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  • Photo du rédacteur: Alexandra Sobczak
    Alexandra Sobczak
  • 23 janv. 2023

Ça y est, « la vague Bachelot , qui vient de déferler, se calme et, dans quelques jours, il n’en restera qu’un peu d’écume… Car, comme d’habitude, il ne faut qu’une quinzaine de jours pour être frappé d’amnésie quand il s’agit de l’avenir du patrimoine religieux.


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Mais avant toute chose, un regret : celui de n’avoir pas entendu notre « nouvelle » Ministre de la Culture, Madame Rima Abdul Malak, prendre la défense de nos pauvres clochers, ou tout du moins, s’insurger contre les délires démolisseurs de celle qu’elle a remplacée.


 


Nous aurions pourtant apprécié que Madame Abdul Malak s’exprime, comme l’a immédiatement fait la Ministre des sports, Madame Amélie Oudéa-Castéra, au sujet des propos de Noël Le Graët concernant Zinédine Zidane. Certes, Zidane es, dit-on, au foot ce que Notre-Dame de Paris est au patrimoine et il était normal que la Ministre des sports réagisse immédiatement. Mais alors pourquoi la Ministre de la Culture n’a pas fait de même alors qu’il a été question, au même moment, de détruire sans sourciller les petits témoins de notre identité culturelle. Et n’oublions pas que, même quand ils sont « moches », nos clochers n’en restent pas moins les marqueurs forts de l’identité de nos territoires.



Ah mais oui, c’est vrai : les hautes sphères de l’État sont au chevet de Notre-Dame, ce qui semble leur conférer une immunité totale concernant l’avenir du patrimoine religieux.



Alors, faut-il alors brûler nos églises pour qu’elles aient soudain un intérêt ?


 


De tels propos de ma part vont en faire bondir certains, mais pourtant, c’est la vérité que je vais illustrer par un exemple : en avril 2021, un terrible incendie ravageait la petite église de Romilly-La-Puthenay dans le département de l’Eure. Toute la presse écrite et audiovisuelle avait relaté les faits, nous renvoyant directement aux terribles images de Notre-Dame en flammes.


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Une église qui brûle, est une tragédie. Alors pourquoi une église démolie n’en est pas une ? C’est la question que je me pose, car en juillet 2021, à 140 kilomètres plus loin, dans le département de la Seine-Maritime, on détruisait l’église de Puisenval dans le silence le plus total.


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Pas un seul média, même local, n’a relayé l’information. Vous vous dites peut-être que cette église était une église du XIXe « sans intérêt », comme dirait Madame Bachelot. Et bien pas du tout, l’édifice était présent depuis le XIe siècle (donc antérieur à Notre-Dame), mais rien, pas un mot. Donc, pour s’émouvoir du sort d’une église ou d’une chapelle en France, il faut qu’elle brûle, mais omerta totale s’agissant d’une démolition. Nous avons pu le constater d’ailleurs lors de la démolition de « notre » chapelle Saint-Joseph à Lille. Rares ont été les médias à relayer les images de sa démolition : encore une fois « pas de vagues », silence ça tombe !!!


 


Autre exemple et non des moindres : le cas de l’église du Sacré-Cœur de Denain. Qui parmi vous a entendu parler du projet de démolition de cette grande église du XIXe ? Pas grand monde. Et pour cause : l’affaire est sortie en même temps que le projet de démolition du Château de Louvroil en juillet 2022. Buzz total pour ce dernier, qui doit être rasé pour faire place à une enseigne Aldi. Toute la presse s’est emparée du sujet, ce qui a permis à la pétition en ligne de dépasser les 40.000 signatures. Celle contre la démolition du Sacré-Cœur dépasse péniblement les 1500 et, à part la presse locale, qui a relayé l’info ? Personne.



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Alors certains diront : restaurer une église, ça coûte trop cher. Donc il faut se résigner. Sauf que, dans le cas de Denain, c’est un budget de près de 3 millions d’euros qui est alloué à la démolition. Les professionnels de la restauration du patrimoine ne me contrediront certainement pas si je dis, qu’avec 3 millions d’euros, on peut en faire des restaurations sur un édifice qui ne présente pas de désordres structurels majeurs. Enfin, réjouissons-nous, le permis de démolir n’est pas encore déposé, ce qui nous laisse toute latitude pour déposer un recours le moment venu.


