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Olivier Aubriet, un de nos adhérents, a souhaité nous faire découvrir l’univers d’Edmond Rostand dans son incroyable villa de Cambo-Les-Bains. Voici donc un article très détaillé qui, nous l’espérons, vous fera voyager le temps d’une lecture. Merci à Madame Béatrice Labat, directrice du Musée, pour cette visite hors du temps.



Béatrice Labat, dirige depuis mai 2010 le musée Edmond Rostand - Villa Arnaga à Cambo-les-Bains (France). La demeure de style néobasque est installée au cœur de vastes jardins. Elle accueille chaque année près de 100 000 visiteurs. De nombreuses manifestations y sont organisées : théâtre, poésie, balades théâtralisées et en 2018 le premier Salon du Livre. Dans le cadre d’un vaste programme de rénovation, Béatrice Labat a supervisé la restauration du jardin à la française de 2013 à 2016. Elle a conçu une nouvelle muséographie dans la maison basée sur la discrétion et la transparence. L’autre axe majeur de son action a été l’inventaire et le reconditionnement des collections. Elle était auparavant conservatrice du musée de Borda à Dax (2005-2010). Elle a participé de 2001 à 2005 à la création du musée de Site archéologique de Vieux-la-Romaine dans le Calvados. Elle est actuellement vice-présidente de la Fédération nationale des Maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires. Elle a été commissaire de nombreuses expositions et auteur d’articles aux thématiques variées, archéologiques, biographiques, d’histoire des sciences, d’art moderne et contemporain. Ses récompenses : prix Archéologia-Andrée Faton et grand prix du jury au festival du film Icronos en 1994, prix de la vulgarisation scientifique Kinéon à Bruxelles en 1995, nominé au Prix européen des musées de l’année en 2002, Prix des musées à Brest 2008, lauréate des Trophées de l’innovation technologique en 2012.


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La Villa Arnaga, créée par Edmond Rostand au début du xxe siècle, a d’abord été une maison d’écrivain. Rachetée par la commune de Cambo-les-Bains, elle devient un musée dans la seconde partie du xxe siècle. Avec la mise en place d’un son et lumière, elle devient rapidement un site touristique dans les années soixante. Comment ses trois fonctions cohabitent-elles ? Comment la mémoire du poète y est-elle conservée, valorisée ?


L’affluence touristique pose-t-elle des problèmes spécifiques ?




Arnaga, une exceptionnelle œuvre d’auteur



Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la part prise par Edmond Rostand dans la conception de sa demeure. Arnaga est pour l’auteur de Cyrano plus qu’une résidence, c’est une œuvre qu’il crée de toutes pièces et dans les moindres détails.



Après un premier séjour fin 1900 à Cambo pour soigner des problèmes pulmonaires, Edmond Rostand décide en 1902 de s’y installer et d’y construire la demeure de ses rêves. Il découvre un plateau à l’extérieur de la ville en direction de Bayonne. Le lieu est aisément viabilisable, les lignes électrique et téléphonique ainsi que les adductions d’eau passant au pied de la colline. Il achète le 15 juillet 1902 [1] ce terrain de 16 ha encadré de deux cours d’eau, la Nive d’un côté et l’Arraga de l’autre. C’est ce second cours d’eau qui donnera le nom de la maison, adouci d’un N : Arnaga.


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Sur recommandation de son père, Edmond Rostand fait appel à Albert Tournaire, architecte talentueux de quarante ans, Premier Grand Prix de Rome, qui avait construit la Caisse d’Épargne de Marseille. Première quinzaine d’août 1902, l’architecte est à Cambo. Un géomètre de Constantine réalise le plan du domaine en octobre [2]. Sur ce relevé apparaissent déjà quelques traits de crayon sommaires qui fixent les grandes lignes du domaine : position de la maison, chemins d’accès. À son ami et confident Paul Faure, Rostand explique : « La maison, on ne la ferait pas à l’extrémité de la pointe, mais un peu avant, au point où le plateau commence à s’effiler. Une des principales façades verrait la vallée […]. L’autre serait tournée vers le jardin. » [3]



À l’occasion de la donation d’un important fonds en 2004 par Monsieur et Madame Jean Tournaire, descendants de l’architecte, le rôle d’Edmond Rostand dans la création d’Arnaga a été éclairé. Les échanges de lettres et croquis montrent qu’Edmond Rostand a une vision précise de ce qui va devenir son œuvre de pierre et de verdure. Il veut une maison qui s’inscrive harmonieusement dans le paysage : « Malgré notre situation élevée et l’admirable vue, je n’entends pas édifier ici l’une de ces imitations de châteaux du Moyen Âge à la Viollet-le-Duc qu’on a vu fleurir ailleurs !... […] Non, puisque j’ai choisi cette région, je crois sincèrement que ma demeure, même très grande et très confortable, doit rester dans le goût du pays ! » [4] La maison s’habille extérieurement des atours de la ferme labourdine avec ses murs blancs et ses colombages rouges. Mais il la pare de nouveaux éléments décoratifs, des fenêtres en demi-cercle, des pergolas. Il imagine un porche d’entrée dont il a trouvé le modèle de l’autre côté de la frontière. Il envoie à Tournaire un petit dessin à côté duquel il écrit : « Quelle jolie porte ! Et il y en a beaucoup comme ça en Espagne basque » [5]. Il y détaille la porte avec ses clous, et une ferrure qu’il trouve « très jolie, très simple ». Une petite esquisse modifie le porche espagnol, l’arcade est baissée, la porte a deux vantaux, et voilà l’entrée d’Arnaga.



Il veut également profiter de tout le confort moderne. La maison dispose de réseaux d’eau chaude et froide, de plusieurs réseaux électriques pour la lumière et le téléphone et de plusieurs systèmes de chauffage, par air chaud, cheminées et radiateurs électriques. L’hygiénisme qui se développe invite à se soucier des facteurs environnementaux. Les pièces sont baignées de lumière par de larges fenêtres. Edmond Rostand est très pointilleux sur leur aspect. Dans une lettre du 28 octobre 1903, Louis Labat explique à l’architecte :



J’ajoute à la lettre que m’a dictée Monsieur Rostand quelques dessins au crayon qui rendent son idée très claire. Vous y verrez qu’en effet l’impression produite est plus pittoresque. M. Rostand croit que, comme vous le verrez dans le dessin 1, il résulte un effet plus agréable de ce qu’on pourrait appeler le non-parallélisme des cintres. Dans tous les cas, l’impression est plus inattendue et plus nouvelle. Vous verrez dans le dessin 2 comment il désirerait que fût le divan sous son éventail-verrière ; vous y verrez ainsi que si, malgré l’auvent à l’espagnole qui est dans la façade vous pouvez (pourrez) ménager un œil-de-bœuf entre les deux cintres, M. Rostand n’y verrait aucun inconvénient. Et enfin, dans le dessin 3, dont l’effet plaît particulièrement à M. Rostand, vous verrez quel est le parti pris de décoration auquel il préfère s’arrêter, c’est-à-dire : boiseries très élevées, ne laissant plus place dans le haut que pour une fresque allongée, supprimant et remplaçant avantageusement la frise, et s’encadrant à merveille entre les boiseries et les poutres.



