avant l’intérêt du patrimoine, mais suivis d’aucun effet.


 


 Il y a bien le plan Action Cœur de Ville qui était sensé permettre la valorisation des centres anciens, mais les millions dirigés vers les villes bénéficiaires servent plus souvent à démolir, plutôt qu’à réhabiliter. Donc, l’intention était bonne, mais sans doute pas suffisamment encadrée, c’est d’ailleurs le constat que fait la cour des comptes dans un rapport en 2022. Pour le résumer : « pas mal mais peut mieux faire ».


6/ Concernant la mobilisation des professionnels évoquée par notre nouveau Président, elle est évidente et nous sommes d'ailleurs en train de monter un projet "pilote" en Région, afin de réunir talents et compétences au chevet du Patrimoine en péril.


 


Ce projet « pilote », c’était notre dispositif « Un Geste à l’Édifice ».


 


C’est au Salon du Patrimoine en 2016, qu’une restauratrice de tableaux était venue me voir pour me proposer, si le cas se présentait, de restaurer, sur son temps libre, une œuvre pour laquelle il n’y avait pas de budget. Je connaissais une petite association dans l’Yonne qui avait pris en main la restauration complète de l’église de la commune, et qui avait un tableau pour lequel le montant de la restauration s’élevait à 14.000 euros. Somme dont ne disposait ni la commune, ni l’association. C’est donc cette première œuvre qui a bénéficié de notre dispositif et depuis, il y en a eu beaucoup d’autres.



Nous avions de grandes ambitions avec ce dispositif, mais plusieurs facteurs nous ont un peu freinés.


 


Tout d’abord, certains artisans voient dans cet acte gracieux une concurrence déloyale, ce qui pour moi n’est pas justifié puisque les œuvres ou les éléments du patrimoine restaurés ne disposent d’aucun budget et de ce fait, sont condamnés.


 


Tous les artisans qui participent à Un Geste à l’Édifice le font sans contrainte, simplement par pure générosité. Donner son temps et son savoir-faire pour sauver le patrimoine ne me semble pas être répréhensible, mais soit …


 


Ensuite, il y a un facteur « suspicion », car l’acte gratuit est toujours inquiétant. L’exemple le plus flagrant est celui-ci : une commune avait 4 tableaux à restaurer. Tous bénéficiaient d’une protection MH, et nos restaurateurs participants sont tous de grands professionnels habitués à restaurer des œuvres inscrites ou classées. L’intervention gracieuse a été refusée par la DRAC de peur que le travail ne soit pas de qualité. Un appel d’offre a été lancé et c’est, ironie du sort, notre restauratrice qui l’a emporté. La commune s’est donc privée d’environ 15.000 euros, montant approximatif du « geste » que nous étions prêts à lui offrir, mais dans ce cas précis, il y avait des subventions de la DRAC, donc tant mieux si notre restauratrice a été rémunérée.


 


D’ailleurs, lorsqu’une commune nous contacte pour ce dispositif, nous précisons désormais que nous ne pouvons hélas pas intervenir sur des œuvres protégées, car la DRAC nous l’interdit. Peu importe, il y a sur le territoire des milliers d’œuvres en déshérence qui ne bénéficient d’aucune protection, et il y a des élus qui nous font confiance, car ils savent que nous n’engagerions pas notre réputation en faisant restaurer le patrimoine de leur commune de façon approximative.


 


Toujours est-il que grâce à « Un Geste à l’Édifice nous avons restauré une bonne quinzaine de tableaux qui étaient condamnés, des statues en bois polychromes, un grand calvaire, remis un baptistère sur pied, fait exécuter de nombreux diagnostics, notamment pour la restauration de peintures murales, restauré une toiture complète et bien d’autres choses encore.


