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614 millions d’euros, une somme colossale jusqu’alors jamais allouée au patrimoine.


Alors que de nombreux médias encensent cette mesure du plan de relance, notre enthousiasme est plus mesuré.



Enthousiastes, nous le sommes à l’idée que de nombreuses entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques vont voir leurs carnets de commandes se remplir, en espérant que ce ne seront pas que les « grosses » entreprises qui bénéficieront de « l’accélération » des chantiers de restauration et qu’il y aura également de la place pour les artisans des petites structures. La relance économique passe forcément par l’emploi et sur ce point, l’État semble assurément tenir ses promesses.



En revanche, c’est avec stupeur que nous avons pris connaissance des mesures en faveur du patrimoine à proprement parlé. Avant de connaître la répartition des 614 millions d’euros, nous étions déjà en train de calculer combien chaque département ou région allait recevoir pour venir en aide au patrimoine des territoires. Notre déception fut alors grande car, en fait, cette manne providentielle est destinée dans sa quasi-totalité à financer le patrimoine appartenant, non pas aux communes, mais à l’État.



Ce plan permet donc à l’État de restaurer les édifices laissés à l’abandon depuis des décennies — édifices dont il avait la charge. Il vaut mieux tard que jamais penserez-vous, mais nous nourrissions d’autres espoirs pour le patrimoine au sens plus large du terme. Seuls 40 millions d’euros sur 280 destinés aux édifices iront aux communes et propriétaires privés. Et pas n’importe quels édifices, uniquement ceux qui sont protégés au titre des Monuments Historiques.



Explications en chiffres :



614 millions =



• 280 millions d’euros : Valorisation des métiers d’art et les savoir-faire d’excellence.



« Le patrimoine innerve les territoires. Or il a cruellement besoin d’être entretenu et restauré, alors que la crise sanitaire a pesé sur les financements. Le plan de relance permettra de le remettre en état, avec des effets très concrets en termes de développement économique, d’attractivité et de rayonnement international de notre pays, et de fréquentation des monuments et des autres équipements patrimoniaux (musées, archives, archéologie) dans les territoires. » (Ministère de la Culture)



Voici le détail de la répartition de ces 280 millions d’euros :



•80 millions d’euros : plan cathédrales



• 40 millions d’euros : accélérer la restauration des monuments nationaux présentés par le Centre des monuments nationaux à travers l’ensemble du territoire.



• 100 millions d’euros : mener pleinement le projet de restauration et de mise en valeur du château de Villers-Cotterêts.



• 20 millions d’euros : rénovation d’autres équipements patrimoniaux (musées, archives, archéologie)



• 40 millions d’euros : pour la restauration des monuments historiques appartenant aux communes et aux propriétaires privés.



Les chiffres parlent d’eux même. Ce sont bien 240 millions d’euros qui serviront à restaurer le patrimoine qui est à la charge de l’État, c’est à dire les cathédrales et les Monuments Nationaux. Sur ces 240 millions, 100 sont destinés à la restauration du Château de Villers-Cotterêts, qui fait lui-même partie de ces Monuments nationaux.



Les collectivités et les propriétaires privés de Monuments Historiques devront se « contenter » de 40 millions, ce qui fait 396.040 euros par départements.



Au risque de paraître défaitistes, nous ne sommes pas certains qu’avec 396.040 euros on puisse restaurer « Le Patrimoine » des territoires. Et comment vont être distribués ces 40 millions ? Qui va décider ? Les DRAC, la Fondation du Patrimoine ?



Mais réjouissons-nous tout de même avec le « plan Cathédrales » à 80 millions d’euros. Certaines d’entre-elles sont dans un état plus que préoccupant et si cette somme ne permettra pas de les restaurer toutes, elle permettra sans doute d’effectuer les premiers travaux d’urgences.



Mais depuis le début de notre article, nous ne parlons que de 280 millions en faveur du patrimoine et pas de 614 millions. Pourquoi ?



Simplement, parce que les 334 autres millions ne sont en aucun cas destinés au patrimoine tel que nous l’entendons, mais aux grandes « structures patrimoniales » comme cet extrait du communiqué du Ministère de la Culture l’indique :



334 millions d’euros : soutien à la reprise d’activité des établissements publics patrimoniaux soutenant l’attractivité et le rayonnement international de la France.



« Les établissements publics patrimoniaux (musée du Louvre, château de Versailles, Centre des monuments nationaux, musée d’Orsay et de l’Orangerie, RMN-GP, Centre Pompidou, Universcience, etc.) font face aujourd’hui à une crise sans précédent, qui affecte leur modèle économique et culturel. Leur fréquentation, qui dépend pour une part importante du tourisme international, s’est effondrée (entre -40 et -80%) réduisant considérablement leurs ressources de fonctionnement et leur capacité à investir et à se projeter en termes de programmation pluriannuelle scientifique, artistique et culturelle. Les contraintes sanitaires nécessitent par ailleurs de pouvoir adapter l’offre et les formes culturelles. Au regard de leur rôle essentiel en termes de rayonnement international et d’attractivité de la France et de locomotive du tourisme, le plan de relance permettra de soutenir ces établissements dans leur reprise d’activité. »



Cette mesure est tout à fait compréhensible, puisque la crise sans précédent que nous vivons a vidé les grands musées de leurs visiteurs.  Donc, il faut compenser les pertes financières abyssales dues au manque de fréquentation pour ne pas conduire ces « fleurons de notre culture » à leur perte.