La décoration intérieure tranche avec la rusticité apparente de l’extérieur. Tout n’est que boiseries, peintures de maîtres, miroirs ouvragés. Chaque pièce, comme un décor d’un acte de théâtre, présente un style décoratif différent : Louis XVI dans la salle à manger, Arts and Crafts – l’Art nouveau anglais – dans le studio des enfants, Directoire dans la chambre d’Edmond Rostand, Empire dans le bureau, Art nouveau dans le boudoir…



La création du grand escalier menant au premier étage plonge le poète dans d’intenses réflexions. Il décrit à Albert Tournaire le cheminement de sa pensée :



D’abord, comme vous verrez dans mon croquis 1, de mêler du bois à la pierre ; cela allègerait-il suffisamment pour supprimer la colonne ? Puis, j’avais pensé, comme vous verrez dans mon croquis 2, à faire tout le bas plein, avec la petite porte repoussée vers la droite et une coquille-fontaine au fond. On aurait ainsi, sous l’escalier, un couloir s’éclairant par le petit œil-de-bœuf A, et probablement un grand placard. Mais quoique ce ne soit pas laid, et que la petite porte se trouve ainsi plus commodément placée, je crois que le pilier sera tout de même plus léger et laissera plus de grandeur à l’ensemble. Je vous laisse libre d’en décider.



Cela m’a amené au croquis 3, où l’idée d’entourer le bas du pilier d’un joli banc de bois, dont le dossier à jour encagerait le fût, m’a paru séduisante. Vous verrez d’ailleurs, sur vos croquis à vous, que ce banc fait très bien en avant de la petite porte mystérieuse du fond. Je dois dire que quand j’ai eu rajouté le banc à votre no 1 et supprimé en pensée quelques ornements, j’en ai trouvé l’ensemble très agréable.



Puis, j’ai eu l’idée, comme vous le verrez sur le revers rabattu de votre no 1, et dans mon croquis4, de remplacer le banc par une vasque tournant tout autour du pilier en forme de bénitier et dans laquelle trois mascarons sculptés dans le pilier même souffleraient de l’eau. C’est cette dernière idée qui, en somme, me paraît la plus architecturale. Le pilier s’oublie, il n’est plus qu’une fontaine, et de la plus jolie forme. Cela, harmonisé par vous, doit faire quelque chose de parfait. Et cela garde à l’ensemble la forme serres ou patio que je désire. L’eau jaillissante fera très bien à côté des arbustes ; et j’aime l’idée qu’elle jaillisse justement d’une colonne mise là pour l’utilité. [6]




Pour illuminer l’intérieur de la maison, lui et sa femme Rosemonde Gérard commandent de grands panneaux peints à des artistes reconnus. Beaucoup reprennent le thème du jardin et des paysages, comme pour créer des fenêtres supplémentaires. Pour le grand hall, il commande un grand panneau à Henri Martin mais il préconise que



Il ne faut pas trop mélancoliser cette pièce par une trop pauvre robe et une trop réelle veste ; il faut qu’on y puisse oublier un peu la vie. Il est vrai qu’on peut tout idéaliser ; il s’agit de savoir comment il enveloppe ses personnages. Mais si on fait du réel, dans ce cadre, il faudrait un réel s’accordant avec l’extérieur, un basque en béret, un paysan d’ici : cet homme de Cahors ne s’harmonise pas. [7]



Rostand porte un intérêt tout particulier à l’élaboration de ses jardins. Le plus jeune fils d’Edmond Rostand, Jean,[8] témoigne « Ce jardin d’Arnaga, quelle importance il lui donnait ! C’est qu’il l’avait réellement créé de toutes pièces, sur une colline abrupte et en friche. Il en avait lui-même tracé tout le plan, avec minutie, avec amour, avec la même attention qu’il avait pour ses œuvres théâtrales ». Car c’est une véritable œuvre de verdure qu’imagine le poète avec l’aide de son épouse. La tâche est énorme. Le terrain est vaste, seize hectares, et nécessite « une totale invention ».[9] Un jardin régulier, inspiré des jardins à la française, s’étend sur le plateau depuis la façade principale. Il est classiquement organisé autour de pièces d’eau, d’allées géométriquement organisées, de pièces de gazon, de parterres fleuris. Il se termine par une grande pergola à colonnade.


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Dans les quatre panneaux du grand parterre fleuri, Edmond Rostand demande à son architecte d’installer quatre urnes. Il en envoie le modèle : « une urne en pierre massive, bien lourdaude, et ayant en même temps, beaucoup de cachet. C’est un vieux vase italien. Ne pourriez-vous faire exécuter 4 vases comme cela, qui feraient très bien dans les 4 ronds-points, surtout avec des fleurs dedans, et un rond de buis à leur pied. Mais il faudrait que ce vase fût copié textuellement, avec sa naïveté, sa grossièreté, et sans finesses. La torsade de vigne doit garder sa vigueur naïve » [10]. Il exprime le même souhait de rusticité dans le traitement de la terrasse : « Je désire que vous dalliez une certaine partie de cette terrasse, en dalles de pierre très irrégulières, dont on fixerait l’irrégularité par des croquis comme je le fais ci-joint, parce que l’expérience m’a prouvé que l’irrégularité laissée à la fantaisie des ouvriers est toujours timide. ». Il décrit à son architecte, croquis à l’appui, la forme que devront prendre les espaces : « La voie dallée qui partirait de la porte du hall que vous avez si bien arrangée avec des fleurs de chaque côté, se continuerait par une demi-plate-forme ronde, qui formerait la première marche d’un escalier demi-circulaire, et de forme pyramidale, tel que vous verrez dans mes croquis. » Sur son dessin, il précise que les marches devront être « très, très basses ». Il fournit à Albert Tournaire le modèle de cadran solaire qu’il vient de découvrir dans une revue anglaise :