 


En attendant, pour résumer : d’un côté on nous dit qu’il faut protéger le patrimoine religieux français, à grands coups de rapports, de tribunes, ou autres publications dans les journaux nationaux, et, de l’autre, on choisit de se murer dans le mutisme le plus total quand les pelleteuses pointent le bout de leur nez.


 


Alors l’action, c’est pour quand ? Sans doute quand plus personne ne sera frappé d’amnésie.


 


Souvenez-vous, en juillet 2015, Dalil Boubakeur, alors recteur de la Grande Mosquée de Paris avait suggéré que certaines chapelles abandonnées pourraient occasionnellement devenir des lieux de prière pour les musulmans. Une pétition en ligne avait alors été lancée par feu Denis Tillinac, et avait été signée par une grande majorité de la classe politique, Nicolas Sarkozy en tête, ainsi que par bon nombre d’intellectuels. Nous aurions aimé une telle mobilisation lors de la démolition de Saint-Joseph, mais seuls des universitaires du monde entiers sont venus plaider la cause de l’édifice. Donc, en substance, cela signifie que céder une église pour un autre culte c’est mal, mais la démolir c’est bien…


 


Pourtant, l’argument des signataires de la pétition était à chaque fois sensiblement le même : « nos clochers font partie de notre patrimoine, ils sont les témoins de notre histoire collective et de nos racines chrétiennes. » Bien évidemment, je suis tout à fait d’accord avec cet argumentaire. Sauf que lorsqu’il s’agit de démolir, une église ou une chapelle ne serait plus un témoin de notre histoire et de nos racines chrétiennes?


 


Il est évident que tous les signataires de cette pétition ont effectivement été frappés d’amnésie depuis.



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Un an plus tard, le 26 juillet 2016, le Père Hamel est sauvagement assassiné dans son église. À nouveau, nous sommes tous catholiques et fiers de l’être et nos églises sont, ce jour-là, plus que jamais, les symboles de notre fierté. C’est à ce moment-là qu’Yves Jégo lance l’idée d’une loi interdisant purement et simplement la destruction de notre patrimoine religieux. Cette proposition avait alors recueilli tous les suffrages, mais comme d’habitude, quelques semaines plus tard, l’amnésie a encore frappé et plus personne n’en a reparlé. Précisons tout de même, qu’Yves Jégo a été le seul « politique », à avoir soutenu notre combat contre la démolition de Saint-Joseph. J’avais d’ailleurs lancé un appel à tous les « parlementaires courageux », via une annonce sur le Boncoin, afin qu’ils se mobilisent contre la démolition de la chapelle, mais aucune réponse.



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Cela dit, peut-être que leur « démobilisation » était due au fait que la chapelle Saint-Joseph allait être démolie par l’institution catholique elle-même, comme se fut le cas pour l’église Notre-Dame-des-Anges à Belfort en 2016, ou comme cela risque d’être le cas au Mans, avec la chapelle Saint-Joseph (décidemment) au cœur d’un projet de restructuration d’un établissement d’enseignement catholique.


 


Mais, au fait, elle dit quoi l’institution catholique par rapport à la destruction de son patrimoine? Et bien souvent, elle dit « qu’il faut vivre avec son temps, et que de toute façon, l’Église, ce ne sont pas les bâtiments, mais les fidèles. »  D’ailleurs, il est important de rappeler que certains Diocèses sont experts en démolitions. N’oublions pas que les édifices construits après 1905 sont propriétés des Diocèses et pas des communes.


 


Ce fut par exemple le cas à Saint-Jean-de-Monts, où la chapelle Sainte-Thérèse et la chapelle de Goëlands ont fini broyées, au prétexte qu’elles ne correspondaient plus aux normes. Sans commentaires…


 


Mais là encore, cela ne fera pas la une du journal télévisé et puis c’est l’institution catholique qui est à l’origine de la démolition. Donc, c’est une affaire interne. Inutile d’en faire état.



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Je vais m’arrêter là, car je sais bien que les articles trop longs ennuient tout le monde, mais je crois que ce petit « pense-bête », pour rafraîchir la mémoire des amnésiques, peut être utile.


 


Et sinon, on se penche quand sérieusement sur le sujet de l’avenir du patrimoine religieux, ou plutôt non, on agit quand ?


 


À quand une vraie politique du « zéro blabla, zéro gravât » plutôt que celle de la tabula rasa?