Sauf qu’une fois encore, ce seront les « grands » qui seront sauvés par ces mesures. Donner de l’argent pour le Louvre, Versailles, Orsay peut se comprendre, mais que percevront ces milliers de petits musées de province à l’équilibre financier déjà fragile ? Rien. Car c’est bien connu, chez nous « on ne prête qu’aux riches. »



D’ailleurs cette petite phrase mythique extraite de « La folie des grandeurs » est tout à fait d’actualité : «  Les riches c’est fait pour être très riches et les pauvres, très pauvres ». C’est un bon résumé de la cause que nous défendons.



Car le « petit patrimoine », celui qui n’est ni inscrit ni classé, ne bénéficiera d’aucun dispositif, ce qui risque de le conduire directement sous nos chère pelleteuses. En lieu et place pousseront des immeubles de standing ou de jolis parkings, pour la plus grande joie des touristes qui, un jour, reviendront, iront au Louvre et à Versailles, et peut-être à Villiers-Cotterêts, mais nulle part ailleurs, car ailleurs, ce sera : « circulez il n’y a plus rien à voir ».




Reste à espérer que les Régions et les Départements prendront à bras le corps ce patrimoine vernaculaire qui fait la richesse de nos territoires et participe amplement au rayonnement de la France, comme le rapport du Sénat (encore lui) le souligne.



Quoi qu’il en soit, réjouissons-nous quand même pour ceux qui bénéficieront de ce « plan de relance ». Nous remarquerons juste que la communication est mauvaise, car elle sous-entend que le patrimoine va être sauvé, ce qui est totalement faux, puisque ce ne sera qu’une poignée d’édifices qui bénéficiera de ces financements. Il aurait fallu nommer cela : « Plan de relance des entreprises du patrimoine et des grands Musées de France »



En communiquant de cette façon, le gouvernement s’expose une fois encore à ce que les potentiels petits donateurs à la cause du patrimoine se désengagent encore un peu plus et finissent par ne plus rien donner, ce qui mettrait un terme à des milliers de petits projets de sauvegarde.



Des centaines d’associations sont à l’agonie faute de dons, des centaines de propriétaires privés d’édifices non protégés ont eux aussi subi cette crise de plein fouet, mais, pour eux, pas une aide et l’ombre de l’arrivée de la taxe foncière est un cauchemar pour eux. Mais ils devront payer, pas de mesure exceptionnelle pour alléger leur souffrance. Et ils devront entendre sans doute une fois de plus : « si vous n’avez pas les moyens, vendez » — sinon, les huissiers s’en chargeront.




Allez, restons positifs et apprécions tout de même que les « Grands » se portent mieux grâce à ce « Plan relance », en espérant qu’un jour enfin, nos instances parisiennes se souviennent qu’il n’y a pas de grand ou de petit patrimoine, mais qu’il y a : LE PATRIMOINE



Lire le communiqué de presse du Ministère de la Culture ICI.


  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak-Romanski
    Alexandra Sobczak-Romanski
  • 28 janv. 2020

Dernière mise à jour : 20 nov. 2023


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Musée du Train Miniature Pierre Semard

Ils sont pourtant toujours à l’heure ces trains -à, mais, hélas, nous ne sommes pas certains qu’ils puissent siffler encore longtemps. Le Musée du Train Miniature Pierre Semard, situé à Carnoules dans le département du Var, est au cœur d’une polémique autour de subventions non-perçues compromettant ainsi son avenir.


L'association qui gère cette pépite du patrimoine ferroviaire fait de son mieux depuis des années, mais sans les subventions promises par la commune et le département, Il lui sera difficile de continuer à faire vivre ce charmant témoin du petit patrimoine ferroviaire. L’entreprise est d’autant plus compromise que des restaurations ont été entreprises dans les locaux qui accueillent la collection et que l'association n'a pas les moyens de les prendre en charge dans leur intégralité.


Une campagne de financement participatif a été lancée sur la plateforme Dartagnans, mais elle n'a pas permis de récolter les 3000 euros espérés.


Cette collection dynamise pourtant l'attractivité touristique de la commune, mais les élus n'ont pas l'air de s'en rendre compte. Pas plus que la SNCF, propriétaire du bâtiment qui a délégué la gestion du bâtiment au C.E. Cheminots PACA. C’est visiblement ce C.E. qui devrait assumer la charge des travaux, mais rien ne se fait.


Une fois de plus, le patrimoine est « otage » d’un incalculable nombre d’intervenants qui se renvoient les responsabilités et bloquent ainsi tout le processus. S’il s’agissait de centaines de milliers d’euros, nous comprendrions, mais les besoins du musée sont modestes.


Nous espérons que, parmi les protagonistes de cette affaire, un saura prendre le train du succès en marche et offrira un avenir pérenne au Musée du Train Minitature Pierre Semard.


Crédits photographiques : Pierre Dordor

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