Vous trouverez dans le Studio où il y a l’aquarelle italienne, un modèle de cadran solaire que nous n’avons qu’à copier. Nous ne trouverons pas mieux. Il n’y a qu’à remplacer la devise latine par : Je ne mesure que les beaux jours. Je placerais ce cadran dans la partie du mur qui est au-dessus de la porte de la salle des enfants, car il y a là un vaste morceau de muraille un peu nu, où ce motif décoratif fera très bien. C’est pour cela que je choisis un cadran de forme plus longue que haute. [11]



Côté ouest, une grande pelouse amenait doucement les pas du promeneur jusqu’à un promontoire d’où il pouvait voir les maisons blanches sur les coteaux et la Nive s’écouler en lacet vers Ustaritz. Tout autour des jardins, un bois couvre les pentes. Il est composé de vieux chênes taillés en têtard et de sujets de trente ans que Rostand fait transplanter depuis une forêt du village voisin. Rosemonde Gérard est chargée d’aller chercher à Paris les plants les plus précieux. Elle revient de l’Exposition d’Horticulture de 1906 avec des sujets uniques et des plantes nouvellement créées. Le rhododendron de l’Himalaya, médaille d’or, qui fait se « pâmer tous les jardiniers de l’Exposition. Personne ne peut en avoir avant deux ans au moins de semblables ». Elle se réjouit d’être « heureusement arrivée au moment juste où on pouvait – les récompenses données – vendre les sujets et j’ai donc […] écrémé l’Exposition. Il y avait des gens désespérés de trouver brusquement vendues des plantes qu’ils couvaient de l’œil depuis un mois. » Elle y achète de telles quantités de plants qu’il faudra un wagon entier pour les acheminer. [12]


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En même temps qu’il crée Arnaga, Edmond Rostand s’attèle à une autre œuvre, littéraire celle-ci, Chantecler. L’idée de la pièce de théâtre lui est venue lors d’une promenade. Dans une ferme du bourg, il observe le comportement des animaux d’une basse-cour. Leurs attitudes lui rappellent celles des humains. Ses nouveaux héros seront donc des coqs, poules et autres canards. Comme pour chacune de ses créations, il s’entoure d’une importante documentation. Pour explorer l’idée, il fait installer un poulailler au fond de son jardin. Il fait venir des animaux empaillés de chez Deyroles. La création d’Arnaga et de Chantecler se télescope dans son esprit. Sur un feuillet, conservé au Musée basque et de l’histoire de Bayonne, il croque la silhouette d’un coq en parade. Tournant la page, il dessine un détail de la maison. [13] On pourrait parler d’une grossesse gémellaire. Arnaga naît cependant avant Chantecler qui devra attendre 1910 pour être jouée pour la première fois.



Edmond Rostand écrit aussi des poésies inspirées de sa vie dans cette maison et au Pays basque. Comme ici sa réponse à un journaliste [14] du Gil Blas qui s’étonnait de son exil au Pays basque :



Ce que je fais, monsieur ? Des courses dans les bois,


À travers des ronciers qui me griffent les manches ;


Le tour de mon jardin sous les arceaux de branches,


Le tour de ma maison sur un balcon de bois.



Lorsque les piments verts m’ont donné soif, je bois


De l’eau fraîche, en prenant la cruche par les hanches ;


J’écoute, lorsque l’heure éteint les routes blanches,


Le soir plein d’Angélus, de grelots et d’abois.



Ce que je fais ? Je fais quelquefois une lieue


Pour aller voir plus loin si la Nive est plus bleue ;


Je reviens par la berge ? Et c’est tout s’il fait beau.


S’il pleut, je tambourine à mes vitres des charges ;


Je lis, en crayonnant des choses dans les marges ;


Je rêve, ou je travaille.



Edmond Rostand, Cambo.



La mémoire de l’écrivain



Edmond Rostand meurt le 2 décembre 1918 de la grippe espagnole. La maison est mise en vente par sa veuve, Rosemonde Gérard, et ses deux enfants, Maurice et Jean, en 1921, sans succès. Une deuxième vente a lieu le 27 juin 1922, mais aucun acheteur ne se manifeste. La famille se résout alors à vendre le contenu de la maison. La vente a lieu du 25 septembre au 5 octobre 1922. Et c’est une maison vide que finissent par acheter le 19 juin 1923 un couple de sud-américains, M. et Mme Souza-Costa. Le couple réalise d’importantes modifications dans les jardins avec la création d’une croix basque en remplacement du grand parterre fleuri et d’un jardin de genre à l’ouest. Ils remeublent la maison et ne touchent guère aux aménagements intérieurs. Cependant au début des années trente, ils démontent et vendent trois grands décors de la maison : les laques de Coromandel du Salon chinois, La Joie de vivre de Henri Martin dans le grand hall et Les Contes de fées de Jean Veber dans le boudoir de Rosemonde Gérard.



Le 28 octobre 1942, la Villa Arnaga est classée par les sites et monuments naturels de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque [15]. Il s’agit de la première mesure de protection nationale du domaine.



Le 14 décembre 1945, la veuve de M. Souza Costa vend le domaine à M. et Mme François Flaisman. [16] Cette dernière cède Arnaga à la commune de Cambo le 29 septembre 1961.[17]



Quelque temps auparavant, la commune avait créé un musée dans une pièce de la mairie. Paul Faure, ami d’Edmond Rostand et auteur de Vingt ans d’intimité avec Edmond Rostand en est l’initiateur et le premier conservateur. Le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports approuve le règlement du musée de Cambo-les-Bains le 23 décembre 1958. Jean et Maurice Rostand offrent alors une importante collection d’objets et de documents.



Très vite, la commune installe dans les jardins d’Arnaga un impressionnant spectacle son et lumière avec les voix de comédiens du Français ainsi que celle de Sarah Bernhardt. Il raconte dans une déambulation nocturne la vie et l’œuvre d’Edmond Rostand.



Avec l’achat d’Arnaga, les collections retournent dans la demeure. Seulement, Arnaga est vaste. La maison semble toujours vide. En 1965, dans l’émission de l’ORTF Les Bonnes Adresses du passé [18],on découvre des tableaux et des documents dans différentes pièces, des portraits de la famille dans le grand hall, la bibliothèque, les appartements du poète. La commune acquiert des collections lors de ventes publiques. C’est ainsi que reviennent les meubles du salon Empire et du studio des enfants. Dernièrement, c’est un des grands décors d’Arnaga qui a pu être racheté. La longue frise des Contes de fées de Jean Veber retrouve sa place en mars 2019 après un an de travaux dans les ateliers de restauration du Centre de restauration des musées de France à Versailles.