 


Rappelons tout de même qu’après le drame de Notre-Dame, nombreux étaient les artisans et les entreprises qui souhaitaient s’engager bénévolement pour certaines restaurations, alors pourquoi ne pas s’engager une fois de temps en temps pour des édifices plus modestes ? Il y a 6 ans, le Président Macron préconisait l’investissement des artisans. A lui de leur donner les moyens d’aller jusqu’au bout de la démarche avec des avantages fiscaux, ou des allègements de charges quand ils mettent le temps et leur savoir-faire au service du patrimoine.


 


En attendant, si vous aussi vous souhaitez offrir votre « Geste à l’Édifice », vous pouvez toujours œuvrer aux côtés d’Urgences Patrimoine.




7/ Le Patrimoine ne se limitant pas au bâti, une cause importante est à mettre en lumière, celle de la transmission du geste et du savoir-faire. C'est en redonnant le goût de la transmission aux jeunes générations, que nous sauvegarderons des savoir-faire inégalés, qui contribuent également au rayonnement de notre pays et peuvent créer des emplois.


 


C’est un sujet récurant qui revient régulièrement sur le devant de la scène. On parle d’intelligence de la main, d’excellence Française… Les superlatifs ne manquent pas pourtant, beaucoup de métiers de l’artisanat peinent à trouver des candidats, alors que ce sont des métiers d’avenir et très valorisants. Hélas, nous manquons cruellement de structures qui enseignent ces métiers. La seule initiative notable de ces dernières années est sans doute la création du Campus Versailles, mais il faudrait certainement des dizaines d’établissements de ce genre sur l’ensemble du territoire pour motiver et orienter les jeunes vers ces métiers. Et pourquoi pas rendre obligatoire un stage en classe de troisième chez un artisan ? Pour le moment, les jeunes ont obligation de faire un stage en entreprise, mais n’importe quelle entreprise. Quelques jours passés sur un chantier de restauration pourraient peut-être susciter de nombreuses vocations et encourager la transmission des gestes.


 


8/Il existe des mesures simples à mettre en place pour trouver des sources de financements supplémentaires, en passant par la fiscalité, certes déjà très lourde, mais certaines mesures pourraient aisément encourager le monde de l'entreprise et des classes aisées à agir davantage pour cette cause. Une autre mesure pourrait même être la panacée, mais celle-là, je la garde pour moi. Le sujet est si vaste, qu'il pourrait y avoir cent mesures toutes aussi importantes, chaque acteur de la sauvegarde du Patrimoine, grand ou petit, institutionnel ou simple citoyen pouvant apporter sa "pierre à l'édifice".


 


En 6 ans, rien n’a changé. Les grandes entreprises et les grands donateurs font preuve de générosité envers les grands édifices. Alors qu’ils pourraient bénéficier des mêmes avantages fiscaux, si leurs dons étaient dirigés vers le patrimoine de proximité.


 


Le plus bel exemple est encore et toujours Notre-Dame. Or, il existe sur notre territoire des milliers de « petites Notre-Dame », qui sont en train de tomber en ruine dans l’indifférence générale. Donner pour Notre-Dame, c’est sauver certes, un des édifices les plus célèbres du monde, mais sauver les « petites Notre-Dame », c’est sauver la France. À quand un engagement de la Fondation Louis Vuitton par exemple pour la restauration d’une petite église de Saône-et-Loire ? pas pour demain hélas…




Bon, ne voyons pas tout en noir, il y a tout de même eu la création du loto du patrimoine. Longtemps plébiscité par François de Mazières, le loto du patrimoine a été enfin lancé en 2018 avec, à sa tête Stéphane Bern. Nous ne pouvons que nous réjouir de la création du loto, car tout ce qui peut permettre d’assurer un avenir au patrimoine est bon à prendre. Nous regrettons simplement que parmi les lauréats, se trouvent désormais de plus en plus d’édifices protégés au titre des Monuments Historiques qui bénéficient de subventions, et même des cathédrales, qui en théorie sont à la charge de l’État. À quand une mesure uniquement destinée au patrimoine de proximité ?