 


 Alexandra Sobczak-Romanski

Vendredi dernier, Nadia Mezrar, madame la Maire de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, a organisé un point presse pour le retour tant attendu de la statue de Saint Roch, en présence de Monsieur Didier Ragot qui représentait la paroisse et de moi-même. Et je ne vous cache pas que j’attendais ce moment depuis fort longtemps. Maintenant qu’il est de retour, j’ai tenu à raconter les détails de cette sauvegarde mouvementée et qui fut la source de bien des angoisses…


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Il est rare que je rédige un article dans notre Gazette du Patrimoine en mon nom propre, mais « l’aventure » de Saint-Roch est trop personnelle pour que je m’en prive. Je rappelle que c’est à Saint-Pierre-lès-Elbeuf que se trouve le siège social d’Urgences Patrimoine et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un bureau parisien pour défendre le patrimoine de l’ensemble des territoires, bien au contraire. Qui mieux qu’une association de province peut défendre le patrimoine oublié de la province ?


 


Quand je suis arrivée il y a cinq ans, le premier endroit que j’ai visité était l’église du Lierroult, une modeste église, un peu excentrée du centre-ville.  En centre-ville, nous avons d’ailleurs une église plus importante, construite un peu après pour répondre au développement de la commune à la fin du XIXe siècle.


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Comme l’histoire de cette petite église est étroitement liée à l’histoire de la maison de mon mari, je me suis sentie obligée de faire quelque chose pour elle. Certes, Urgences Patrimoine n’a pas les moyens de refaire une toiture ou de financer de grands travaux, mais, grâce à notre dispositif « Un Geste à l’Édifice », nous pouvons tout de même faire certaines choses.



Notre première action en faveur du Lierroult, fut de remettre la cuve baptismale sur un pied. Quand je suis arrivée, elle était par terre et il m’a semblé urgent de la remettre debout. David Poiron, artisan compagnon tailleur de pierre, est donc venu de Lille pour tailler gracieusement un nouveau pied dans un bloc de pierre offert par David Briche, un des membres de notre réseau, et avec l’aide de quelques courageux paroissiens la cuve baptismale a retrouvé sa place d’origine à l’entrée de l’édifice.


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J’ignore pour quelle raison, je n’ai pas fait attention à la pancarte située à l’entrée de l’édifice qui mentionnait la présence d’un Saint Roch en bois polychrome ; toujours est-il que quelques mois plus tard, je lisais enfin l’intégralité du texte et l’enquête pour retrouver la statue, absente sans doute depuis plusieurs décennies, allait commencer.



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Après avoir interrogé les élus de l’époque, les prêtres et quelques paroissiens, c’est finalement dans la sacristie de l’autre église de Saint-Pierre que Saint Roch fut retrouvé.



Ce fut donc un premier miracle, le second étant de le trouver encore debout, car vue la quantité du sciure qui se trouvait à ses pieds, il ne faisait nul doute que ce pauvre Saint Roch  servait depuis des années de repas à des dizaines d’insectes xylophages. Je peux affirmer qu’après encore quelques années, remisée là et sans soins, l’œuvre aurait fini en poussière.


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Il ne me restait plus qu’à demander « l’exfiltration » de Saint Roch au maire pour tenter de le sauver. Il n’était bien entendu pas question de demander la moindre subvention publique, ou de faire un appel aux dons, et c’est donc par le biais de notre dispositif « Un Geste à l’Édifice » (comme pour le pied du baptistère) que nous allions concrétiser cette sauvegarde. Pour ceux qui ne connaissent pas ce dispositif d’Urgences Patrimoine, il consiste à faire intervenir des artisans dans le cadre du mécénat de compétences. L’artisan offre son temps et son savoir-faire pour des éléments du patrimoine en péril pour lesquels il n’y a pas de budget. Donc, pas un centime d’argent public n’est dépensé. Seule « contrainte » pour la commune, assurer le transport de l’œuvre quand une restauration sur place n’est pas envisageable et être patiente, car les artisans participants à cette opération le font sur leur temps libre, car il est évidant qu’ils ont besoin de faire passer en priorité leur travail rémunéré.


 


Il n’y a pas qu’à la commune que Saint Roch aura appris la patience :  à moi également et on ne peut pas dire que la patience soit ma qualité principale. Pourtant, il a bien fallu.