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Le 3 février 1995, Arnaga est classé au titre des monuments historiques (à l’exception des écuries, des serres et de la maison des jardiniers). Le classement est élargi le 13 mai 2014 à l’ensemble du domaine à l’exception de la maison du gardien et du moulin classés pour leurs seules façades et toitures. Le 7 juillet 2014, la Villa Arnaga reçoit le label Maison des Illustres.



Entre 2012 et 2016, un important programme de restauration a permis de redonner toute sa netteté et sa finesse au jardin à la française.



Un musée invisible dans une maison d’écrivain



Le musée Edmond Rostand est devenu « Musée de France » depuis la loi du 4 janvier 2002. Un musée a trois grandes missions : 1. conserver, restaurer, étudier et enrichir les collections ; 2. mettre les œuvres à la disposition du public, développer des actions de médiation et d’éducation ; 3. contribuer au progrès de la connaissance et de la recherche. Il existe une grande variété de musées, musées de beaux-arts, d’art contemporain, muséum d’histoire naturelle, musée de sciences et techniques… Tous appliquent les mêmes règles en termes de conditions de conservation, de sûreté des objets, de restauration, d’acquisition et de médiation culturelle. Un domaine cependant est spécifique à chacun, la muséographie. Un musée des sciences va développer ses contenus par le biais d’outils modernes, de signalétiques didactiques, d’expérimentations. Un musée d’art contemporain privilégie les grands espaces, les murs blancs, le design du mobilier d’accueil… La muséographie d’une maison d’écrivain ne doit pas se voir.



Pour conserver toute son intégrité au jardin tel qu’il était sous les Rostand, nous avons démonté les panneaux d’information positionnés en divers endroits du site pour les remplacer par un dépliant papier offert à chaque visiteur.



La nouvelle muséographie d’Arnaga mise en place depuis 2011, repose sur la discrétion et la transparence. Les éléments nécessaires à l’information, la protection, la sécurité doivent être parfaitement identifiables tout en s’intégrant à l’atmosphère. Au premier regard, le visiteur ne doit pas les voir. Il faut qu’il ait le sentiment d’entrer chez les Rostand et non dans un musée.



Chaque pièce a retrouvé sa fonction. Dans la bibliothèque, les livres ont repris leur place initiale sur les étagères qu’ils occupaient. Plus loin, la table de la salle à manger a été dressée. Dans les chambres, des lits sont installés…



Comme indiqué plus haut, la demeure d’Edmond Rostand est relativement vide par rapport à l’époque où les Rostand y vivaient. Pour construire cette évocation et pour des raisons de conservation, nous avons choisi de compléter les meubles et objets d’origine par des dons ou des achats qui nous aident à reconstituer l’atmosphère des lieux. Sur la table, une vaisselle proche de celle des Rostand est installée : des assiettes blanches à liserés dorés proches de celles visibles en vitrine, des couverts Christofle Louis XVI Trianon, du même modèle qu’un des couteaux de la collection. Un système de fixation a permis d’éviter une mise à distance, créant ainsi une plus grande proximité.



Ces meubles et objets non rostandiens correspondent à la liste qui a été établie en mars 1919 par un commissaire-priseur venu de Paris pour dresser l’inventaire après le décès de l’auteur. Nous savons par exemple qu’il y avait une vaisselle au coq dans l’Office, nous y avons installé une série produite à Lunéville et contemporaine de Rostand.



La maison Rostand dispose d’une seule vitrine ayant appartenu au poète. Il a donc fallu trouver d’autres supports pour exposer les objets et documents en toute sécurité. Dans la chambre des enfants Maurice et Jean, nous avons choisi de remettre les rangements de l’époque et d’y présenter des documents évoquant leur enfance. Cet ensemble de meubles à tiroir était jusque-là utilisé pour le stockage des documents dans les archives. Il a fallu plus de 300 heures pour qu’ils retrouvent leur aspect d’origine. La protection est assurée par des capots en plexiglas réalisés sur mesure. Certains tiroirs sont en partie ouverts pour faciliter la vision. Des vitrines ont été créées à partir de meubles du quotidien. Peints en noir sur fond rouge, elles s’inspirent des meubles rouges sur fond noir de la collection de la maison tout en s’en distinguant.



La présentation des objets est souvent désordonnée, comme les auraient laissés de jeunes garçons indisciplinés ou un Edmond Rostand en pleine ébullition créative.



Dans la maison d’un homme de théâtre, il nous a paru important de faire résonner les vers du poète. Mais pour que le dispositif d’écoute reste discret, nous avons choisi de les faire écouter par des téléphones ou phonographes anciens. Pour les extraits vidéo, nous avons préféré les placer dans un espace intime, une alcôve, non visible au premier regard.



La collection du musée comporte près de 5 000 objets et documents. Une partie d’entre eux est présentée en permanence : des sculptures, des livres, de la vaisselle… D’autres sont présentés pour une durée déterminée. Les dessins préparatoires des costumes de Chantecler par Eidel sont exposés trois mois tous les trois ans afin de ne pas les endommager par une trop importante exposition à la lumière. Pour certains documents que nous voulons présenter de façon pérenne, nous choisissons d’en réaliser une reproduction. C’est le cas de la correspondance d’Edmond Rostand à Albert Tournaire (dessins et lettres) indispensable pour comprendre la genèse d’Arnaga. Certaines collections sont trop fragiles pour être présentées comme la collection de papillons de Jean Rostand. Des fac-similés ont été créés et ont pris place dans la chambre des enfants.



Les visiteurs doivent savoir ce qui est original et ce qui ne l’est pas. Nous leur indiquons sur les fiches de salle ou sur les panneaux ce qui est rostandien et ce qui est fac-similé.



Pour développer les contenus, nous avons choisi de développer plusieurs angles avec pour chacun une charte spécifique. La découverte des espaces prend la forme de fiches de salle, courtes et synthétiques. En introduction, nous présentons la fonction de la pièce et son style décoratif. Nous intégrons lorsqu’elles existent des photographies de l’époque. Les principaux objets remarquables sont présentés par une courte notice.