 


La mesure que j’évoquais sans vouloir la dévoiler n’a en fait rien de révolutionnaire. Mais il suffirait de mettre en place une « patri-taxe » à l’image de l’éco-taxe que nous payons lors de l’achat d’un téléphone portable ou d’une machine à laver. Elle pourrait être mise en place lors des réservations sur les différentes plateformes dédiées comme Booking ou Airbnb, ou lors de l’achat d’un séjour dans une agence de voyage. Une micro taxe de quelques centimes passerait totalement inaperçue pour les usagers et permettrait de faire avancer la cause du patrimoine de proximité.


 


Je sais, nous sommes taxés de tous les côtés, mais là encore, quelques centimes pour sauver des centaines de témoins de notre mémoire collective, ne me semble pas être un gros sacrifice.


 


J’entends déjà les critiques de certains pour lesquels le patrimoine n’a aucun intérêt et qui verraient d’un mauvais œil cette « patri-taxe ». À ceux là je répondrai que nous payons des impôts et des charges pour des choses qui sont totalement éloignées de nos préoccupations, et pourtant, nous les payons.


 


9/ Il est un "détail" à ne pas négliger: 2018 sera l'Année Européenne du Patrimoine Culturel, il est à mon avis urgent d'agir, afin d'affirmer la position de la France par rapport à ce sujet, qui rappelons le, concerne et préoccupe bon nombre de nos concitoyens. Le Patrimoine est l'ADN même de notre pays, il doit retrouver sa place dans les grands dossiers de l'Etat !


 


Alors là, c’est un zéro pointé. En 2018, l’année Européenne du Patrimoine Culturel est passée totalement à la trappe chez nous. Aucune manifestation notable et une communication quasi nulle de la part du Ministère de la Culture.


 


Pour conclure, alors que nous avions cru à une réelle volonté du gouvernement, de faire de la sauvegarde du patrimoine une cause prioritaire, portée par une politique novatrice et ambitieuse, nous n’avons rien vu venir. Si : nous avons vu disparaître des dizaines d’édifices au profit d’une promotion immobilière toujours plus gourmande, et nous ne pouvons que constater une accélération des démolitions sur l’ensemble du territoire. Pourtant quand la question de l’écologie est au cœur de toutes les préoccupations, la réhabilitation du bâti ancien est bien plus bénéfique en termes d’empreinte carbone qu’une démolition reconstruction. Je ne le répèterai jamais assez.



On nous invite chaque jour à réparer plutôt que de jeter, à donner une seconde vie à nos objets… Alors à quand la même démarche pour le patrimoine ?


 


Bien entendu, cette liste de questions et de constats n’est pas exhaustive, car en 6 ans nous avons eu le temps d’appréhender plus en profondeur le sujet, notamment, au fil des multiples actions menées contre les démolisseurs.


 


Il reste 4 ans à notre Président pour agir concrètement, et faire de la sauvegarde du patrimoine une grande cause nationale. Car ne perdons pas de vue que le patrimoine est un vecteur important de notre économie et que c’est en grande partie grâce au patrimoine que nous sommes la 1ere destination touristique du monde, mais pour encore combien de temps ?


 


"Le Patrimoine ne peut pas lutter, ensemble, nous pouvons."


 


 Alexandra Sobczak-Romanski

Vendredi dernier, Nadia Mezrar, madame la Maire de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, a organisé un point presse pour le retour tant attendu de la statue de Saint Roch, en présence de Monsieur Didier Ragot qui représentait la paroisse et de moi-même. Et je ne vous cache pas que j’attendais ce moment depuis fort longtemps. Maintenant qu’il est de retour, j’ai tenu à raconter les détails de cette sauvegarde mouvementée et qui fut la source de bien des angoisses…



Il est rare que je rédige un article dans notre Gazette du Patrimoine en mon nom propre, mais « l’aventure » de Saint-Roch est trop personnelle pour que je m’en prive. Je rappelle que c’est à Saint-Pierre-lès-Elbeuf que se trouve le siège social d’Urgences Patrimoine et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un bureau parisien pour défendre le patrimoine de l’ensemble des territoires, bien au contraire. Qui mieux qu’une association de province peut défendre le patrimoine oublié de la province ?