Au départ, c’était une restauratrice niçoise qui avait accepté de prodiguer ses bons soins à notre petit malade. Mais trop loin pour pouvoir assurer le transport. Un artisan de notre réseau situé dans la Nièvre s’était alors proposé et comme il était de passage chez moi, il pouvait l’emmener. C’est ce qu’il a fait, en prévenant tout de même qu’il ne faudrait pas être pressé, d’autant qu’à l’époque, il faisait partie des « stars » de l’émission « affaire conclue » sur France 2.


 


Malgré notre bonne volonté et l’envie de vouloir toujours faire pour le mieux, nous ne sommes que des êtres humains, avec nos caractères et nos travers, et après plus de deux ans de présence dans l’atelier nivernais, l’artisan a renoncé à la restauration. C’est un peu le revers de la médaille du bénévolat, car on ne peut pas obliger quelqu’un à faire quelque chose gracieusement s’il change d’avis. Je l’ai compris et accepté, ce qui ne fut pas le cas d’un paroissien qui a passé son temps à me harceler et qui a même fini par faire courir le bruit que j’avais vendu la statue. Vous n’imaginez pas à quel point j’ai été blessée par ce « bruit » détestable, moi qui ai tout sacrifié depuis bientôt neuf ans, pour sauver ce qui peut l’être sans que cela ne coûte quoi que ce soit aux collectivités.



Toujours est-il qu’il fallait trouver un plan B en urgence et surtout récupérer Saint Roch dans la Nièvre. Heureusement, notre réseau est vaste et un de nos adhérents nivernais a très gentiment accepté d’aller le chercher chez l’artisan.


 


C’est à cette même période que j’avais au téléphone pour tout autre chose, mon amie Sabine de Freitas, une des plus brillantes restauratrice de peintures murales en France, mais aussi, spécialiste des bois polychromes. Je lui ai fait part de mes déboire « Saint Rochiens », et elle m’a immédiatement proposée de le prendre en charge.



Depuis la Nièvre, direction la Touraine où Sabine co-dirige le Conservatoire Muro dell’Arte et après quelques semaines de soins intensifs, Saint Roch a été sauvé. Ouf !!!


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La restauration d’une œuvre peut-être également l’occasion de transmettre un savoir-faire, un geste. Et c’est exactement ce qui a été le cas pour notre statue.



Le Conservatoire enseigne de nombreuses techniques à des apprentis, et c’est Laurine Payenchet, apprentie compagnon du devoir, qui a œuvré sous la haute surveillance de Sabine. Saint Roch a été sauvé et a permis également la transmission d’un savoir-faire, cela nous réjouit doublement et nous les remercions bien sincèrement toutes les deux.


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J’espérais le retour tant attendu de la statue pour le 16 août, jour de la Saint-Roch, mais en pleine période estivale, l’organisation du retour était compliquée pour les services de la ville, ce qui est tout à fait logique.



C’est donc début décembre que Saint Roch a retrouvé ses terres Saint-pierraises et je peux vous assurer que c’est pour moi un extraordinaire cadeau de Noël, tant ce « Geste à l’Édifice », m’aura causé des tracas.



Mais tout est bien qui finit bien et c’est le principal.



Maintenant, il faudra envisager son retour dans son église d’origine, sans doute dans quelques mois, quand les conditions climatiques seront plus clémentes pour éviter un choc thermique selon les préconisations de notre restauratrice et surtout, après avoir réfléchi aux moyens de sa sécurisation dans l’édifice, afin que Saint Roch n’entame pas un nouveau voyage, cette fois contre son gré.


 


Je tiens à préciser que, malgré les déconvenues, nous avons réussi à sauver un témoin majeur du patrimoine de la commune et que si je n’avais pas lu cette pancarte en 2019, Saint Roch aurait probablement disparu. Si le cas de cette statue était un cas isolé, ce ne serait pas grave, mais c’est dans la majorité des églises de France que des œuvres sont remisées, puis souvent oubliées. Nous perdons chaque année des centaines d’œuvres, parce qu’on ne sait même plus qu’elles existent, ou parce qu’il n’y a pas de budget pour les restaurer. Alors notre opération « Un Geste à l’Édifice » entraîne parfois quelques contraintes, mais nous permettons aux « oubliées » de passer de l’ombre à la lumière.