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La biographie des Rostand est proposée comme une rencontre. Pour créer une plus grande proximité, nous avons choisi de nous effacer pour laisser « parler » les Rostand eux-mêmes. Les membres de la famille se racontent avec leurs propres mots. Rosemonde, l’épouse d’Edmond Rostand, témoigne de l’aventure de Cyrano, les doutes, les angoisses, les astuces, l’euphorie du triomphe. Edmond révèle l’origine du personnage de Cyrano et celui de Christian… Et pour qu’ils soient encore plus présents, incarnés, nous avons choisi que ces mots soient écrits avec leur propre écriture manuscrite. Pour cela, nous avons numérisé leurs écrits et créé une police de caractères pour chacun. Nous avons ainsi une police « Rosemonde », avec ses grandes lettres magnifiquement formées, une police « Edmond », plus nerveuse, rapide…



Ces témoignages sont présentés sous des formes variées adaptées aux espaces. Dans le grand hall, c’est un album contenant photographies et textes qui racontent l’arrivée à Cambo et le choix du terrain. Dans la chambre des enfants, nous avons réalisé un dessus de meuble sur lequel semble déposés dans un désordre enfantin des textes et des photographies qui évoquent leurs jeunes années.



Le troisième thème développé dans ce nouveau parcours de visite présente les artistes qui ont participé à la décoration de la maison. Ces biographies sont posées à plat sur des meubles. Invisibles au premier regard, ces panneaux se découvrent lorsqu’on s’approche en s’approchant. Ils adoptent une même charte graphique sur fond rouge largement illustrée.



Le dernier parcours consacré à la modernité technologique de la maison n’a pas encore été mis en œuvre. Nous prévoyons de présenter les objets accompagnés de documents d’archive qui les contextualiseront et des notices explicatives du fonctionnement.



Arnaga, un site touristique



En 2015, dans le tableau du classement régional des sites et monuments en fonction de leur fréquentation, la Villa Arnaga (91 500 visiteurs) est en deuxième position derrière le château de Pau (94 500 visiteurs) pour les Pyrénées-Atlantiques et en cinquième position en Nouvelle-Aquitaine derrière le musée d’Aquitaine (140 000 visiteurs), le musée des beaux-arts de Bordeaux (112 000 visiteurs), le CAPC (99 000 visiteurs). La demeure d’Edmond Rostand est la deuxième maison d’écrivain la plus visitée en France après la maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris.



Le musée dispose de statistiques de fréquentation de visiteurs payants depuis 1988. Il n’y a pas eu d’étude des publics sur Arnaga. Nous ne pouvons observer la fréquentation que par le prisme de la billetterie. L’examen détaillé de la courbe montre trois époques. Après les années 1990-92, qui connaissent un pic de fréquentation lié à la sortie du film Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau avec Gérard Depardieu, 91 400 visiteurs en 1991, une tendance à la baisse s’observe avec une diminution constante du nombre de visiteurs. À partir de 2001, la chute est enrayée et la fréquentation atteint une moyenne de 62 000 visiteurs par an. À partir de 2011, la fréquentation augmente à nouveau de 35% en 4 ans, suivie d’une stabilisation depuis 2015 autour de 82 000 visiteurs payants et 90 000 avec les gratuits.



La fréquentation des groupes est saisonnière : mai – juin et septembre – octobre. La tendance générale est à la diminution. Ils étaient plus de 40% des visiteurs d’Arnaga en 2000. Ils passent à 30% en 2009 et représentent 20% en 2017. Cette baisse semble être un phénomène général lié aux modifications des pratiques des Français qui préfèrent visiter en individuels comme en témoigne la forte augmentation de plus de 55% de ce public en 9 ans. Les visiteurs individuels (plein tarif, étudiant et préférentiel) représentent désormais 80% du public. Ils sont passés de 41 700 en 2009 à 64 800 en 2017.



Le mois d’août est le mois le plus fréquenté avec jusqu’à plus de 18 000 visiteurs payants. Suivi par le mois de septembre avec plus de 14 000 visiteurs payants auxquels il faut ajouter les visiteurs gratuits des Journées du Patrimoine.



Il existe une réelle marge de développement du public scolaire, puisqu’il ne représente que 1,5% des visiteurs avec 1 325 élèves en 2017. Les scolaires viennent principalement en mai et juin. Ils sont peu nombreux le reste de l’année. Un programme pédagogique, mis en place avec le partenariat de l’éducation nationale en avril, montre qu’une démarche volontaire peut amener une fréquentation des jeunes tout le long de l’année. En dehors de cette expérimentation, Arnaga n’a pas encore organisé un accueil généralisé des scolaires et ne dispose pas d’espaces pédagogiques dédiés.



Afin de répondre à cette forte fréquentation, une nouvelle organisation de l’accueil a été mise en place. L’aménagement muséographique tient compte de cette forte affluence. La fluidité des circulations est étudiée. Les documents d’aide à la visite sont adaptés en dimension, comme en nombre. Ils sont disponibles en quatre langues, français, anglais, espagnol et basque. Les visites guidées des groupes se déroulent le matin, période où les visiteurs individuels sont les moins nombreux. Pour ces derniers, des visites guidées sont proposées à heures fixes matin et après-midi. Afin de ne pas déranger les personnes visitant librement, un équipement audio sans fil est mis à la disposition de chacun pour entendre les commentaires. Lors de la très haute saison estivale, les visites n’ont lieu que le matin et des accueils de 20 minutes sont organisés aux écuries. Un film de 25 minutes est proposé dans la sellerie des écuries afin d’introduire la visite. Deux expositions permanentes sont installées aux écuries, l’une sur la pièce Chantecler, la seconde sur la création des jardins d’Arnaga. Un dépliant remis à chaque visiteur entrant dans le domaine permet de découvrir les jardins à son rythme.



Chaque année, une thématique est choisie. En 2018, elle a été centrée sur Edmond Rostand à l’occasion des commémorations nationales. En 2019, avec le retour des toiles de Jean Veber du boudoir de Rosemonde, la saison tourne autour des contes de fées.



Des manifestations culturelles sont organisées tout au long de la saison : théâtre bien sûr avec les Estivales d’Arnaga qui se déroulent dans les jardins et les balades théâtralisées Cyrano et Chantecler durant tout l’été. Mais aussi de la poésie, un salon du livre, des lectures concert, un marché aux plantes, des animations dans le cadre de la Fête de la science…



Pour les plus petits un livret jeu « Le petit musard » propose une découverte ludique du domaine et de ses habitants. Des parcours numériques sont mis en ligne : découverte des arbres et des oiseaux du domaine, visite virtuelle à 360° dans la maison. Le site internet a été refait pour s’adapter à tous les supports. Outre les informations sur les conditions d’accueil et de visite, il propose un vrai fonds documentaire sur le domaine, la biographie des membres de la famille, des documents originaux numérisés. Un moyen d’aller plus loin dans la découverte d’Arnaga et des Rostand depuis chez soi.