 


Quand je suis arrivée il y a cinq ans, le premier endroit que j’ai visité était l’église du Lierroult, une modeste église, un peu excentrée du centre-ville.  En centre-ville, nous avons d’ailleurs une église plus importante, construite un peu après pour répondre au développement de la commune à la fin du XIXe siècle.



Comme l’histoire de cette petite église est étroitement liée à l’histoire de la maison de mon mari, je me suis sentie obligée de faire quelque chose pour elle. Certes, Urgences Patrimoine n’a pas les moyens de refaire une toiture ou de financer de grands travaux, mais, grâce à notre dispositif « Un Geste à l’Édifice », nous pouvons tout de même faire certaines choses.



Notre première action en faveur du Lierroult, fut de remettre la cuve baptismale sur un pied. Quand je suis arrivée, elle était par terre et il m’a semblé urgent de la remettre debout. David Poiron, artisan compagnon tailleur de pierre, est donc venu de Lille pour tailler gracieusement un nouveau pied dans un bloc de pierre offert par David Briche, un des membres de notre réseau, et avec l’aide de quelques courageux paroissiens la cuve baptismale a retrouvé sa place d’origine à l’entrée de l’édifice.



J’ignore pour quelle raison, je n’ai pas fait attention à la pancarte située à l’entrée de l’édifice qui mentionnait la présence d’un Saint Roch en bois polychrome ; toujours est-il que quelques mois plus tard, je lisais enfin l’intégralité du texte et l’enquête pour retrouver la statue, absente sans doute depuis plusieurs décennies, allait commencer.




Après avoir interrogé les élus de l’époque, les prêtres et quelques paroissiens, c’est finalement dans la sacristie de l’autre église de Saint-Pierre que Saint Roch fut retrouvé.



Ce fut donc un premier miracle, le second étant de le trouver encore debout, car vue la quantité du sciure qui se trouvait à ses pieds, il ne faisait nul doute que ce pauvre Saint Roch  servait depuis des années de repas à des dizaines d’insectes xylophages. Je peux affirmer qu’après encore quelques années, remisée là et sans soins, l’œuvre aurait fini en poussière.




Il ne me restait plus qu’à demander « l’exfiltration » de Saint Roch au maire pour tenter de le sauver. Il n’était bien entendu pas question de demander la moindre subvention publique, ou de faire un appel aux dons, et c’est donc par le biais de notre dispositif « Un Geste à l’Édifice » (comme pour le pied du baptistère) que nous allions concrétiser cette sauvegarde. Pour ceux qui ne connaissent pas ce dispositif d’Urgences Patrimoine, il consiste à faire intervenir des artisans dans le cadre du mécénat de compétences. L’artisan offre son temps et son savoir-faire pour des éléments du patrimoine en péril pour lesquels il n’y a pas de budget. Donc, pas un centime d’argent public n’est dépensé. Seule « contrainte » pour la commune, assurer le transport de l’œuvre quand une restauration sur place n’est pas envisageable et être patiente, car les artisans participants à cette opération le font sur leur temps libre, car il est évidant qu’ils ont besoin de faire passer en priorité leur travail rémunéré.


 


Il n’y a pas qu’à la commune que Saint Roch aura appris la patience :  à moi également et on ne peut pas dire que la patience soit ma qualité principale. Pourtant, il a bien fallu.



Au départ, c’était une restauratrice niçoise qui avait accepté de prodiguer ses bons soins à notre petit malade. Mais trop loin pour pouvoir assurer le transport. Un artisan de notre réseau situé dans la Nièvre s’était alors proposé et comme il était de passage chez moi, il pouvait l’emmener. C’est ce qu’il a fait, en prévenant tout de même qu’il ne faudrait pas être pressé, d’autant qu’à l’époque, il faisait partie des « stars » de l’émission « affaire conclue » sur France 2.


