top of page

ree

Le 24 Juin 2020 est le jour où Napoléon, plus exactement sa statue équestre située place du Général de Gaulle à Rouen, a résisté à l’opération de démontage visant à protéger quiconque passerait à proximité. En effet, la statue de bronze représentait une menace du fait d’une dégradation se situant au niveau de la patte arrière droite du destrier. Une fissure de 20 centimètres de long sur 1 centimètre de large fragilisait dangereusement l’ensemble de l’édifice.


ree

Dès 9 heures du matin, l’opération se déroulait à la perfection. Il est alors décidé de détacher la tête du buste de l’Empereur. Des sangles maintiennent la tête en place pendant que deux hommes s’activent autour du cou. Tout est fait pour protéger la statue de bronze, bronze qui serait issu d’une partie des canons des ennemis que Napoléon et son armée déjouèrent à Austerlitz. Mais Napoléon résiste à l’idée de “perdre la tête”. Au bout d’une heure et demi d’un travail acharné, la tête reste obstinément en place. Il est donc décidé d’opter pour une autre tactique : soulever la statue d’une seul et même bloc. Les sangles se multiplient sous un soleil de plomb jusqu’aux alentours de 10h30 où la première tentative de soulèvement a lieu. Les moteurs de la grue se mettent à ronronner, les journalistes présents préparent leurs appareils, … mais la statue ne bronche pas ! Au mieux, elle tangue légèrement de droite à gauche. Napoléon semble frissonner, ou rire ! Car il a décidé qu’il ne quitterait pas son socle.

ree

La nouvelle tombe : l’horaire annoncé (9h-12h) ne sera pas tenu. Il faut à l’entreprise quelques heures supplémentaires pour qu’ils puissent desceller l’Empereur des Français. Rendez-vous est donné à 15 heures. Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. Une nouvelle tentative a lieu et cette fois-ci, la statue de bronze ne bronche pas. Les journalistes s'interrogent et se regroupent pour savoir si Napoléon quittera Rouen aujourd’hui même.


ree

Le verdict est là : Napoléon a déjoué les intentions des français qui souhaitaient le déplacer, quand bien même l’objectif était une restauration de cette œuvre du sculpteur Dubray et du fondeur Thiébaut. Une rumeur circule, et pas des moindres, puisqu’il semblerait que les difficultés rencontrées pour le désassemblage viendraient notamment du fait que les plans de la statue seraient manquants. Obstacle majeur qui force l’entreprise à abandonner.


ree

Le bilan de cette journée est amer : il faudra revenir pour déloger la statue. Mais nul ne sait à quand cette opération pourra être reportée. Une semaine ? Un mois ? Plus ? Il s’agit d’une affaire à suivre, d’un duel que Napoléon a bel et bien remporté aujourd’hui. Napoléon, qui dans ce demi-sourire qu’offre la statue, semble vouloir dire “Battons-nous donc ! Mes amis, voilà le soleil d’Austerlitz !”Au moment où nous publions cet article, nous venons d’apprendre qu’une nouvelle tentative de dépose pourrait avoir lieu le jeudi 2 juillet, en attendant, une analyse approfondie du socle de plomb va être réalisée.


Mélaine LhommePour La Gazette du Patrimoine

  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 14 juin 2020

ree

Nous assistons depuis quelques jours à un mouvement sans précédent, dont les revendications sont pour certaines sans doute légitimes. Toutefois, s’en prendre à des statues, souvent présentes depuis plusieurs siècles, est un acte condamnable, fait pour diviser — et en aucun cas rassembler — autour d’une cause somme toute tragique.« La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un immeuble ou d'un objet mobilier classé ou inscrit au titre des monuments historiques constitue un délit sanctionné par l'article 322-3-1 du Code pénal. »


À partir de cet article de loi nous pouvons nous interroger sur les actes de vandalisme perpétrés ces derniers jours sur des œuvres au quatre coins du monde. Effacer les représentations de ceux qui ont fait l’histoire heureuse ou controversée d’un pays, est-ce la bonne idée en ce début du XXIe siècle tourmenté ? S’attaquer à l’art et à la culture d’une nation, est-ce le meilleur moyen « d’oublier » ? Et s'agit-il d'oublier ?Les revendications d’une minorité d’ultras anti-esclavagistes sont-elles légitimes ?Personne ne doit oublier la souffrance que l’histoire a infligé aux hommes, à tous les hommes. Il faut se souvenir, il faut transmettre, il faut expliquer…


Le « devoir de mémoire » consiste avant tout à honorer ceux qui sont victimes de l’histoire de l’humanité. Mais est-ce leur faire honneur que de s’en prendre des siècles plus tard à la culture de leur pays ? N’oublions pas « qu’un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». (Aimé Césaire)La plus emblématique statue qui a été dégradée ces derniers jours est celle de Christophe Colomb. Ce qui signifie que certains souhaitent voir disparaître l’histoire depuis 1492 ? Mais alors dans ce cas, il faut détruire tous nos châteaux, puisque, si nous poussons la réflexion jusque-là, ils sont les témoins de l’oppression du peuple. Car les serfs et les vilains appartenaient bien aux seigneurs.


Durant des siècles, la misère était partout et la vie des « petits » n’avait aucune valeur.Doit-on pour autant s’en prendre aux représentations de Rois de France, parce que le peuple était méprisé et affamé ? Doit-on brûler Versailles parce que pendant que la Cour s’amusait le peuple agonisait ? Et même, en poussant la réflexion à l’extrême, devons-nous détruire les arènes romaines, parce que des gladiateurs y perdaient la vie ?Il faut attendre 1789 pour que l’homme soit considéré en tant que tel, sans considération de condition.Mais souvenons-nous de de l’article 10 des Droits de l'homme et du citoyen qui nous rappelle que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ».


Or, aujourd’hui, au nom de certaines tragédies qui ont émaillé l’histoire, cet ordre n’est plus respecté. S’en prendre à la culture d’un pays, c’est attaquer le pays lui-même.Retirer ou détruire une statue peut-il suffire à faire oublier ce qui ne peut pas l’être ? Certainement pas. Le bon sens consiste justement à expliquer et éduquer.D’ailleurs, citons le bel exemple de la ville de Bordeaux, dont certains personnages historiques de la ville ont fait leur fortune grâce aux esclaves.



ree

Afficher l’histoire, heureuse ou malheureuse, ce n’est pas de la provocation et encore moins de l’amnésie, c’est de l’éducation. Et l’éducation, est le principal vecteur de la culture, dont certains hélas semblent dépourvu aujourd’hui.N’oublions pas les ravages des guerres sur bon nombre de statues, dont certaines pouvaient être considérées comme étant de grandes œuvres. Au total, 17.000 statues ont été détruites sur l’ensemble de notre territoire pendant la seconde guerre mondiale. Et n’oublions pas que dans certains pays, la destruction des statues et du patrimoine est considéré comme un crime contre l’humanité.La guerre peut nous priver d’art, mais nous ne sommes pas en guerre, du moins, pas encore…


ree

« Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir où sont nos espérances, il y a le présent où sont nos devoirs. »Henri-Dominique Lacordaire

Subscribe
bottom of page