Conclusion



Arnaga, maison et œuvre d’un écrivain, conçue pour une famille de quatre personnes, héberge aujourd’hui un musée qui est rapidement devenu un site touristique important. Loin d’en souffrir, la villa est engagée dans une démarche vertueuse conjuguant harmonieusement le triptyque maison d’écrivain/musée/site touristique.



La mairie propriétaire soutient avec détermination le site. De grands investissements ont été engagés pour la restauration des façades, celle du jardin français et la rénovation de la muséographie. Des moyens financiers sont aussi mis à disposition pour les acquisitions qui enrichissent le site. Une véritable programmation culturelle est mise en place. En retour, le public et les médias sont au rendez-vous. Le retour sur investissement est tangible avec des recettes en forte croissance à l’image de la boutique qui a plus que doublé son chiffre d’affaires en neuf ans.



L’évaluation qualitative est elle aussi très positive. Les commentaires des visiteurs sont élogieux sur les questionnaires en ligne, dans le livre d’or ou sur les sites d’avis. La qualité de l’accueil a été récompensée en 2017 par l’obtention de la marque nationale « Qualité tourisme ».



Une nouvelle organisation est à l’étude pour améliorer l’accueil et les circulations. Certains bâtiments du domaine pourraient être affectés à de nouvelles fonctions afin de pouvoir développer un programme culturel, l’accueil des scolaires, l’organisation de conférences, une boutique plus vaste, un coin restauration…



Nous ne savons pas expliquer le succès d’Arnaga. Celui-ci doit tenir à de nombreux facteurs : la beauté, la diversité et l’ampleur de ses jardins, la noblesse des montagnes qui lui servent de cadre, le contraste du faste des décors intérieurs avec la simplicité de l’esthétique basque des façades, la modernité de ses équipements. Mais c’est aussi sans doute l’histoire qui y est racontée : la vie de ses habitants, tous écrivains, le succès triomphal de Cyrano, la prouesse de la création de Chantecler, la beauté des vers de Rosemonde Gérard, l’espièglerie des enfants Maurice et Jean, les états d’âme d’Edmond Rostand pendant la Grande Guerre. Cent ans après la disparition du poète, la maison enchante toujours autant. Elle semble avoir conservé la mémoire vivante de ses habitants. Beaucoup de visiteurs disent ressentir une véritable atmosphère poétique se dégager du lieu, jusqu’à presque s’attendre à y rencontrer Edmond Rostand ou Rosemonde Gérard.


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[1] Copie de l’acte notarié. Collection musée Edmond Rostand. Inv. 2015.0.9-101 à 107. Il mentionne deux vendeurs : M. Jean Benoît dit Benito Hirigoyen, propriétaire négociant et Mme Josèphe Larronde, sans profession : diverses pièces de terre en nature de pâtures, bois, labourables et vigne de près de 8 ha pour 20 000 francs et M. Sauveur Etchegoyen, prêtre, curé desservant la commune d’Ainhoa et Mlle Gracieuse Etchégoyen, sa sœur, célibataire majeur, sans profession à Larressore : diverses pièces de terre en nature de pâtures boisées, dépendant du bien d’Urendoya de plus de 5 ha pour 12 000 francs.



[2] Plan du domaine, octobre 1902, inv. 2008.0.863_1-1.



[3] Faure, Paul, Vingt ans d’intimité avec Edmond Rostand, Biarritz, éditions Atlantica, 2016, p. 97.



[4] Lorcey, Jacques, Edmond Rostand, t. II, Paris, Atlantica-Séguier, coll. « Empreinte », 2004, p. 57.



[5] Lettre d’Edmond Rostand à Albert Tournaire du 28 octobre 1903. Collection musée Edmond Rostand, Inv. 2011.0.025.



[6] Lettre d’Edmond Rostand à Albert Tournaire du 22 mars 1904. Inv 2011.0.051.



[7] Lettre d’Edmond Rostand à Albert Tournaire non datée. Inv 2011.0.047. Ce décor a été démonté dans les années 30.



[8] Rostand, Jean, Souvenirs d’enfance, cité dans Cambo : histoire, thermalisme, climatisme, Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, 1988, p. 2.



[9] Lettre de Rosemonde Rostand à Albert Tournaire, non datée, vers juillet 1902. Inv 2011.0.068.



[10] Lettre d’Edmond Rostand à Albert Tournaire du 20 avril 1905. Inv 2011.0.059.



[11] Lettre d’Edmond Rostand à Albert Tournaire du 29 juin 1904. Inv. 2011.0.058.



[12] Lettre de Rosemonde Gérard à son époux. Mai 1906. Collection BnF.



[13] Musée basque et de l’histoire de Bayonne. Inv. 2909.



[14] Pierre Mortier, directeur du Gil Blas.



[15] Le Ministre secrétaire d’État à l’éducation nationale a classé Arnaga parmi les sites et monuments naturels de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque selon la loi de 2 mai 1930.



[16] Notaire : Me Vollet de Mongrand substituant Me Ramond ; acheteur : M. François Flaisman, dit Francis, et Mme Inès Thérèse Lascaux son épouse ; vendeur : Mme veuve Souza Costa



[17] Notaire : R. Garra ; acheteur : la commune ; vendeur : Mme Flaisman. 600 000 francs dont 400 000 francs versé et 20 000 de rente annuelle.



[18] ROLAND-BERNARD (réalisateur), Les Bonnes Adresses du Passé : Cambo, « Arnaga », ORTF, 1965.



En savoir plus : http://www.arnaga.com/


En ces Journées Européennes du Patrimoine, il était capital pour nous d’alerter sur l’imminence de la disparition du seul Musée de l’Éventail en France et de l’Atelier Anne Hoguet. En effet, depuis deux ans, malgré les soutiens et les appels à l’aide désespérés lancés par sa propriétaire et relayés par la presse et les médias et de nombreux amoureux du patrimoine culturel et défenseurs des métiers d’Art, le miracle ne s’est pas produit.



Le 13 Octobre prochain, une audience se tiendra devant le Tribunal d’Instance de Paris en vue d’une expulsion et de paiement d’une dette se montant à 117 000 euros, auxquels s’ajoutent les frais de procédure.