Un immense merci à tous les artisans qui s’engagent à nos côtés pour l’avenir du patrimoine de proximité.


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Il y a de tristes coïncidences dans l’histoire. Près de deux ans après la démolition de « notre » Chapelle Saint-Joseph à Lille, c’est autour d’une chapelle éponyme d’être en proie à la promotion immobilière au Mans.


 


Même si, pour le moment, aucun permis de démolir ne semble être acté, le projet est très abouti, comme on peut le voir sur le visuel du cabinet d’architecte en charge de de la « défiguration » du quartier.


 


Si nous ne pouvons pas lui jeter la pierre — car il a simplement répondu à un appel d’offre — on peut lui reprocher de ne pas avoir su intégrer l’existant et ainsi conserver l’âme du quartier.


 


À ce stade, nous ignorons si les sœurs propriétaires des lieux ont émis l’idée de conserver l’édifice ou non dans le projet. Toujours est-il que leur choix a été de sacrifier ce témoin de l’histoire collective.




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Nous sommes toujours très en colère contre les élus démolisseurs, mais nous le sommes encore plus lorsque c’est l’institution catholique elle-même qui pratique la politique de la « Tabula Rasa ».


 


Heureusement, l’alerte a cette fois été donnée très tôt, ce qui nous laissera plus de temps pour les recours légaux. En tout cas, comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois l’issue sera plus heureuse.


 


En attendant, voici l’article de l’auteur de la pétition qui a été lancée pour dire « non à la démolition de la Chapelle Saint-Joseph au Mans », qui résume parfaitement la situation. Nous vous invitons d’ailleurs à signer cette pétition en fin d’article.


 


Alors comme pour la Chapelle Saint-Joseph à Lille, nous sommes prêts à résister, en espérant que cette fois, l’issue sera plus heureuse.


 

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Au Mans, il est une chapelle que nul voyageur quittant la gare ne peut manquer. A l’angle de l’avenue du général Leclerc et de la rue Gastelier, la chapelle Saint-Joseph domine le quartier de la gare depuis la moitié du XIXème siècle. A cette époque, l’évêque du Mans et le curé de Notre-Dame de la Couture concèdent un terrain au Sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loir qui y établissent, en 1864, un pensionnat pour jeunes filles.



Tout au long du XXème siècle, l’école connaîtra plusieurs difficultés, notamment du fait de la loi de séparation des Église et de l’État et de la Seconde guerre mondiale. Toutefois, l’école tient bon, de nombreux bâtiments sont construits au gré des années et l’établissement scolaire que nous connaissons aujourd’hui prend son véritable essor dans les années 1970. L’établissement a alors toutes les infrastructures pour prospérer dans l’enseignement catholique : des locaux et une chapelle.


 

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La chapelle est construite sur le terrain donné aux sœurs au XIXème siècle. De style néo-roman, surmontée d’une grande croix celtique, dotée d’un grand portail en bois sculpté, elle fait partie du quotidien de l’ensemble des Manceaux dans la mesure où l’édifice se situe dans l’artère principale conduisant à la gare. La messe publique y est encore dite l’été, en particulier par le chanoine de la cathédrale du Mans, Daniel Sesbouë, jusqu’au milieu des années 2010. Désormais, seuls les élèves et l’administration de l’École-Collège Saint-Joseph savent ce qui est fait des lieux puisque la chapelle n’est plus ouverte au public, l’édifice accusant de sérieuses faiblesses structurelles.


 


En effet depuis de très nombreuses années, la chapelle subit les affres du temps sans que les tenants du lieu n’aient pris les mesures qui s’imposaient pour la préservation de ce lieu emblématique du quartier de la gare ayant vu passer de très nombreux Manceaux.


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Au cœur du problème, logiquement, l’administration scolaire, affectataire des locaux, et les sœurs de Ruillé-sur-Loir, propriétaires des lieux. Par incidence, le diocèse du Mans, qui depuis des dizaines d’années n’a pas cru bon de se pencher sur la préservation du patrimoine dont il a déjà la charge. En témoigne le chantier pharaonique de l’installation de la fameuse croix de Goudji dans le chœur de la cathédrale, une enveloppe à 100 000 euros pour un diocèse qui peine à mobiliser pour le denier. En témoigne encore la destruction de la chapelle du Centre de l’Etoile, l’ancienne maison diocésaine ayant déménagé à la nouvelle et coûteuse Maison Saint-Julien réalisée pour la bagatelle de 9,5 millions d’euros dont on s’est aperçu, après coup, que la nouvelle chapelle était trop petite. L’argument financier n’est clairement pas plausible concernant l’état désastreux de la chapelle Saint- Joseph, celui de l’absence totale de vision l’est.