 


Malgré notre bonne volonté et l’envie de vouloir toujours faire pour le mieux, nous ne sommes que des êtres humains, avec nos caractères et nos travers, et après plus de deux ans de présence dans l’atelier nivernais, l’artisan a renoncé à la restauration. C’est un peu le revers de la médaille du bénévolat, car on ne peut pas obliger quelqu’un à faire quelque chose gracieusement s’il change d’avis. Je l’ai compris et accepté, ce qui ne fut pas le cas d’un paroissien qui a passé son temps à me harceler et qui a même fini par faire courir le bruit que j’avais vendu la statue. Vous n’imaginez pas à quel point j’ai été blessée par ce « bruit » détestable, moi qui ai tout sacrifié depuis bientôt neuf ans, pour sauver ce qui peut l’être sans que cela ne coûte quoi que ce soit aux collectivités.



Toujours est-il qu’il fallait trouver un plan B en urgence et surtout récupérer Saint Roch dans la Nièvre. Heureusement, notre réseau est vaste et un de nos adhérents nivernais a très gentiment accepté d’aller le chercher chez l’artisan.


 


C’est à cette même période que j’avais au téléphone pour tout autre chose, mon amie Sabine de Freitas, une des plus brillantes restauratrice de peintures murales en France, mais aussi, spécialiste des bois polychromes. Je lui ai fait part de mes déboire « Saint Rochiens », et elle m’a immédiatement proposée de le prendre en charge.



Depuis la Nièvre, direction la Touraine où Sabine co-dirige le Conservatoire Muro dell’Arte et après quelques semaines de soins intensifs, Saint Roch a été sauvé. Ouf !!!



La restauration d’une œuvre peut-être également l’occasion de transmettre un savoir-faire, un geste. Et c’est exactement ce qui a été le cas pour notre statue.



Le Conservatoire enseigne de nombreuses techniques à des apprentis, et c’est Laurine Payenchet, apprentie compagnon du devoir, qui a œuvré sous la haute surveillance de Sabine. Saint Roch a été sauvé et a permis également la transmission d’un savoir-faire, cela nous réjouit doublement et nous les remercions bien sincèrement toutes les deux.


J’espérais le retour tant attendu de la statue pour le 16 août, jour de la Saint-Roch, mais en pleine période estivale, l’organisation du retour était compliquée pour les services de la ville, ce qui est tout à fait logique.



C’est donc début décembre que Saint Roch a retrouvé ses terres Saint-pierraises et je peux vous assurer que c’est pour moi un extraordinaire cadeau de Noël, tant ce « Geste à l’Édifice », m’aura causé des tracas.



Mais tout est bien qui finit bien et c’est le principal.



Maintenant, il faudra envisager son retour dans son église d’origine, sans doute dans quelques mois, quand les conditions climatiques seront plus clémentes pour éviter un choc thermique selon les préconisations de notre restauratrice et surtout, après avoir réfléchi aux moyens de sa sécurisation dans l’édifice, afin que Saint Roch n’entame pas un nouveau voyage, cette fois contre son gré.


 


Je tiens à préciser que, malgré les déconvenues, nous avons réussi à sauver un témoin majeur du patrimoine de la commune et que si je n’avais pas lu cette pancarte en 2019, Saint Roch aurait probablement disparu. Si le cas de cette statue était un cas isolé, ce ne serait pas grave, mais c’est dans la majorité des églises de France que des œuvres sont remisées, puis souvent oubliées. Nous perdons chaque année des centaines d’œuvres, parce qu’on ne sait même plus qu’elles existent, ou parce qu’il n’y a pas de budget pour les restaurer. Alors notre opération « Un Geste à l’Édifice » entraîne parfois quelques contraintes, mais nous permettons aux « oubliées » de passer de l’ombre à la lumière.



Un immense merci à tous les artisans qui s’engagent à nos côtés pour l’avenir du patrimoine de proximité.



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