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La cagnotte lancée début 2021 a permis de récolter 75.000 euros mais il reste encore plus de 40 000 euros à trouver d’ici le 13 octobre 2022, sinon le musée disparaîtra et nous perdrons un savoir-faire inestimable, reconnu « Patrimoine Culturel Immatériel en France ». Madame Hoguet a toujours à cœur de former les éventaillistes de demain.



L’éventail est un accessoire incontournable de la mode depuis des siècles et, avec le réchauffement climatique, il redevient plus que tendance. Or, ce musée/atelier situé dans le Xe arrondissement de Paris, dernier témoignage de l’activité d’éventailliste dans ce quartier, a subi une perte de fréquentation en raison de son manque d’accessibilité et la baisse d’activité de l’atelier a été accentuée par la crise sanitaire. Le bailleur social, affilié à la Ville de Paris qui est propriétaire des murs, obtient régulièrement des dérogations de mise en conformité de l’immeuble, ce qui réduit un peu plus le nombre de visiteurs.



La Mairie de Paris n’a hélas pas trouvé de solution pour que ce lieu exceptionnel dont le mobilier du salon d’exposition est classé Monument Historique, puisse être préservé.


Si nous ne sommes pas nombreux à nous mobiliser et que la procédure d’expulsion est prononcée, ce sera la fin de 100 ans d’histoire familiale et la dispersion d’une collection unique au monde. Une perte inestimable pour le patrimoine et l’artisanat français.



Une des donatrices, philanthrope et admiratrice, nous a contacté, afin que nous tentions l’action de la dernière chance et nous avons répondu présents.



Nous mettons à la disposition de ceux qui souhaiteront faire un geste, une nouvelle cagnotte en ligne via le site HelloAsso qu’Urgences Patrimoine utilise, il n’y a aucun frais et la délivrance des reçus fiscaux se fait automatiquement. Nous rappelons que les particuliers bénéficient de 66% de déduction fiscale et les entreprises de 60%.





Nous vous invitons également à signer la pétition et nous insistons sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de faire un don au moment de la signature, comme la plateforme vous invite à le faire, car cet argent, n’est pas destiné à la cause, mais bien à la plateforme elle-même. Donc, si vous souhaitez faire un geste, mieux vaut le faire sur la cagnotte en ligne.



Signer la pétition : https://chng.it/Vxg26W8cWB



Enfin, nous allons nous rapprocher du Ministère de la Culture, qui fait la promotion officiellement de ce savoir-faire d’exception et qui hélas, pour le moment, ne s’est pas prononcé.


Accéder au PDF du Ministère de la Culture :





Si vous souhaitez des informations complémentaires au sujet de cette sauvegarde, n’hésitez pas à nous contacter par mail : urgences.patrimoine@gmail.com



« Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble, nous pouvons! »

La démolition prochaine du Château de Louvroil, est devenu un peu le « feuilleton de l’été », certes sans grands rebondissements pour le moment, mais en tout cas, il affole les médias.



D’ailleurs, même dans l’émission « Les Grandes Gueules », il a eu sa place. Notons que ce passage sur le petit écran a été contreproductif, car les intervenants principaux ne connaissaient pas du tout le sujet.



C’est la raison pour laquelle nous avons jugé bon de donner la parole à un des habitants de la commune, très attaché à l’édifice et qui permet d’édifier tous ceux qui ne connaissent pas la commune et surtout qui ne savent pas que l’enseigne Aldi existe déjà à moins de 500 mètres du lieu convoité pour son nouveau magasin. Ce qui démonte l’argumentaire principal du maire, qui crie à qui veut l’entendre, que sans un Aldi dans sa commune, cette dernière sera perdue. Nous pensons sincèrement qu’après la lecture de cet article, les choses seront bien plus claires pour tout le monde.



Autre argument qui d’après nous n’est pas recevable : le fait que le château soit en vente depuis des années. S’il n’a pas trouvé preneur, c’est simplement que son prix était prohibitif par rapport au prix du marché de l’immobilier.



Urgences Patrimoine se joint aux habitants pour le dépôt du recours, mais nous espérons encore une étincelle de bon sens dans la tête des dirigeants de l’enseigne discount, qui pourrait tout à fait passer du camp des démolisseurs, à celui des sauveurs en revoyant sa copie.



Merci à Pascal Louis de nous faire partager ses observations pleines de bon sens.



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Pascal Louis : De formation scientifique, il estime que les mathématiques et les arts n’ont jamais cessé de se côtoyer, de se sublimer. Sa passion pour l’architecture, la sculpture ou encore la peinture en témoigne.Les voyages le nourrissent de cultures différentes et excitent sa curiosité. Il en revient toujours avec un nouveau regard, un « œil neuf ». L’habitude et la routine lui font peur. Pour lui, apprendre à observer une fleur, prendre le temps de tomber en admiration face à un « bel ouvrage » devrait être des apprentissages fondamentaux. La politique, au sens noble du terme le concerne, et tout particulièrement l’interpénétration entre urbanisme et modes de vie.


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Rien ne peut justifier la destruction du Château Blanc.



A plus forte raison lorsqu’il s’agit de le démolir pour le remplacer par un parking et sa supérette ALDI.



Cette supérette existe déjà le long de cette même départementale, un peu plus loin en direction de MAUBEUGE. Installée au milieu d’un ensemble immobilier composé de plusieurs immeubles et de cités, le quartier a une densité de population supérieure à celle du centre-ville.


D’autres clients, de passage sur la D 602 fréquentent cette supérette. C’est donc un déménagement qui est prévu avec agrandissement et non une implantation vitale pour les habitants.



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En venant s’implanter à la place du Château, ALDI sera sans aucun doute plus visible pour les clients de passage : ceux qui travaillent à MAUBEUGE et qui retournent chez eux dans la campagne voisine et ceux qui vont vers la grande zone commerciale AUCHAN. Il faut voir le nombre de véhicules immatriculés en Belgique qui passent par là. Le 21 juillet, fête Nationale Belge, c’est la folie.LOUVROIL est déjà largement dotée en termes de surfaces commerciales. Un hypermarché AUCHAN y est installé avec son ensemble de commerces satellites. Situé en limite du territoire de la ville, la zone s’étend sur la ville voisine HAUTMONT ; on y trouve des supérettes alimentaires et un vaste chantier est en cours pour accueillir plus de 120 magasins. AUCHAN est la plus grande zone commerciale au Sud du département. La Belgique, particulièrement la région de MONS achalande grandement cette zone commerciale, ce qui explique son implantation et son attractivité.Quelques commerces et supérettes tentent de s’implanter le long des axes passants (LOUVROIL est traversée par 2 axes principaux, la rue Jules Gallois et la route d’Avesnes) pour rejoindre AUCHAN depuis la Belgique, dans l’espoir de capter une partie de la clientèle de passage. L’expérience montre que le choix est risqué. LIDL de LOUVROIL en a fait les frais : voilà 2 ans que cette supérette est fermée. Aujourd’hui, c’est un garage et une exposition de voitures sur le parking. Situation que le Maire de LOUVROIL déplore. ALDI, avec une meilleure exposition et une plus grande surface commerciale espère faire mieux.Mais à quel prix !