 


Il y aurait encore beaucoup à dire sur la manière dont l’Église gère ses biens, à n’en pas regretter le Concordat de 1802 dans la mesure où l’État se montre souvent plus respectueux des pierres édifiées par des générations de Français que l’Église catholique. Là n’est cependant pas la question.


 Il s’agit tout bonnement de démolir l’actuelle chapelle pour, d’après le diocèse, rebâtir « un nouveau lieu de culte ouvert sur le quartier et l’établissement qui sera reconstruit en lieu et place de la chapelle vouée à une démolition inéluctable . » Un tel mépris du patrimoine commun des manceaux tant en termes d’urbanisme, de style que de pauvreté de la dimension spirituelle ne peut être qu’inacceptable.


 


En termes d'urbanisme d'abord, car l'aseptisation et l'uniformisation grandissantes des grands centres urbains nuit profondément à l'attractivité de quartiers entiers qui finissent tous inéluctablement par être délaissés au profit d'un hypercentre toujours plus gentrifié, là où se trouvent les « belles pierres » à forte plus-value immobilière que la majorité des citoyens aiment. En outre, la faible identification des lieux conduira nécessairement à une absence d'appropriation par les citoyens de leur quartier puis sa désertification, renforçant la fracture sociale vécue par les habitants d'un quartier sans centre de gravité ni intérêt patrimonial.


 


En termes esthétiques ensuite, car un tel projet soulève de fortes interrogations en matière de respect de l'identité propre du quartier au sein duquel se côtoient d'anciennes maisons bourgeoises, des hôtels particuliers du XVIIIème siècle, l'hôtel Concordia et le square Léon Bollée, traduisant des styles s'harmonisant largement dans un bel ensemble immobilier. Le projet présenté par le cabinet DELAROUX, loin de l'objectif de moderniser l'ensemble, le dénature en profondeur car ne s'inscrivant pas en cohérence avec celui-ci, à plus forte raison que l'imagerie 3D nous présente un bâtiment vu et revu ne tirant pas son épingle du jeu de la création contemporaine. Une réfection de la chapelle, qui en a bien besoin car délaissée par les administrations scolaires successives, marquerait le signe d'une volonté de faire coexister durablement dans la cité différentes époques dialoguant entre elles, plutôt que parcelliser et diviser toujours plus le patrimoine manceau.


Il y a quelques années, un projet de réaménagement a été évoqué par les affectataires des lieux afin de remettre aux normes les installations de l’école Saint-Joseph, parmi lesquelles la chapelle. Il a été décidé d’emblée de la vouer à la démolition. Enterré depuis, le projet a resurgi en octobre 2022 avec un article du Maine libre traduisant les intentions concrètes de l’administration scolaire et des sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loire à l’horizon 2023. Ces intentions doivent être concrétisées par le cabinet Delaroux, architecte local, qui a délivré à la presse un dessin 3D de ce que serait le futur de la chapelle Saint-Joseph.

En termes spirituels enfin, car le projet ne permet pas de marquer pertinemment le rayonnement de la présence catholique au sein du quartier de la gare que la chapelle Saint-Joseph, par son architecture néo-romane du XIXème siècle, opère depuis de si nombreuses années. La destruction de la chapelle, en plus de traduire une aversion pour le patrimoine commun des manceaux, marquerait aussi une hostilité envers le besoin de l'Église d'habiter la société en se faisant reconnaître « au premier coup d'œil » par les citoyens dont la plupart conserve un sens aigu de l'iconographie chrétienne.


 


Ainsi, une pétition est lancée pour alerter le diocèse et faire connaître au plus grand nombre, particulièrement aux familles qui souhaiteraient scolariser leurs enfants à l'école Saint-Joseph, les projets de l'établissement. Il est demandé de suspendre a minima la destruction de la chapelle pour lui donner une nouvelle jeunesse méritée respectueuse du patrimoine commun des Manceaux tant historique que spirituel.


 


Le patrimoine commun vaut mieux que la somme de tous les intérêts individuels.


 

Alban Philippe, manceau


 


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