  1. Ce choix s’oppose aux directives du PLUi qui stipule, p146 : « faire en sorte de limiter la dispersion des commerces le long des axes de flux ». On comprend pourquoi. Ce type d’implantation s’oppose à une politique de commerces de proximité soutenue par le PLUi. La volonté est de favoriser le regroupement de petits commerces afin de redonner de la convivialité au cœur des bourgs. Preuve par l’expérience, ALDI LOUVROIL, installé depuis plus de 20 ans n’a jamais attiré le moindre commerce autour de lui, pas plus que LIDL en son temps.

  2. Passage en force : « C’est à la place du Château Blanc ou ALDI quitte LOUVROIL ». La pression mise sur le Maire par le promoteur lui a-t-il permis de prendre sereinement sa décision ? Ce n’est un secret pour personne puisque c’est le Maire en personne qui justifie son choix de cette manière. Tant que les règles d’Urbanisme et d’Architecture seront dictées par les promoteurs, faisant fi du schéma directeur du PLUi, quel avenir réserve-t-on pour nos villes ?

  3. En limite de l’implantation du magasin, se trouve une maison Art-Déco, propriété classée « élément de patrimoine bâti repéré au titre de l’articleL151-19 du code de l’urbanisme » dans le PLU. Ce site patrimonial pourrait être doté d’un plan de gestion : un plan sous la forme d’un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) qui crée une servitude d’utilité publique, par exemple. Dans le PC du magasin, l’ABF n’a pas été sollicitée. Que faut-il comprendre, alors que cette maison Art Déco est identifiée depuis 2007 ? Le bâtiment ALDI sera implanté perpendiculairement à la D 602, s’étirant le long de la propriété Art Déco (hauteur 6 m + garde-corps de la toiture). Clairement parlant, ce patrimoine est totalement dévalorisé, caché du grand public et d’un tourisme potentiel.


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Le mépris pour ce patrimoine est d’autant plus flagrant que le bâtiment est un vulgaire hangar habillé de bardage coloré. Alors que dans la ville voisine, à HAUTMONT, le magasin ALDI est construit en briques rouges et couvert d’une toiture à plusieurs pans en ardoises, effort architectural dans le respect du bâti à proximité.


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  1. ALDI en s’installant à l’intersection de la route d’Avesnes D 602 et l’avenue (= rue relativement étroite) de Montfort en Chalosse, crée un point noir en termes de sécurité sur l’avenue Montfort en Chalosse, sur la voie publique (piétons & cyclistes) à l’endroit de l’entrée-sortie du parking.Pas de possibilité d’accès sécurisé, pas de permis accordé. C’est aussi simple que cela. En effet, aujourd’hui l’accès sur la D 602 n’est plus autorisé pour 2 raisons : d’une part, le flux de circulation est conséquent, d’autre part, il se ferait entre un carrefour et un virage caché par les habitations, ces derniers distants de 200 m. Dans le carrefour, face au château, Il y a une interdiction de tourne à gauche : en venant d’Avesnes ou du contournement, direction Valenciennes, les véhicules, et notamment des camions de livraison n’ont pas la possibilité de rentrer dans l’avenue Montfort en Chalosse. (Voir plan de masse annoté) L’accès au parking ne pouvant se faire qu’à partir de l’avenue de Montfort en Chalosse, les camions devraient traverser la ville pour accéder au parking. Problèmes de sécurité routière, nuisances matinales causées par les allers et venues des camions de livraison deviendront rapidement des problèmes insolubles.


A noter, le ALDI actuel donne sur la D 602, avec une large emprise de voirie, une grande visibilité. Le ALDI de demain donne sur une rue étroite (emprise de moitié) sans aucune visibilité.



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L’entrée au parking (voir le plan de masse ci-joint), est situé à 30 m du feu tricolore qui gère le carrefour. Quand 4 ou 5 véhicules attendent aux feux tricolores, l’entrée et la sortie sont bloquées. De l’autre côté, à 50 m de l’accès, il y a un virage à angle droit caché par un bâtiment industriel, virage accidentogène car plusieurs routes convergent vers celui-ci. Vous l’avez compris, sans l’encart sur le plan de masse, où le Département propose un giratoire, jamais le permis n’aurait été accordé. Mais ce giratoire n’apporte pas de réponse au virage sans visibilité, ou convergent plusieurs voies et déjà fort accidentogène



Double peine : du patrimoine est détruit avec de l’argent public.



Et tout ça pour un projet qui peut être éphémère, le business alimentaire dans le centre de LOUVROIL n’a toujours pas fait ses preuves, malgré plusieurs tentatives. (SHOPI, LIDL, et maintenant ALDI, motif en apparence de son déménagement)



P.S. La Mairie dit ne pas avoir de terrain à proposer. Pourtant,


  • derrière le château, une vaste surface ouverte sur les 2 rues précédemment citées et occupée par de vieux bâtiments industriels, ceux-ci n’ayant plus vocations à avoir une activité industrielle dans le tissu urbain.

  • à la sortie de LOUVROIL, proche des accès au contournement et le long de cette même D 602, il existe une grande surface commerciale inoccupée. Elle est disponible à la vente. S’il fallait encore une preuve que l’activité commerciale est difficile en dehors de la zone AUCHAN.


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N.B. Le château de style renaissance offre une perspective unique en son genre sur la D 602 (précédemment N2 PARIS-BRUXELLES). De nombreuses photos à travers l’histoire en témoignent.



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Au cœur de la Ville, il est situé face au parc public qui lui-même ouvre sur la place Général de Gaulle et la médiathèque de LOUVROIL.



Quant au bâtiment, sa structure est saine et la toiture à moins de 20 ans (à l’époque et suite à un incendie, la charpente et la couverture ont été refaites comme à l’origine, en respectant volumes et matériaux).



Actuellement, il est occupé par plusieurs locataires.



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Un appel à projets qui respectent le cadre de vie, l’architecture et le patrimoine tout en privilégiant des activités pérennes, parait une démarche plus censée.



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